La Naissance de Vénus et le Printemps, sont des peintures énigmatiques de Sandro Botticelli dont l’interprétation a suscité des quantités de théories contradictoires. Tous les auteurs s’entendent sur la complexité de la signification de ces œuvres et leur caractère extrêmement savant. L’époque de leur création, les années 1482 et 1485 est celle dominée par Laurent le Magnifique, après l’assassinat de son frère Julien. Laurent de Médicis règne alors sur Florence et sur l’académie néoplatonicienne de Careggi, animée par Marsile Ficin. Les trois peintures de Botticelli, de la Naissance de Vénus , du Printemps et de Pallas et le Centaure représenteraient les métamorphoses de l’âme selon la philosophie néo-platonicienne développée à l’académie de Careggi par Marsile Ficin. Les quatre peintures de la Naissance de Venus, du Printemps, de Pallas et le Centaure et de Mars et Venus, représenteraient le Cycle de l’Amour chez Botticelli.
Sandro Botticelli 1445 1510 Venus et Mars circa 1483 Crédit photo Web Gallery of art 69 x 173,5 cm Galerie des Offices
Le cadre historique
Les œuvres du Printemps réalisé entre 1478 et 1482 et de Pallas et le centaure (1482-1483) furent commandées à Botticelli par Laurent le magnifique pour orner la chambre d’un cousin de Laurent, Lorenzo di Pier Francesco (1463-1503). Le tableau de la naissance de Vénus aurait été commandé par Laurent, à l’occasion des noces de Lorenzo avec Sémiramide d’Appiano le 24 août 1482 et de son installation dans un palais de Florence.
Les toiles de Mars et Vénus et de la Naissance de Vénus furent-elles liées à la même commande ? Personne ne le sait. Mais il existe une incontestable cohérence des quatre toiles dans lesquelles les historiens de l’art se sont complus à admettre le principe d’un cycle de l’Amour chez Botticelli.
Le champ des investigations de cet article sera limité aux deux tableaux : la naissance de Vénus et le Printemps.
Présentation des deux tableaux: la naissance de Venus et le Printemps
Ce sont deux des tableaux parmi les plus connus au monde mais il peut être utile de rappeler certains détails pour comprendre quels problèmes d’analyse ils ont suscité.
La naissance de Vénus[i]
C’est un tableau commandé par Laurent le Magnifique en 1482 pour le mariage de son cousin, Lorenzo di Piero di Medici (1463-1503). Les dates sont importantes.
Ce tableau est très original à son époque car il présente un corps de femme nue d’une part, soit une audace exceptionnelle pour l’époque et il traite de personnages objectivement païens et implicitement mythologiques alors que les sujets religieux forment alors l’essentiel des commandes aux artistes. Il convient cependant de noter que ces tableaux sont réalisés à Florence, la Cour d’Italie la plus avancée en matière artistique à la demande du prince le plus esthète et le plus libre penseur de la Renaissance. Toutes les audaces étaient permises à la cour de Laurent le Magnifique.
Le titre du tableau est explicite : il désigne la naissance de Vénus, une divinité païenne. Comme le tableau représente une très belle jeune femme, on comprend bien qu’il ne peut s’agir que de Vénus au centre et si c’est une naissance, alors elle ne peut être prise qu’au figuré ou bien elle est le résultat d’un conte ou d’un mythe.
Sandro Botticelli 1445 1510 La naissance de Vénus 1,725×2,785 Crédit photo The Google Art Project Galerie des Offices
Le tableau s’articule autour de trois personnages ou groupes de personnages :
- à gauche, une femme et un homme sont entrelacés : ils semblent flotter ou voler dans l’air et ils ont les joues gonflées ; ils soufflent en direction de la conque qui est poussée vers le rivage ;
- au centre, Venus se tient debout en équilibre improbable (elle devrait tomber : elle est donc en mouvement) debout sur une conque ;
- à droite, une femme sur le rivage présente à Vénus un manteau pour la revêtir.
Le tableau présente la naissance de Vénus, rédigée par Hésiode (VIIIème siècle avant JC) dans sa Théogonie : il raconte que le titan Cronos émascula son père Ouranos, dieu du Ciel. Il jeta son sexe dans la mer où une écume se forma et donna naissance à Vénus, fille du Ciel et de la Mer.
Vénus (Aphrodite pour les Grecs) est la déesse de la beauté et de l’amour. Le nu est un attribut d’identification du personnage.
