Caterina Sforza, fille du duc de Milan Galeazzo Sforza, et comtesse de Forli, laissera dans l’histoire la marque d’un courage exceptionnel. Femme de la Renaissance, libre et cultivée, elle tombera sous les coups de Cesare Borgia appuyé sur l’armée française. Pour de nombreux auteurs, elle fait partie des dix femmes qui ont marqué l’histoire de l’Italie.
Caterina Sforza[i] nait à Milan en 1463, des œuvres de Galéas Maria Sforza, duc de Milan.
Galéas Maria Sforza (1444-1476) est le fils de Francesco Sorza (1401-1466), premier duc de Milan de la dynastie Sforza. Le duché s’était offert à ce grand condottiere pour éviter la dislocation prévisible dela précédente république Ambrosienne (voir l’article sur les ducs de Milan).
Galéas Marie Sforza (duc de 1466 à 1476) est un grand séducteur, qui se plait à semer des enfants chez ses maîtresses, puis à les abandonner pour d’autres maîtresses.
Cette attitude ne lui portera pas bonheur puisqu’il sera assassiné par trois hommes de sa garde qui avaient tous des motifs personnels de lui en vouloir et notamment, l’un d’entre eux, Visconti, qui lui reprochera d’avoir pris violemment la virginité de sa sœur.
L’enfance de Caterina Sforza
Le duc avait ainsi jeté les yeux, en 1462, quelques années avant son accession au trône, sur une très belle jeune femme, épouse de l’un de ses officiers, Lucrezia Landriani. Aussitôt le vœu est-il formulé que la très belle jeune femme entre dans le lit du prince. Et en début d’année suivante, la famille de Giovanni Pier Landriano s’agrandit d’une ravissante petite fille, qui est dénommée Caterina et que le prince accepte d’élever et éduquer comme sa propre fille.
Lucrezia Landriani Maîtresse de Galeazzo Sforza et mère de Caterina Sforza Antonio del Pollaiolo GemaldeGalerie Berlin
Le roi Louis XI en France, ayant souhaité se rapprocher de Milan, propose au duc Francesco Sforza, alors qu’il n’est encore que dauphin, en 1451, de faire épouser sa belle-sœur, treizième enfant de Louis 1er de Savoie, Bonne de Savoie, au prince héritier, Galeazzo Maria Sforza.
Le décès, sans postérité, de sa première épouse, Dorothée Gonzague (1449-1467), libère Galeazzo, qui peut épouser, le 7 juillet 1467, Bonne de Savoie, une jeune fille de dix-huit ans qui apporte, dans la corbeille de mariage, l’alliance avec la France. Un fils, Jean Galeas Sforza vient couronner cette union en 1469.
Caterina Sforza reçoit la meilleure éducation possible de la Renaissance avec les meilleurs maîtres de la brillante cour de Milan, l’une des plus fastueuses d’Europe. Ces maîtres sont placés, à partir de 1467, sous l’autorité de la duchesse Bonne de Savoie, qui saura aimer Caterina comme sa propre fille et l’élever avec ses propres enfants. Sans doute les maîtres ou la duchesse Bonne, réussissent-ils leur projet éducatif car leur élève, à peine âgée de huit ans, inspire au duc le souhait de la légitimer.
Peut-être cette légitimation lui est-elle également inspirée par le souhait de lui confier un rôle dans la politique extérieure de Milan ?
Promise au seigneur d’Imola : Guidazzo Manfredi
Justement, le duc de Milan regarde à cette époque vers la petite mais riche principauté souveraine d’Imola, située en Romagne, à trente milles au sud de Bologne. Les bruits de la querelle entre le seigneur d’Imola, Tadeo Manfredi et son fils, Guidazzo, qui reproche à son père ses dettes excessives, sont revenus à Milan. Galeazzo vient proposer de marier Guidazzo et Caterina et de régler les dettes du père, à la condition que le vieux Tadeo se retire d’Imola pour laisser la place à son fils qui pourra épouser Caterina lorsqu’elle sera nubile.
La principauté d’Imola passa ainsi sous le contrôle du duc de Milan, tandis que Guidazzo s’installe comme courtisan à Milan. La petite Caterina quant à elle, malgré ses huit ans, n’était pas du tout désireuse, maintenant qu’elle a acquis le statut de princesse, d’épouser un homme aussi mince que Guidazzo.
Sur ces entrefaites, Laurent de Médicis invite à Florence, en 1469, le duc de Milan et sa famille, aux fêtes de son intronisation à Florence, en remplacement de son père.
Une fête chez les Medicis
Pour étonner ses contemporains, le duc se déplaçe avec une suite de deux mille personnes toutes montées sur des mules caparaçonnées aux armes des Sforza : les litières sont recouvertes de satin et de brocards brodés au fil d’or ou d’argent. Tous les grands dignitaires du duché l’escortent ainsi que tous les membres de son Conseil, chacun d’entre eux accompagné d’une suite nombreuse et très richement montée et vêtue.
Tous les membres de la maison ducale sont habillés de velours, l’étoffe la plus chère de l’époque. Quarante piétons portant chacun un gros collier d’or escortent la famille ducale et quarante autres sont habillés d’habits brodés ou de dentelle. Les serviteurs du duc sont tous habillés de vêtements de soie, et ils portent des décorations en argent.
Il y a cinquante chevaux portant des tentes brodées au fil d’or, dont les étriers sont dorés. Une centaine d’hommes en arme suivent, « chacun équipé et monté comme s’il était capitaine », cinq cents soldats à pied, tous triés sur le volet, une centaine de mules couvertes de tissus d’or, et cinquante pages magnifiquement équipés. Deux mille autres chevaux et deux cents mules supplémentaires, tous couverts de riches damas, sont affectés aux bagages de cette multitude.
Cinq cents couples de chiens suivent, avec les chasseurs, des faucons et des fauconniers à proportion, avec les trompettes, les acteurs, les mimes et les musiciens, qui accompagnaient le monstrueux cortège.
Le duc et sa famille arrivent à Florence le 13 mars 1469 et ils sont reçus par Laurent dans sa propre maison, pendant que le reste de l’escorte, va planter ses tentes en bordure de la ville.
Malgré la munificence du duc de Milan, ce dernier et sa famille doivent rapidement convenir qu’ils sont écrasés par le luxe déployé par Laurent de Médicis. Ils déclareront plus tard n’avoir jamais rencontré une telle accumulation de peintures des plus grands maîtres, de gemmes, de vases magnifiques, de sculptures antiques et modernes, de bronzes, de médailles et de livres rares.
Laurent de Medicis le Magnifique Girolamo Macchietti Galerie des Offices
Un zoo magnifique a été réuni sur la place Santa-Croce, où tout Florence peut venir les admirer. La compagnie est invitée à des spectacles de type religieux, selon l’air du temps : une représentation de l’Annonciation à l’église San Felice et la descente du Saint-Esprit sur les apôtres, à l’église Santo-Spirito.
Puis, une « giostra » est organisée sur la grande place de Florence : une joute où les chevaliers s’affrontent en deux camps et où triomphe Laurent de Médicis.
La petite Catherina gardera de ce déplacement un souvenir émerveillé.
