Boccace De mulieribus claris Traduction Laurent de Premierfait Illustrations Robinet Testard FrançaisFrançais 599, fol. 56v, Flore BNF
Il s’agit du cinquante-neuvième portrait de la galerie des cent-six Cleres et nobles femmes de Boccace, qui aborde l’histoire de Flora, la déesse, dont l’auteur prétend qu’avant de devenir nymphe et déesse, elle a été prostituée à Rome. Boccace poursuit en soutenant que le sénat, embarrassé par le spectacle des jeux de Flora, inventa l’histoire de la nymphe Clora, aimée par le vent Zéphyr, qui s’était transformé plus tard dans la déesse Flora.
Peut-être Boccace a-t-il lu les Fastes d’Ovide[i] ?
“Flora et sa fête (5, 183-378)
Les Floralia (5, 183-192)
Je te salue, déesse des fleurs, toi dont la fête ramène les jeux folâtres. Le mois passé, je me suis abstenu de raconter les solennités de ton culte; [5, 185] elles commencent en avril, et se continuent en mai; ces deux mois te possèdent, l’un à ses derniers, l’autre à ses premiers jours; tous deux ils t’appartiennent par le point où ils se touchent; tous deux ils m’appelaient à chanter tes louanges. Celui-ci voit s’ouvrir le cirque et les théâtres, où le nom du vainqueur fait éclater mille applaudissements. [5, 190] Que le signal des jeux du cirque soit aussi le signal de mes vers; apprenons qui tu es de ta propre bouche; l’opinion des hommes est menteuse; personne mieux que toi ne saura nous expliquer ton nom.
Flora, déesse tutélaire des fleurs (5, 193-228)
Ainsi parlai-je; la déesse accueille ma demande, et la douce odeur des roses du printemps s’exhale de sa bouche, tandis qu’elle prononce ces mots: [5, 195] “Celle que vous appelez Flore était autrefois Chloris; une lettre de mon nom a été altérée en passant des Grecs chez les Latins. J’étais Chloris, nymphe de ces régions fortunées où tu sais qu’autrefois les hommes voyaient s’écouler leur vie au sein de la félicité. Dire combien j’étais belle coûterait à ma modestie; [5, 200] si ma mère eut un dieu pour gendre, elle le dut à cette beauté. C’était au printemps; j’errais au hasard; Zéphyr m’aperçoit; je m’éloigne, il me suit; j’essaie en vain de fuir, je ne puis lutter contre lui. Borée, son frère, l’autorisait, par son exemple, à commettre ce crime, Borée, qui avait osé ravir la fille d’Érechthée dans le palais même de son père. [5, 205] Cependant Zéphyr répare sa faute en me donnant le nom d’épouse, et nulle plainte ne s’élève plus de mon lit d’hyménée. Je jouis toujours du printemps; l’année, pour moi, conserve toujours ses richesses, l’arbre son feuillage, la terre sa verdure. Les champs que j’ai reçus en dot renferment un jardin fertile; [5, 210] l’haleine des vents le caresse, une fontaine l’arrose de ses eaux limpides.
“Mon époux l’a rempli des fleurs les plus magnifiques, et m’a dit: “Déesse, sois la souveraine de ces fleurs.” Souvent j’ai voulu classer et compter leurs couleurs; mais je n’ai pu: leur multitude était si grande qu’aucun nombre n’y pouvait suffire. [5, 215] Aussitôt que les feuilles ont secoué les froides gouttes de la rosée, et que les tiges variées se sont réchauffées aux rayons du soleil, je vois accourir ensemble les Heures aux robes diaprées; elles recueillent mes présents dans de légères corbeilles; les Grâces s’en emparent à l’instant pour tresser des guirlandes et des couronnes [5, 220] qui se mêleront à la chevelure des dieux. La première j’ai répandu des semences inconnues sur l’immense surface de l’univers; la terre, auparavant, ne présentait qu’une seule couleur. La première j’ai fait une fleur du sang du jeune Thérapnéen, et, sur ses feuilles, sa plainte est restée gravée. [5, 225] Toi aussi tu as un nom dans les jardins, ô Narcisse, malheureux de n’avoir pu être à la fois et roi et un autre toi-même! Parlerai-je de Crocus, et d’Attis, et d’Adonis, fils de Cyniras? C’est grâce à moi que, par leurs blessures mêmes, ils ont revécu sous une forme plus belle“.
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[i] Ovide Les Fastes V Mai.
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