L’homme joufflu sur la gauche du tableau est une divinité du vent, Zéphyr, le vent d’Ouest, qui amène le printemps. La femme qui l’enlace est probablement Chloris son épouse (Flore pour les Romains). Ovide raconte comment Zéphyr séduisit Chloris : « dans le jardin des Hespérides, le dieu du vent, Zéphyr aurait été pris en voyant la nymphe Chloris d’une sauvage passion et l’aurait poursuivie et prise de force pour femme. Mais après s’être repenti de sa fougue, il l’aurait changée en Flore, reine de l’éternel printemps, et lui offrit le royaume des fleurs. Flore est ainsi la déesse de la jeunesse et de la floraison, protectrice de l’agriculture et de la fécondité féminine. Elle sème des fleurs sur la terre, indiquant par là son pouvoir fécondant »[ii].
La présence des fleurs en mouvement dans l’air est donc simplement l’attribut de Flore.
« Le personnage de droite qui accueille Vénus est certainement l’Heure du Printemps (personnification d’une saison), en cohérence avec le personnage de Vénus, qui y fait renaître la beauté et l’amour après la rigueur de l’hiver » (JP Mercé).
Le Printemps
« Ce tableau est une allégorie mythologique tirée des Métamorphoses d’Ovide : à gauche, Mercure arrête l’hiver de son caducée, tandis que les Trois Grâces se mettent à danser ; à droite Zéphyr séduit la nymphe Chloris, engendrant Flora, déesse du printemps. Au centre, encadrée par les arbres comme par les piliers d’un temple païen, Vénus lève la main droite, tandis que Cupidon décoche une flèche. Flora serait une allégorie de la ville de Florence, Mercure et Vénus représenteraient les deux jeunes mariés » [iii].
Sandro Botticelli 1445 1510 Le Printemps circa 1482 Crédit photo Web Gallery of art 203 x 314 Galerie des Offices
Marsile Ficin et l’académie néo-platonique de Careggi
Depuis les années 1940, la redécouverte de l’académie néoplatonicienne de Marsile Ficin (1433-1499) a conduit à interpréter les toiles de Botticelli comme des allégories des concepts du philosophe.
Ce philosophe d’exception a inspiré des générations d’intellectuels et de savants depuis Pic de la Mirandole jusqu’à Gérard de Nerval ou Baudelaire.
« Ficin philosophe du Soleil et de l’Éros, de Saturne et de la Fureur inspirée, Ficin médecin de l’âme et prêtre-astrologue, demeure avant tout un modèle durable pour l’exactitude et la précision de ses choix philosophiques : “rénovateur des choses anciennes”, il anticipe la philologie qui fonde le vrai savoir et qui dégage la voie d’accès aux systèmes futurs ; “interprète platonicien”, il lance le mouvement d’idées qui passera par Descartes d’un côté, par Hemsterhuis de l’autre, et inaugure une pensée du divin énoncée pour un sujet moderne et mortel, suspendu entre l’ombre et la lumière »[iv].
Marsile Ficin fut le « fondateur » de l’académie néo-platonicienne de la Villa Médicéenne de Careggi, comme le philosophe le raconte lui-même : « Le banquet commémoratif de la naissance et de la mort de Platon était fêté chaque année par les platoniciens d’autrefois jusqu’à Plotin et Porphyre mais on ne l’a plus célébré, après eux, pendant douze cents ans. C’est seulement à notre époque que l’illustre Laurent de Médicis, pour restaurer la pratique du banquet platonicien, a désigné Francesco Bandini comme régent de la table (Architriclinius).
Apparition de l’Ange a Zaccharie par Domenico Girlandaio Chapelle Tornabuoni Eglise Santa Maria Novella Florence
Chapelle Tornabuoni Circa 1486-1490 Photo WGA Eglise Santa Maria Novella Fresques de Domenico Ghirlandaio Histoires de Saint Jean Baptiste Annonciation de l’ange à Zaccharie détail de gauche à droite Marsile Ficin, Cristoforo Landino, Ange Politien et Demetrio Greco de l’Université de Florence
Zanobi Acciaiuoli
Le 7 novembre, quand celui-ci décida de fêter l’anniversaire, il traita royalement à Careggi neuf convives platoniciens : Antonio Agli, évêque de Fiesole, Ficin le Médecin, Cristoforo Landino le poète, Bernardo Nuzzi l’orateur, Tomaso Benci, notre cher Giovanni Cavalcanti, que l’on prit comme héros de la fête pour sa valeur et sa distinction, les frères Marsuppini, Cristoforo et Carlo, fils du poète et enfin Bandini m’invita aussi afin qu’avec le nom de Ficin fût atteint le chiffre des Muses ».