Le contrat de mariage avec le neveu de Sixte IV: Girolamo Riario
A Rome, le pape Paul II, Pietro Barbo, dont le pontificat a débuté en 1464, meurt le 25 juillet 1471. Il est remplacé par le cardinal Francesco della Rovere, qui, après avoir été Général des franciscains, règne sous le nom de Sixte IV (du 9 août 1471 au 12 août 1484).
Le nouveau Pape a une grande famille et pas moins de neuf neveux : cinq sont les fils de ses trois frères et quatre de ses trois sœurs. Sa sœur aînée a eu deux fils, Girolamo et Pietro Riario qui prendront une telle importance pour le Pape que plusieurs chroniqueurs les lui attribueront pour fils. Le plus âgé des neveux, Julien della Rovere, est rapidement nommé cardinal et s’illustrera comme Pape, sous le nom de Jules II.
Pierre Riario est, à l’âge de trente-six ans, comme son oncle, moine franciscain, lorsque Sixte IV est élevé au trône de Saint-Pierre. En peu de temps, il est élevé Evêque de Trévise, Cardinal Archevêque de Séville, Patriarche de Constantinople, Archevêque de Valence, et archevêque de Florence.
Les revenus de ce moine modeste augmentent alors dans de telles proportions que la rumeur lui attribuera des revenus équivalents à la somme de ses collègues réunis du Sacré Collège.
Girolamo, son frère, est laïc. Il est immédiatement intronisé sans en avoir mérité la promotion, capitaine général des troupes pontificales et gouverneur du château Saint-Ange.
Les nouvelles des promotions des deux frères Riario, produisent une forte sensation à Milan. Le cardinal Riario, avec son niveau de vie fastueux est bien fait pour séduire Galeazzo, un homme un peu arriviste dont la fortune à la tête de Milan n’a encore qu’une petite vingtaine d’années. Le cardinal fait les premières ouvertures et il est bientôt invité à Milan.
Le cardinal, suivi d’un cortège fastueux, arrive à Milan le 12 septembre 1473. Le duc vient accueillir le cardinal aux portes de la ville et lui fait un merveilleux accueil. De longs conciliabules avec le cardinal se tiennent dans les chambres privées du duc. Le cardinal est venu proposer au duc de Milan la grande stratégie du Pape visant à favoriser l’union des grandes principautés d’Italie (Venise, Milan, Florence, la Papauté et Naples) pour mieux résister aux puissances continentales qui voudraient envahir l’Italie. Le Pape cherche en effet à développer au centre de l’Italie les domaines du Vatican et à se protéger des entreprises du Saint Empire Romain Germanique par un glacis de républiques amies.
En contrepartie se discute également un projet d’union entre Catherine Sforza et Girolamo Riario, dans lequel la fille du duc de Milan serait dotée par son père du comté d’Imola qui passerait ainsi sous le nez du pauvre Guidazzo et d’une somme de soixante mille ducats. Le Pape offrirait lui, à Riario, quarante mille ducats et de « fortes espérances » de promotion.
Fresque de Melozzo da Forli : Nomination par Sixte IV de Platina comme Préfet de la Bibliothèque vaticane. Girolamo Riario est le deuxième Personnage à partir de la gauche Pinacothèque Vaticane
Puis le fastueux cardinal poursuit sa route pour Venise où il trouvera la mort l’année suivante. Mais le duc deMilan recevra alors toutes assurances de Rome, que la mort du Cardinal Riario ne changerait rien aux projets de mariage avec Caterina dès que celle-ci aurait atteint quatorze ans, en 1477.
Cependant, le jour de la Saint Stéphane du mois de décembre 1476, le duc de Milan, Galeazzo Maria Sforza est assassiné à la porte de la cathédrale. Sa veuve, Bonne de Savoie, acceptera-elle d’honorer les promesses de son époux pour une fille qui n’est pas de son propre sang ?
Car Bonne de Savoie est devenue régente du duché pour le compte de son fils, âgé de sept ans, Gian Galeazzo Sforza (1469-1494).
Le mariage de Caterina Sforza
Sixte IV lui envoie alors promptement le cardinal Mellini pour appeler à la contractualisation rapide du mariage. Bien que Bonne de Savoie en butte à mille difficultés pour préserver les droits de son fils à hériter du duché et pour le protéger de la rapacité de ses oncles, elle décide que les volontés du défunt s’imposeraient à elle : Caterina est donc mariée par procuration à Girolamo Riario à la fin mai 1477. La cérémonie restera discrète dans les chambres privées du palais ducal et Caterina est expédiée promptement à Rome où elle arrive fin mai 1477.
A Rome, la beauté de la jeune Caterina fait sensation. Girolamo Riario vient l’accueillir à la porte del Popolo [ii] et la conduit, dans une joyeuse cavalcade jusqu’à leur résidence princière de la Lungara, près du Tibre (aujourd’hui le palais Corsini l’a remplacée).
Dans ce magnifique palais des bords du Tibre, Caterina passera les quatre années les plus brillantes et les plus prospères (les plus heureuses ?) de toute sa vie.
Caterina Sforza Portrait (Medicis) Lorenzo di Credi Pinacoteca Civica “Melozzo degli Ambrogi” Forli
Elle devient rapidement la favorite de son oncle le pape Sixte IV et elle a tout Rome à ses pieds. Elle devient la cible de tous ceux qui veulent obtenir une promotion, une nomination, un avantage, qui viennent faire le siège de son palais. Les princes d’Italie qui veulent faire passer un message secret au Saint-Père passent par elle. Les chroniqueurs s’extasient sur la prudence marquée par Caterina dans la conduite de ces affaires, sa discrétion et sa modération.
Le 4 septembre 1480, le Pape offre à son neveu l’investiture de la cité et du comté de Forli. Cette ville, l’une des plus importantes de la Romagne, est située à seize milles au sud-est du comté d’Imola, dont Girolamo a été investi, par son mariage avec Caterina. Elle est située dans la même région particulièrement fertile, qu’Imola. Les précédents propriétaires, les Ordelaffi, ont été déchus par le Pape Sixte IV de leur droit d’héritage par suite des nombreux meurtres et empoisonnements pratiqués les uns sur les autres. Le Pape a alors fait main basse sur Forli qu’il a attribuée à son neveu.
Jusqu’à présent, tout a souri au neveu du Pape, arriviste et né dans la pauvreté. Il est devenu l’époux d’une des plus belles femmes d’Italie qui lui a apporté le comté d’Imola. Il est riche et occupe un rang important au Vatican qu’il doit moins à ses compétences qu’aux faveurs de son oncle. Cependant quelques nuages commençent à s’amonceler au-dessus de lui.
Deux ans plus tôt, il a prêté l’oreille à la conjuration lancée par Jacopo de Pazzi, dont il est devenu l’un des familiers. En contrepartie du soutien du Pape à cette conjuration, il devait obtenir pour lui-même, la ville de Faenza qui serait détachée de Florence. On connaît la suite (pour en savoir plus, voir l’article Les Medicis: une banque pour un trône sur ce même Blog).
La mort de Julien de Médicis et l’échec de la conspiration est l’occasion pour Laurent, de sanglantes représailles. Tous les membres de la conjuration et leurs alliés sont systématiquement débusqués et mis à mort. Le Cardinal de Pise, le neveu de Girolamo, dont la présence a été utilisée par les conjurés pour fixer les Médicis à la Cathédrale, est d’abord emprisonné puis pendu. Une guerre de deux longues années en résultera entre le Pape et Florence. Seul, Girolamo Riario échappe un temps au sort que lui a réservé Laurent le Magnifique.
Caterina a-t-elle été informée de la participation de son époux à la conjuration des Pazzi ? Il est probable que non, compte tenu du nécessaire secret de cette conspiration et des liens que Caterina a conservés avec Milan.
En quatre ans, Caterina offrira trois enfants à son époux : la première, Bianca, qui naît en mars 1478, puis Ottaviano, un garçon, le 1er septembre 1479 et enfin un second fils, Cesare, le 24 août 1480.
Un déplacement à Imola et à Forli
Pendant l’été 1481, pour la première fois, Caterina et son époux peuvent rendre visite à leurs possessions de Forli et d’Imola.
Il ne s’agit pas d’une mince affaire que d’organiser un voyage de plus de 200 milles à cette époque, de Rome à Forli (près de Ravenne). Car Girolamo prévoit d’emmener dans ses villes tout son train de vie à Rome : sa famille, ses bagages, ses serviteurs, ses chevaux, ses bijoux, ses armes, ses tissus, son mobilier. Et Girolamo est un homme riche, peut-être le plus riche de son époque car il a hérité des énormes richesses accumulées par son frère.
Le départ de Girolamo et de son épouse alimente de nombreuses discussions à Rome sur l’état de santé supposé du pontife. Peut-être est-ce la motivation de Girolamo ?
Toujours est-il que les habitants de Forli et d’Imola seront très impressionnés de l’arrivée de très nombreux convois successifs transportant les biens du comte et de la comtesse et leurs très nombreux serviteurs. Caterina et Girolamo arrivent à Forli le 15 juillet 1481
Ils ont décidé de conquérir leurs sujets. Ils font leur grande entrée à Forli à cheval, en habits princiers. Caterina a revêtu sa plus magnifique robe de gala, et elle porte ses plus beaux bijoux de perles et de diamants. Son élégance, la distinction de ses manières et son exquise beauté lui conquièrent immédiatement tous les cœurs.
Girolamo, qui souhaite faire la meilleure impression, s’est fait accompagner de plusieurs nobles romains parmi lesquels on compte un Colonna, deux princes Orsini et un grand nombres de patriciens des plus anciennes familles de Rome.
Dès leur arrivée à Forli, les seigneurs lancent une série de travaux pour améliorer l’agrément de la ville : achèvement de la forteresse, extension et aménagement du palais urbain, aménagement de la place centrale de Forli et construction de nouveaux édifices, pavage des rues, etc…
Un peu moins d’un mois plus tard, le jeune couple est accueilli à Imola le 12 août 1481 où il fait sa grande entrée comme à Forli, avec le même succès. Ils restent un peu moins de trois semaines à Imola, puis ils partent pour Venise, à la demande du Pape Sixte IV. Le Pape souhaitait s’entendre avec Venise pour que Girolamo s’empare de Ferrare, en profitant de la querelle existante entre Venise et Ferrare.
Girolamo et Caterina sont reçus à Venise comme des princes régnants. Toute la noblesse de Venise s’est donné rendez-vous. Quarante gentilshommes les ont accueillis à Malamocco et le sénat tout entier s’est rendu avec le doge Mocenigo sur le Bucentaure avec cent quinze nobles dames pour escorter la comtesse Caterina.
Giuseppe Bernardino Bison
Le Départ du Bucentaure vers le Lido de Venise, le jour de l’Ascension Collection privée
Ces honneurs sont réservés à l’envoyé du Pape. Ils sont aussi le résultat de la curiosité dans laquelle on tient Caterina Sforza dont le bruit de la beauté s’est répandu dans toute la péninsule.
Le jeune couple revient à Imola le 23 septembre sans avoir obtenu de résultat concret à sa mission. Ils y découvrent un complot tramé par les Ordelaffi, les anciens princes régnants de Forli, visant à assassiner Girolamo. Le complot a été, semble-t-il, ourdi depuis Florence par Laurent de Médicis. Le 14 octobre 1481, le couple est de retour à Rome.
Dernières années à Rome
Le résultat de cette politique conduite par le Pape, visant à accroître la puissance territoriale de sa famille, est l’instauration d’un désordre dans toute l’Italie centrale. La guerre contre Florence et la remise en cause du duc à Ferrare ont pour conséquence d’inciter ce dernier à accepter l’offre de Florence de prendre la tête des armées de la République. Le roi de Naples envoie son fils Alfonse à la tête des troupes napolitaines pour aller secourir le duc de Ferrare. Le Pape envoie alors Girolamo à la tête des troupes pontificales à la frontière avec le royaume de Naples.
Dubitatif sur les capacités guerrières de son neveu, il juge bon de lui expédier en renfort le célèbre condottiere Malatesta à la tête de troupes vénitiennes. Le 21 août 1482, les forces coalisées rencontrent les troupes napolitaines auxquelles elles infligent une cuisante défaite. Girolamo marche en triomphateur dans Rome en faisant défiler devant son épouse le cortège des prisonniers de guerre. Caterina a peu de motifs de se réjouir de cette victoire car elle vient d’apprendre la nouvelle que Forli est assiégée par des alliés du duc de Ferrare.
De son côté, la ville éternelle est en proie à une cruelle disette et prête à se soulever. Les troupes papales qui auraient été bien utiles pour contenir les soulèvements multiples des régions, instigués par Laurent de Médicis, sont obligées de rester dans Rome pour contenir d’éventuels soulèvements populaires. Et le Pape est loin de se réjouir des performances de son neveu à la tête du château Saint-Ange. Car le 25 juillet 1483, alors que Girolamo est en train de perdre de fortes sommes aux cartes dans le jardin à l’arrière du château après un souper bien arrosé, un prisonnier de marque, le seigneur Mariano, de la célèbre famille Savelli, parvient à s’échapper.
Château Saint ange par Gaspar Van Wittel Palazzo Pitti ?
Après avoir semé le désordre en Italie centrale, le Pape réussit à semer la discorde dans Rome. Il s’est en effet fâché avec le Protonotaire Colonna. Une expédition est décidée entre la faction des Orsini et Girolamo contre le Palais Colonna qui est forcé et pillé et tous les biens de ce magnifique palais, dispersés. Le protonotaire est traîné dans les rues et conduit au château Saint-Ange où il est mis à la torture par Girolamo avec mille raffinements de cruauté. Il meurt au milieu de ses tortures.
Le retour à Forli
Peu de temps après, le pape Sixte IV, meurt à son tour le 12 août 1484.
Pendant que son mari, abattu par la disparition de son mentor et protecteur de tant d’années, court se mettre à l’abri, hors de la cité, à la tête des troupes pontificales, Caterina, quant à elle, restée seule, réagit vivement. Elle court mettre à l’abri sa famille et ses serviteurs au Château Saint-Ange, dont elle prend possession au nom de son mari, pendant que la ville est livrée au pillage. Quand Girolamo revient deux jours plus tard à Rome, il trouve son palais à l’état de ruine et la populace en train de piller méthodiquement tous les biens des anciens familiers du pape défunt.