Ce cercle de convives est davantage une fraternité platonicienne qu’une académie. Ce sont de grands esprits qui partagent, dans les merveilleux jardins de la villa médicéenne de Careggi, une philosophie commune, platonicienne, revue par Plotin.
Marsile Ficin, de son vrai nom Diotefici, est né entre Arezzo et Florence dans un petit village nommé Figline. Il se met à l’étude du grec en 1456 et commence à traduire des œuvres d’auteurs grecs en latin. Il rencontre Cosme de Médicis vers cette période : le fondateur de la dynastie des Médicis deviendra son second père. Le grand homme et le philosophe se reconnaissent et Cosme commandera à Ficin de traduire en latin l’œuvre de Platon. Puis, en 1462, il attribua à Ficin sa villa de Careggi pour lui permettre de réunir, de façon relativement informelle, son cercle de néoplatoniciens en vue de traduire des auteurs grecs. Il met du reste à la disposition de l’académie un certain nombre de parchemins originaux. Cette académie néoplatonicienne fut l’ancêtre commune de toutes les académies qui se multiplieront aux siècles suivants dans toute l’Europe.
Villa de Careggi Site l’Italie de Michelle Gastaut
En 1469, Ficin achève la première traduction jamais réalisée des œuvres de Platon en latin et il rédige son Commentaire du banquet de Platon. De 1469 à 1474, il rédige la principale œuvre philosophique de sa vie, la Théologie platonicienne, dans laquelle il s’attache à démontrer l’unicité de la philosophie platonicienne et de l’amour de Dieu.
« La beauté elle-même, qui naît de la symétrie, de l’harmonie et de la correspondance parfaite des parties dans le tout, est l’image d’un cosmos organisé dans lequel aucun élément ne peut être considéré isolément mais seulement dans son rapport harmonique avec l’ensemble. Le parfait accord de la beauté avec elle-même n’est donc que l’image de l’harmonie cosmique en laquelle se réfléchit la gloire du créateur.[v] ». L’architecte Leon Battista Alberti aurait parfaitement pu écrire ces mots. Il y a du reste une assez large parenté d’idées entre les écrits d’Alberti (1404-1472) et ceux de Ficin qui avait dû lire le « De pictura » d’Alberti (1439) et le « De aedificatoria » (1449).
« La beauté du monde qui est le signe d’une sympathie du sensible avec l’intelligible, est source de lumière et de splendeur : La lumière est une sorte de divinité, reproduisant dans le temple de ce monde la ressemblance avec Dieu. La lumière qui se répand sur toutes les créatures de Dieu est une certaine splendeur de la clarté divine. «
« Reprenant une opposition qu’il a lue dans le Banquet, Ficin incarne la beauté du monde visible dans la figure de la Vénus terrestre et la beauté du monde intelligible dans celle de la Vénus céleste ».
Dans cette philosophie d’Amour, dans laquelle Ficin tente de tracer un trait d’union entre le Christianisme et Platon, il n’y a nulle part pour la mythologie, les figures issues de la mythologie gréco-latine n’étant présentes que pour leur vertus illustratives.
Fondamentalement, Ficin se positionne comme un chrétien : il n’imagine même pas que ses écrits pourraient le faire taxer de paganisme. Lefèvre d’Etaples (voir l’article sur ce Blog) l’appelait « mon père » et Erasme connaissait particulièrement bien les écrits et la pensée de Marsile Ficin.
Le 18 décembre 1473, Marsile Ficin est ordonné prêtre mais il n’aura jamais de charges ecclésiastiques importantes. Après 1484, il consacre plusieurs années à la traduction et aux commentaires de Plotin, publiés en 1492, l’année de la mort de Laurent Le Magnifique. Un temps séduit par Savonarole, il s’en éloignera vite et mourra un an après lui, en 1499.
Le cycle de l’Amour de Botticelli est-il d’inspiration néo-platonicienne ?
Un certain nombre d’historiens de l’art, ont voulu voir dans le rapprochement entre La naissance de Vénus et le Printemps de Botticelli, une allégorie néo-platonicienne.
Dans le Banquet (cf ci-dessus), Platon distingue deux formes d’amour : « l’amour terrestre qui est amour (désir) des beaux corps et l’amour céleste qui est l’amour du Beau lui-même. Il y a donc deux Venus : une Venus terrestre (Venus vulgaris) née de l’union de Jupiter et de Junon et une Venus céleste (Venus coelestis) née de la mer au moment de la chute des organes génitaux d’Uranus consécutive à sa castration. Entourée de Zéphir et Flore (à gauche) et du Printemps ( à droite), la Vénus Céleste de Botticelli sort de la mer. Dans le tableau de droite, la Vénus terrestre surmontée d’Eros est entre les Trois Grâces et Mercure d’une part et le Printemps, Flore et Zéphir, d’autre part.