Ceux qui s’en sont pris à son palais sont déconfits de n’y rien trouver et pour cause : Girolamo a tout déménagé trois ans plus tôt. Ils s’en prennent alors, de rage, à tout ce qui a une quelconque valeur en enlevant blocs de marbre, sculptures et décorations extérieures. Tout ce qui ne peut être enlevé est détruit ou brûlé, y compris les arbres du jardin. De là ils iront à une de ses propriétés agricoles en dehors de Rome et y saccageront tout, tuant indistinctement veaux, vaches, cochons et autres oies et canards. Il faut sans doute voir dans cet acharnement l’effet de la vengeance des Colonna contre celui qui a si cruellement martyrisé leur parent et pillé leurs biens.
Le 22 août, le Sacré Collège réussit à calmer les désordres et prie Girolamo de lui remettre le Château Saint-Ange avant trois jours. Pendant ce temps, la comtesse ne reste pas inactive : elle fait entrer dans le château cent cinquante hommes d’armes. Le Sacré-Collège qui a sans doute espéré prendre en otages la famille de Riario et sa femme accepte finalement de mauvaise grâce que le couple, remette comme prévu les clefs du château le 25 août et soit autorisé à sortir de Rome avec sa garde de cent cinquante hommes.
Le 29 août, ils apprennet en chemin avec beaucoup de soulagement que le Cardinal Cybo a été élu Pape sous le nom d’Innocent VIII. La carrière du Cardinal Cybo avait été largement facilitée et encouragée par les Riario et leur famille. Arrivés à Forli le 4 septembre, ils reçoivent rapidement confirmation de l’investiture de Girolamo aux principautés de Forli et Imola et du maintien de sa « condotta » de Capitaine Général des Forces pontificales.
Les habitants de Forli ne sont pas particulièrement charmés de l’arrivée du couple seigneurial car il y a une profonde différence entre le favori tout puissant du Pape, en mesure de canaliser vers Forli une partie des énormes revenus de Rome et un seigneur de Forli qui devra vivre principalement des revenus de sa cité.
La situation de Forli n’était pas simple sur le plan extérieur : Florence restait l’ennemie mortelle du comte qui pouvait tout craindre d’Hercule d’Este, duc de Ferrare qu’il avait cherché à évincer et même de Venise, qui, avec la mort du Pape, s’ést maintenant alliée avec ses anciens ennemis.
Il lui faut donc renforcer les défenses de Forli d’autant que la ville, en pleine crise économique par la guerre en Italie centrale a besoin d’être redynamisée économiquement.
Il suspend les taxes sur la viande, en même temps qu’il fait réparer la cathédrale et achever la forteresse de Ravaldino. Le palais s’agrandit en surfaces et en confort avec de beaux espaces de vie, des entrepôts et d’amples prisons. Il fait bâtir un cloitre franciscain.
Pendant ce temps, Caterina présente à son mari trois nouveaux enfants, Giorgio Livio, né le 30 octobre 1484, Galéazzo, le 18 décembre 1485 et le dernier, Francesco, le 17 août 1487.
Ses dépenses laissent Girolamo, qui a vécu les treize précédentes années de sa vie sans compter, les poches toujours pleines, dans un dénuement presque complet. Il doit se résoudre à rétablir la taxe sur la viande ce qui est la source de murmures, disproportionnés, avec la joie précédente de l’avoir suspendue.
Il s’aliène les agriculteurs de cette riche région alluvionnaire en imposant des taxes sur le sel, sur la viande et sur les céréales. Les difficultés auxquelles Girolamo doit faire face sont plus que partagées par Caterina qui, par sa joie de vivre et son caractère trempé, soutient son mari dans toutes ses décisions.
En mars 1487, Caterina part visiter ses parents et proches à Milan laissant son mari à Imola. Elle revient précipitamment car Girolamo est tombé brutalement malade. Elle juge rapidement qu’il n’est pas soigné correctement et elle fait venir de Milan les meilleurs médecins. Elle reste à son chevet et aura la satisfaction de le voir recouvrer lentement ses forces.
Première conspiration à Forli
Mais des nouvelles alarmantes arrivent bientôt de Forli. Le fidèle châtelain de Forli, Tolendino, vient à mourir prématurément, et un certain Melchior Zocchejo de Savone, un ancien corsaire, est désigné pour le remplacer. Le vieux Sénéchal du Palais, un fidèle de Girolamo, Innozenzio Codronchi, vient rencontrer quotidiennement Zocchejo à la forteresse pour le défier aux échecs. Un jour, il arrive avec quatre spadassins déguisés en valets et ils assassinent brutalement Zocchejo. Depuis lors, le sénéchal est resté retranché dans la forteresse de Ravaldino. On peut craindre à cette nouvelle que cette série d’évènements ne soit à mettre au crédit des Ordelaffi, auquel cas, Forli serait irrémédiablement perdue.
La nouvelle parvient à Caterina au milieu de la nuit. Malgré son état de grossesse très avancé, elle enfourche immédiatement un cheval et se rend à Forli où elle vient exiger de Codronchi des explications. Du haut de la forteresse ce dernier lui indique que ce n’est pas lui qui est à craindre, mais Zocchejo qu’il a fait assassiner. Il invite Caterina à se reposer et à le rejoindre au petit matin avec le déjeuner. Cette invitation est étrange et provocatrice de la part d’un serviteur ! A-t-il craint pour sa vie ?
Caterina obtempère et revient au petit matin avec de quoi préparer un excellent déjeuner. Mais elle trouve porte close à la forteresse où on lui fait dire qu’elle ne pourra entrer, qu’accompagnée d’un seul serviteur. Cette nouvelle et insolente exigence demande à être mûrement pesée car, si les Ordelaffi sont derrière cette affaire, la vie de la comtesse ne tient qu’à un fil ! Malgré les conseils de ses proches, Caterina obtempère et entre dans la forteresse, suivie du seul Tommaso Feo, un de ses proches. Codronchi lui remet immédiatement le commandement de la forteresse, qui est laissée à Tommaso, tandis que lui-même et la comtesse se rendent à la Maison de ville de Forli où les attend une foule de citoyens curieux de recevoir des explications sur ces évènements extraordinaires.
En quelques mots inintelligibles, Caterina explique qu’elle avait perdu le contrôle de la forteresse mais que celui-ci lui a été rendu par Codronchi. Ils repartent vers Imola où la comtesse accouche le jour suivant leur retour, de son sixième enfant.
Girolamo se remet péniblement de sa maladie et le couple peut retourner à Forli. Le comte setrouve alors dans l’incapacité de payer ses troupes et il doit des arrérages de solde importants à un certain Checco d’Orsi, à qui il a concédé la ferme de la taxe sur la viande. Mais d’Orsi représente au comte que la situation économique est telle qu’il est raisonnable de surseoir au paiement des sommes dues. Ce que Girolamo refuse d’accepter : il fait emprisonner Orsi quelques temps.
L’assassinat de Girolamo Riario
Le 14 avril 1488, aux heures habituelles des grandes audiences, alors que la comtesse s’est retirée dans ses appartements, Checco, accompagné de deux complices, Giacomo Ronchi et Ludovico Pansecco, entre dans le Palais et trouve le comte accoudé à la fenêtre donnant sur la place, en discussion avec le Chancelier. Girolamo l’accueille avec bienveillance en levant le bras et Checco le poignarde alors de deux coups, mortels.
A vingt-cinq ans, Caterina Sforza, mère de six enfants, devient veuve.
Pendant qu’un serviteur affolé court prévenir sa maîtresse, les trois assassins tiennent un rapide conciliabule puis ouvrent toutes grandes les fenêtres du palais en criant : « Liberté, Liberté, le tyran est mort, Forli a récupéré sa liberté ». Rapidement, la foule de Forli enchaîne et reprend ces slogans à tue-tête. La garde du palais, se joint à la multitude, tandis que le frère de Checco, Ludovico d’Orsi, un sénateur de Rome, vient sur la place exciter la populace et en prendre le contrôle.
Mais le Chancelier, par un autre passage a vite rejoint la comtesse qui se trouve dans ses appartements, ayant rassemblé tous ses enfants et leurs nurses. Elle réagit avec promptitude. Elle ordonne à Ludovico de se rendre immédiatement à la forteresse pour enjoindre à Tommaso Feo de se barricader et expédier immédiatement des demandes de secours à son frère Gian Galeazzo, duc de Milan et au seigneur Bentivoglio de Bologne, l’ami de son époux.
Ludovico a juste le temps de sortir par une porte qu’entre par une autre, Checco, suivi d’une demi-douzaine de spadassins, qu’il place à toutes les sorties du palais. Checco fait sortir les femmes et les enfants de leurs chambres et il les fait conduire, comme des prisonniers, sous bonne garde au palais Orsi au milieu de la foule.
Les Orsi imaginent naturellement prendre la place de Girolamo Riario. Comme première mesure, ils proposent aux citoyens de faire adouber leur coup de main par l’Eglise. Ils adressent donc une députation au cardinal Savelli, à Cesena, une ville à douze milles au sud de Forli. Le cardinal, qui connait les liens entre le Pape et les Riario, refuse d’abord de cautionner le meurtre de Girolamo. Il accepte néanmoins de se rendre à Forli pour offrir ses bons offices.
Il propose à Caterina qui accepte tout plutôt que de rester dans la maison des meurtriers de son époux, d’être remise à la garde de citoyens de Forli dans une prison de la ville où elle est placée dans le cours de la nuit suivante.
Le jour suivant, le cardinal et les frères Orsi viennent sommer Tommaso Feo de leur remettre la forteresse de Rivaldino. Sur son refus, ils sortent Caterina de sa prison et lui intiment d’ordonner à Tommaso de leur livrer la forteresse. Mais Caterina et Tommaso doivent avoir des signes secrets d’intelligence car elle a beau supplier le gouverneur d’avoir pitié de ses enfants, c’est peine perdue: il reste inflexible.
La nuit suivante, le cardinal Savelli suggère que l’on mette face à face, Caterina et Tommaso pour que cette dernière donne l’ordre de rendre la forteresse. La comtesse déclare à haute voix qu’elle est certaine d’arriver à convaincre le gouverneur, pour peu qu’elle puisse le rencontrer en privé. Les Orsi et leurs partisans sont partagés et répugnent plutôt à se séparer d’un otage de cette valeur. Elle leur fait alors la remarque qu’ils détiennent en otages tous ses proches et ses enfants, un argument qui fait tomber les dernières préventions.
Caterina reçoit alors la permission d’entrer dans la forteresse, sur sa promesse formelle que sa démarche, couronnée ou non de succès, elle sortira au bout de trois heures.
Au terme du délai, Feo apparaît et indique qu’il avait placé sa maîtresse au repos et que celle-ci dort à présent. Il verra plus tard ce qu’il conviendra de faire [iii].
Celui qui parait immédiatement le plus furieux à entendre ces mots, c’est le cardinal Savelli qui voit bien qu’il a été joué. Mais les Orsi éclatent bientôt en imprécations diverses. Ils envoient des hommes chercher les enfants de la comtesse à la prison. Ils font appeler à nouveau Caterina et menacent d’exécuter les enfants si cette dernière ne se rend pas.
Le gouverneur leur réplique que Caterina est la sœur du puissant duc de Milan et qu’un meurtre aussi odieux recevra de terribles conséquences tant pour les Orsi que pour toute la ville de Forli.
Dans l’irrésolution, le père de famille des Orsi, un homme âgé de quatre-vingt-cinq ans, revient à Forli qu’il a quittée avant les évènements. C’est un révolté «professionnel» qui a participé précédemment à pas moins de sept conjurations à Forli. Il traite ses enfants de fous de n’avoir pas éliminé en même temps que le chef de famille, tous les membres de cette famille, femmes et enfants. Il décide que la première chose à faire est d’expédier un courrier au Vatican pour requérir de l’aide du Saint-Père et de s’armer en défense.
Le 18 avril, un héraut parvient à Forli de la part du seigneur Bentivoglio de Bologne qui prie la ville de reconnaître l’autorité d’Ottaviano comme comte de Forli et de libérer la comtesse Caterina. Ces arguments commencent à déstabiliser certains des citoyens de Forli qui en reconnaissent la justesse. Puis l’envoyé des Orsi à Florence revient avec un message laconique de Laurent de Médicis qui indique que sa haine est morte avec la mort de Girolamo et qu’il n’entend nullement se mêler de cette histoire.
Puis Savelli reçoit alors un message du duc de Milan, lequel s’étonne de la part prise par le Cardinal dans les récents évènements alors que le Pontife, à Rome, ne parait même pas informé des mêmes évènements. Il prie, en conséquence, instamment le cardinal, de revenir à ses propres affaires en quittant Forli.
Le Pape, en recevant toutes ces nouvelles, décide de suivre l’exemple de Laurent de Médicis et de n’accorder aucun secours aux révoltés de Forli qui sont seuls, le 29 avril quand ils voient arriver les forces milanaises et bolognaises qui entreprennent de circonscrire la ville.
Les Orsi constatent alors que la partie est perdue et ils choisissent de quitter secrètement la ville, la nuit suivante. Au matin du 30 avril, Caterina peut voir à la porte de la forteresse ses six enfants que les citoyens de la ville ont libérés sur l’intercession de Savelli.
En punition de sa révolte, Forli aurait pu être livrée au sac et au pillage suivant toutes les lois féodales de l’époque. Mais Caterina s’interpose: elle ne veut se souvenir que des citoyens fidèles et elle ne permet l’entrée que de quelques soldats ce qui préservera Forli du pillage.
Cette insigne faveur lui attire la soumission immédiate du peuple qui approuve dès lors l’érection d’Ottaviano comme comte de Forli et de Caterina comme régente.
On retrouvera dans la ville trois Orsi qui n’étaient pas partis, dont le patriarche. Ils seront promptement pendus.
Le deuxième époux de Caterina: Giacomo Feo
Une jeune veuve de vingt-six ans, belle et riche est une proie tentante. Les bruits les plus divers courent sur Caterina mais cette dernière refuse absolument les maris qu’on lui propose. Elle a acquis durement son indépendance et elle entend bien la conserver.
Les circonstances de la mort de Girolamo et de la libération de Caterina ont créé un lien avec Tommaso qui parait devoir se conclure en un mariage attendu.
Mais Tommaso Feo, originaire de Savone, la ville de naissance de son époux, Girolamo, a un jeune frère, Giacomo, à peine âgé de vingt ans, cavalier accompli, excellent en toutes sortes de jeux virils, beau, grand, séduisant.
Il remplaçe bientôt, pendant l’été 1490, dans le gouvernement de la forteresse, son frère aîné, qui est remercié et qui repart à Savone. Puis, Giacomo épouse secrètement Caterina Sforza. Secrètement car il s’agit pour cette dernière d’une particulière mésalliance et aussi parce que ce mariage est susceptible de lui enlever la garde de ses enfants.
Puis les affaires publiques redeviennent ce qu’elles étaient avant la mort de Girolamo, de conspiration en conspiration des Ordelaffi, régulièrement détectées grâce à la prudence de la jeune comtesse. Pour restaurer les finances de la ville, la comtesse croit avoir trouvé la poule aux œufs d’or en imposant des taxes à l’entrée et à la sortie du territoire. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances : le trafic contourne simplement les nouvelles barrières douanières. Caterina comprend rapidement son erreur et retire ses barrières douanières.
Bientôt un autre sujet de préoccupation requiert son intervention : la banque d’un juif, prêteur, ayant été saccagée au moment des émeutes, ce dernier a quitté la ville. Elle offre à un juif de Bologne de reprendre l’affaire abandonnée. Celui-ci accepte, sous condition solidaire, de la ville et de la comtesse, d’indemnisation des pertes en cas de révolte ou de pillage. Ce qui permet aussitôt de rétablir les petits prêts à la consommation, indispensables pour faire tourner l’économie.
Le Pape Innocent VIII meurt le 25 juillet 1492. Son remplaçant, est le Cardinal Rodrigo Borgia, élu le 11 août 1492. Il se trouve que le cardinal Borgia a été l’un des partisans des Riario de la première heure. Il a même porté Ottaviano sur les fonts baptismaux. Il accueille avec faveur les protestations d’amitié que lui fait la jeune comtesse depuis chacune de ses villes, Imola et Forli. On apprend la disparition la même année de l’homme fort de Florence, Laurent le Magnifique et son remplacement par un jeune homme qui ne parait pas à la hauteur de ses responsabilités.
Pape Alexandre VI Cristophano dell’Altissimo Galerie des Offices
En juillet 1494, survient un désastre qui va changer pour toujours le visage de l’Italie : l’invasion des « Huns » du roi de France Charles VIII, qui part à la conquête du royaume de Naples. La même année, Ludovic le More, l’oncle de Caterina, s’est emparé du pouvoir à Milan, en ayant, peut-être, fait empoisonner le jeune demi-frère de Caterina, Gian Galeazzo. Ludovic a pris le parti du roi de France. Le Pape lui, s’est allié à Naples dont les armées se sont avancées jusqu’à Cesena, à douze milles au sud de Forli. Les Français quant à eux se sont arrêtés à Bologne à trente milles au nord de Forli.
Forli est sous la suzeraineté du Vatican où vont toutes les sympathies de Caterina où elle sait pouvoir compter sur l’amitié de plusieurs cardinaux. Difficile en revanche de se faire l’ennemi du roi de France tout puissant. Caterina choisit d’abord la voie médiane d’une difficile neutralité puis, au terme de longs marchandages, elle incline pour le parti de Naples sous la double condition que les troupes coalisées assureront sa protection et que son fils, âgé de dix-sept ans, Ottaviano, prendra rang de général dans ces armées.
Le sort des armes et, en l’occurrence, la victoire rapide de l’armée française au cours des premiers engagements, fait voler en éclats ces accords et l’armée coalisée est rapidement dans l’impuissance de protéger Forli. La comtesse est alors placée dans l’obligation de chercher in extremis un accommodement avec les Français, un objectif qu’elle ne réussit que partiellement car les troupes napolitaines, en se retirant, ravageront ses territoires.
Les Français entrent à Forli le 23 novembre. Caterina obtient pour son mari, dont la roture est encore trop apparente, le titre de baron en France.
Le 27 août 1495, alors que Caterina et Giacomo reviennent d’une partie de chasse, elle-même dans une voiture à l’avant et lui, à l’arrière du convoi, sept habitants d’Imola et de Forli, nobles, prêtres ou paysans, se jettent sur Giacomo et le laissent mort sur la route, une pique en travers du corps. La comtesse n’a nullement été inquiétée et ce n’est qu’au moment du cri poussé par la victime, qu’elle ordonne l’arrêt de la voiture et qu’elle expédie ses gens : mais la tragédie est déjà jouée et Caterina se trouve à nouveau veuve à trente-trois ans.
Tous les assassins sont des personnes que la victime connaissait. Le mobile de sa mort semble avoir été la jalousie des honneurs répétés monopolisés par Giacomo.
Caterina peut craindre un moment à la répétition des évènements survenus huit ans plus tôt et elle se rue avec ses enfants à l’abri de la citadelle. Mais la colère manifeste de la ville lui montre bientôt que les conjurés sont isolés. Ils sont arrêtés les uns après les autres. Lors de leur procès, ils déclareront tous que ce qu’ils avaient fait l’avait été sur ordre exprès du comte Ottaviano et de la comtesse. Le juge commis pour l’instruction du procès ne paraît pas avoir considéré cette explication comme impossible.
Il est probable que Caterina était innocente de cette accusation car il aurait été très simple pour elle, une des très grandes spécialistes, en Italie, des herbes médicinales, d’empoisonner son mari sans que nul ne s’en rende compte. Elle n’aurait pas non plus cherché à dresser un procès public. En revanche, il n’est pas interdit de penser qu’Ottaviano ait directement suscité cet attentat, avec le souci de libérer Forli de l’emprise de cet aventurier.
La vengeance de Caterina est terrible : elle fait pendre près de quarante personnes, hommes, femmes et enfants, suspectées, à tort ou à raison, de complicité dans la mort de son cher Giacomo.
Un troisième époux pour Caterina: Jean de Médicis
En 1496 arrive à Forli un nouvel ambassadeur de Florence en la personne de Jean de Médicis (1462-1509), petit-fils de Giovanni di Bicci (1360-1429), le fondateur de la banque et de la fortune des Médicis. Il est le neveu de Piero di Cosimo de Médicis et le cousin au second degré de Laurent le Magnifique. A la différence de Giacomo, c’était un homme riche qui n’a rien à attendre de la Dame de Forli. Elégant et raffiné, beau et racé, il séduit la jeune veuve qui lui offre bientôt sa main, au cours de l’été 1497. Sans doute Caterina voit-elle poindre, sans pouvoir s’y opposer, les ambitions d’Alexandre VI et recherche-t-elle un moyen de consolider ses alliances ? Ce troisième mariage, à l’âge de trente quatre ans, est, tout comme le précédent, tenu absolument secret. Mais De cette union des Sforza et des Médicis, nait, le 6 avril 1498, un fils, Ludovico, prénom du duc de Milan, qui est remplacé, quelques mois plus tard, par celui de Giovanni, comme son père, qui meurt prématurément, le 20 septembre 1498. Ce dernier a eu le temps d’informer la Seigneurie de Florence, qui, par une décision du 21 juillet 1498, a accordé droit de cité à Caterina et ses enfants, nés ou à naître.
Ce Giovanni s’illustrera sous le nom de « Giovanni delle bande nere » comme le plus grand condottiere de son temps et le père du futur premier grand-duc de Toscane (Voir à ce sujet l’article sur ce Blog sur Le dernier des Condottieres: Jean de Médicis des Bandes noires). Par Giovanni, Caterina Sforza est l’ancêtre de Marie de Médicis et des derniers rois de France Bourbons.
Sebastiano del Piombo Portrait d’un homme en armure Peut-être Jean de Medicis des Bandes Noires Wadsworth Atheneum museum of art Connecticut
Grâce à l’appui de Giovanni de Medici, son fils Ottaviano obtient de Florence, en 1498, une « condotta » avec le titre de général dans l’armée florentine. Si les suspicions sur la participation d’Ottaviano à l’assassinat de Giacomo Feo sont fondées, cet éloignement est doublement bénéfique pour Caterina qui peut ainsi garder la haute main sur ses comtés tout en tenant à distance son fils.
La vie de Jean de Médicis, le fils de Caterina Sforza est racontée dans l’article de ce Blog: Le dernier des Condottiere: Jean de Médicis “des Bandes Noires”
Caterina Sforza déchue des comtés d’Imola et de Forli par le pape Borgia
En mars 1499, le pape Alexandre VI, prononce la déchéance de la comtesse de Forli et d’un certain nombre de principautés, pour non-respect du paiement à bonne date des redevances dues aux finances vaticanes. Caterina a beau démontrer que toutes les demandes des papes précédents ont été satisfaites, cette nouvelle exigence du pape Alexandre VI montre que les temps ont changé : Caterina Sforza ne fait plus partie des personnes favorisées par le Pape.
Le Pape Alexandre VI, comme Sixte IV, vingt ans auparavant, a une famille à couvrir d’honneurs. Et les honneurs de Caterina Sforza viennent aujourd’hui, contrarier l’ascension de Cesare Borgia le second fils d’Alexandre VI.
En juillet de l’année 1499, les Florentins expédient à Forli un jeune ambassadeur, très prometteur, en la personne de Niccolo Machiavelli pour renégocier à la baisse la « condotta »[iii] d’Ottaviano (pour la réduire de douze mille à dix mille ducats par an) et solliciter l’expédition de matériels de guerre, dont Forli, sous la direction dynamique de la comtesse, est devenu l’une des grosses entreprises de guerre en Italie avec de nombreux ateliers de production d’armes et de boulets.
Nicolo Machiavel Santi di Tito Palazzo Vecchio Florence
Il expose astucieusement ses arguments. Mais Caterina lui répond plus astucieusement encore, en faisant valoir que son fils est réclamé à Milan et que si Florence n’en veut pas, elle est toute prête à signer avec sa famille à Milan. Finalement, Machiavel requiert de nouvelles instructions de la Seigneurie de sorte qu’à son départ de Forli, il a finalement cédé sur la plupart des points en négociation avec la terrible comtesse.
A la fin de l’été 1498, Giovanni de Médicis Il Popolano, vit ses derniers jours à la station thermale de Saint-Pierre-aux-bains près de Padoue. Il meurt le 20 septembre 1499 et Caterina décide de changer le nom de son fils en lui attribuant celui de son père, un prénom mythique dans la famille Médicis. La succession s’annonce difficile car le frère du défunt, Laurent de Médicis, l’ami du Politien (voir l’article La naissance de Vénus sur ce Blog), son plus proche parent, qui détient beaucoup de biens en commun (participations dans la banque Médicis, un palais à Florence, un autre à Fiesole, les villas de Castello, Cafàggiolo et le Trebbio) en indivision avec son petit-cousin: Caterina, qui a, par un acte du 14 aôut 1499, rendu public son mariage avec Giovanni de Médicis, confie la gestion des biens de son fils Jean à François Fortunati, l’homme de confiance des Sforza et Riario, le chanoine de Saint-Laurent à Florence.
Tandis que Caterina passe ses journées à cheval, en cuirasse pour veiller à renforcer les défenses de ses Etats, une épidémie de peste affecta Forli et son fils Ludovic. Ce dernier est fin août à l’article de la mort puis il se rétablit en septembre 1499.
Début novembre 1499, Cesare Borgia apparaît près d’Imola avec une armée composée pour l’essentiel de Français: Alexandre VI a en effet conclu un accord avec Louis XII qui a promis d’aider Cesare à “reprendre certaines places usurpées par les vicaires de l’Eglise Romaine“[iv] et Yves d’Alègre a été détaché à la tête de 300 lances (1800 cavaliers) et 4000 suisses. A la première sommation, Imola, qui ne dispose pas des mêmes arguments défensifs que Forli, se rend. Pendant ce temps la comtesse et son fils se dépensent sans compter pour organiser la défense de Forli.
Mais la disproportion de forces est trop évidente et Forli est désormais isolée, sans alliés. Dans ces circonstances désespérées, la comtesse décide d’assurer au moins l’avenir de son fils, Giovanni, en l’expédiant à Florence le 11 décembre.
Le 19 décembre, Cesare Borgia fait son entrée triomphale dans Forli. Il s’installe bruyamment dans le palais comtal et ses nombreux officiers choisissent leurs quartiers de même en délogeant les habitants et en forçant les femmes. La Maison de ville est dévastée, la salle du Grand Conseil transformée en taverne, de sorte que l’arrivée de l’armée papale prend les allures d’un véritable sac.
Les citoyens commencent à murmurer qu’ils auraient pu éviter tout cela en joignant leurs efforts à leur courageuse comtesse qui s’est retranchée dans la forteresse. Cette dernière est investie dans la deuxième quinzaine de décembre : les bombardements commencent et se poursuivent pendant trois semaines avec une accalmie au moment de la nouvelle année. Le 10 janvier 1500, les Français de Cesare Borgia reprennent les bombardements et réussissent à ouvrir une brèche exploitable. Cesare retourne déjeuner avec ses officiers et parie qu’avant trois jours, il aura capturé Caterina Sforza.
Cesare lançe ses troupes à l’attaque dans la brèche dégagée par l’artillerie. Mais l’enceinte de la forteresse comprend un deuxième château, à l’intérieur, de sorte que quand les troupes pénétrèrent par la brèche, elles sont accueillies par un feu roulant qui fait bien quatre cents victimes parmi les assaillants.
Portrait de Jeune homme par Altobello Melone Attribué à Cesare Borgia – Académie des Beaux Arts de Bergame
Les défenseurs se replient alors dans la tour principale, abandonnant la tour extérieure (qui servait de magasins aux poudres) aux attaquants qui y ont pénétré et à laquelle les défenseurs mettent le feu, provoquant, dans la terrible explosion qui suit, un grand nombre de victimes dans l’armée adverse.
A ce moment-là, Cesare, désireux de mettre un terme à l’hémorragie, demande à parler à Caterina. Celle-ci se poste à une fenêtre de la tour principale et Cesare conjure la comtesse de déposer les armes. Mais un soldat français qui a trouvé le moyen de pénétrer dans la tour en profitant de cette altercation, se glisse près de la comtesse, la neutralise et la fait prisonnière. On est le 12 janvier 1500.
Caterina est gardée cette nuit-là dans la citadelle et discute pendant une heure des termes de sa reddition avec Cesare Borgia et le général français Yves d’Alegre: les termes de la reddition signés par Yves d’Alègre prévoient que Caterina Sforza serait libre mais assignée à résidence à Rome.
Puis Cesare Borgia revient à Rome avec sa prisonnière, qui a revêtu pour l’occasion une robe de satin noir. Ils entrent dans Rome le 26 février 1500 par la même porte del Popolo où Caterina avait pénétré en reine, vingt-trois ans plus tôt.
Catherine Sforza par Gobbi Dario vers 1914 Museo Civico Imola
Les dernières années
Elle est assignée à résidence, mais dans un appartement-prison du Belvédère. Environ quatre mois plus tard elle est accusée d’avoir voulu empoisonner le pape. Ce qui pourrait bien être arrivé compte tenu de la façon dont les Borgia qui devaient tout à la famille de son mari, s’étaient conduits avec elle. Que l’accusation fût vraie ou fausse, Caterina est confrontée avec ses accusateurs et nie farouchement. Alexandre VI recule devant la perspective de mettre Caterina à la question. Il préfère l’éloigner du Vatican (ce qui donne un peu de réalité à l’idée de la tentative d’empoisonnement) et l’emprisonner au château Saint-Ange le 26 juin 1500.
D’Alègre revient en France puis retourne l’année suivante à Rome où il sera, d’après la chronique, très étonné, d’apprendre que Caterina Sforza a été, contrairement aux engagements par lui souscrits, emprisonnée. Il fait pression sur Alexandre VI et sur Cesare Borgia, menaçant le Pontife de la libérer à l’arrivée de l’armée française. Caterina Sforza est libérée le 30 juin 1501. Elle est restée seize mois en prison.
Yves d’Alègre Galerie des portraits du Château de Beauregard
Entre temps, et en raison de son emprisonnement, elle a perdu la tutelle de son fils Jean de Médicis qui, du fait de la fortune héritée de son père, représente un enjeu de pouvoir pour son oncle, Laurent (de la branche cadette des Médicis).
Elle quitte définitivement Rome le 27 juillet 1501 pour Florence où l’ont précédé ses huit enfants, acceptés à résider dans la République en raison du troisième mariage de Caterina avec un ressortissant de la république. Elle n’a encore que trente-huit ans et vécu en vingt-cinq ans de quoi remplir trois vies ordinaires. Elle se retire d’abord au couvent de Murate[v].
Quelque temps plus tard, en 1503, le pape Alexandre VI meurt et il est remplacé, après l’intermède d’un mois de Pie III, par le pape Jules II, un della Rovere, cousin de Girolamo Riario. Mais Jules II ne montre aucun empressement à réparer le tort fait à Caterina par son prédécesseur. En 1503, meurt également son beau-frère Laurent, qui laisse un fils de santé précaire et débile léger, Pierre-François Médicis. A sa mort, Giovanni peut entrer en possession de ses biens et Caterina peut rejoindre la villa Castello, dans le dénuement le plus complet, pour y conduire l’éducation de son fils.
Caterina Sforza meurt à Florence dans sa quarante-septième année, en 1509.
Caterina sforza est restée célèbre après sa mort, notamment en raison de secrets de beauté qui nous sont parvenus dans un manuscrit [vi] publié en 1893 “Experimenti della Excellentissima Signora Caterina da Forli“, qui comporte environ 500 recettes de médicaments et de secrets de beauté. “Son principal conseiller et fournisseur, était un apothicaire de Forli, Lodovico Alberti, à qui elle restait devoir quand elle mourut, la coquette somme de 587 florins” et pour cause: elle avait perdu toutes ses sources de revenus, en se faisant enlever par Cesare Borgia ses comtés d’Imola et de Forli.
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[i] Cet article est intégralement issu de l’étude sur Caterina Sforza « A decade of Italian Women » par T. Adolphus Trollope Vol 1 London Chapman and Hall – 1859 (pages 49 à 229) Lien google books. Cet ouvrage est de loin le plus érudit, le plus professionnel et le moins polémique qu’il m’ait été donné de lire sur Caterina Sforza au sujet de laquelle certains épisodes de sa vie ont été fortement romancés, qui ont du reste participé de sa légende.
[ii] La porte del Popolo est une antique porte de Rome qui faisait partie du mur d’Aurélien. Cette porte donne sur la Piazza del Popolo à Rome,
[iii] Certains lecteurs auraient peut être voulu lire le compte rendu de la scène très connue dans laquelle Caterina Sforza aurait répondu aux Orsi du haut des murailles de la forteresse, en relevant sa jupe, que, des enfants, elle avait le moyen d’en faire d’autres ! Le producteur de cette thèse s’appelle Niccolo Machiavelli, le célèbre Florentin. De nombreux auteurs estiment cette thèse impossible à admettre dans le contexte des dames de la Renaissance. Il est certain que cette présentation de Caterina Sforza donne à cette dernière une image de virago, totalement insensible au devenir de ses enfants, ce que rien, dans la suite de sa vie, ne vient corroborer : les exemples sont très nombreux et je me contenterai de citer celui où Caterina expédie ses enfants à Florence pour les protéger tandis qu’elle s’enferme à Forli pour résister à Cesare Borgia. J’ai donc préféré reproduire la présentation donnée par Adolphus Trollope qui me paraissait beaucoup moins provocatrice et polémique. Les médias se sont emparés de cette image de virago insensible et notamment le cinéma (on peut voir des extraits sur You Tube) et plus récemment, le jeu vidéo Assassins’s Creed.
[iv] Un contrat de « condotta » ou de conduite d’opérations militaires : contrat conclu entre un militaire et un prince ou une principauté, par lequel le condottiere s’engage à réaliser des opérations militaires pour un certain temps pour le compte de son mandant.
[v] Yves d’Alègre Site des Amis d’Alègre.
[vi] Eglise et Couvent Santissima annunziata delle Murate situés à proximité de l’Hôpital des Innocents au centre de Florence.
[vii] Article Revue PERSEE “Les secrets de beauté de Catherine Sforza” par Emilio Sani, in Il pescatore reggiano, Revue d’histoire de la pharmacie, Année 1955, Volume 43, Numéro 145
Bonjour,
Envisagez-vous d’écrire un article sur Charlotte d’Albret qui fut l’épouse de César Borgia ?
bien cordialement,
Bonjour Michel,
Je n’envisage pas d’écrire sur Charlotte d’Albret.
Mes articles sont motivés par des romans historiques pour lesquels j’effectue des recherches. Mes articles sont donc des fiches de lecture mises en forme pour mes personnages que je récupère ultérieurement.
Et malheureusement, Cesare Borgia ne figure plus au rang de mes préoccupations.
Bien cordialement
Philippe