Conférence de la Naissance de Venus au Printemps par J.E. Berger Berger Foundation
Réunissons, les deux œuvres. A gauche la Vénus céleste, l’amour désincarné (celui qu’on dit “platonique” et qui ne veut nullement dire “amour chaste des beaux corps”, comme on le croit trop souvent, mais amour de la beauté en elle-même indépendamment des corps dans lesquels elle prend place ou auxquels elle donne forme). Au Centre (c’est-à-dire, sur la gauche du deuxième tableau), Mercure qui représente la Raison qui tourne le dos à la sensualité tentatrice des trois Grâces. A droite, enfin, la Vénus terrestre, le désir charnel. C’est donc tout un itinéraire qui est ici tracé. A lire de droite à gauche : partant de l’amour terrestre, il faut, par le moyen de la Raison, s’élever à l’amour céleste[vi] »
Cette interprétation est séduisante car elle s’inscrit dans une morale chrétienne, présente dans l’œuvre de Marsile Ficin. Elle présente cependant des insuffisances car elle ne permet pas d’expliquer pourquoi ce sont des sujets mythologiques qui sont représentés : en quoi la mythologie aide-t-elle à présenter cette parabole de la métamorphose des âmes ? Si d’autre part, la naissance de Vénus est la représentation de la Vénus céleste, on ne comprend pas le côté très charnel de la relation entre Chronos et sa femme, ni mêmes les rondeurs très suggestives de Vénus avec un bassin très large qui semble souligner la fécondité plutôt que l’amour céleste.
Emilie Séris dans son ouvrage [vii] sur Ange Politien, estime que l’explication du cycle de l’amour par une analyse purement centrée sur l’école néoplatonicienne est sans doute un peu exagérée. Elle invite à relire les Stances d’Ange Politien, où apparaissent, de façon surprenante et très détaillée, les différents paramètres des tableaux de Botticelli.
La Mythologie du Politien
Ange Politien [viii] (1454-1494), est un poète qui a été l’élève de Marsile Ficin, avec Laurent le Magnifique, de cinq ans plus âgé que lui, à l’académie de Careggi. Les autres enseignants étaient tous des membres du cénacle néoplatonicien : Landino, Argyropoulos, etc…
En 1473, Laurent de Médicis, devenu son prince, le prend à son service en tant que secrétaire particulier et, deux ans plus tard, le nomme précepteur de ses fils Pierre (le futur Pierre II de Médicis 1472-1503) et Jean (le futur pape Léon X 1475-1521).
Le Politien et Pierre de Medicis (1472-1503) Détail Chapelle Sassetti La vie de saint François d’Assise Confirmation de la règle Franciscaine par Honorius III
Domenico Ghirlandaio Le Politien et Pierre de Medicis (1472-1503) Détail Chapelle Sassetti Circa 1483-1485 Photo WGA La vie de saint François d’Assise Confirmation de la règle Franciscaine par Honorius III Basilique Santa Trinita de Florence Image Web Gallery of Art
L’épouse de Laurent, Clarisse Orsini lui est hostile : elle n’accepte pas ses vues particulières sur l’éducation de ses enfants. Ecarté de ses fonctions de précepteur, il quitte Florence en 1479. Il est rappelé par Laurent l’année suivante, qui lui offre un poste à l’Université, à Careggi.
Devenu à l’âge de vingt-cinq ans, le 29 mai 1480, professeur de poétique et de rhétorique à l’université de Florence[ix], Agnolo Ambrogini ou Ange Politien, va faire une carrière fracassante, bousculant toutes les hiérarchies intellectuelles. .
Politien est un professeur brillant dont les émoluments vont rapidement augmenter, en passant de 100 florins par an à plus de 450 florins dix ans plus tard alors que ses remplaçants dans les différents postes occupés ne dépassent pas 150 florins. Est-il particulièrement brillant ? Ou particulièrement bien vu ? Sans doute un peu des deux car Laurent lui confie, en sus de ses responsabilités à l’Université, des travaux particuliers.
Dès ses premiers cours, répondant à un désir secret de Laurent, il rompt avec la tradition de Landino, la vieille école de l’humanisme, en proposant la rhétorique de Quintilien au lieu de l’éloquence de Cicéron et en remplaçant Virgile par Stace, découvert cinquante ans plus tôt par Le Pogge, Poggio Bracciolini (1380-1459) (voir sur ce Blog l’article Le Pogge: la première renaissance littéraire à Florence).
Ange Politien, humaniste de la nouvelle vague, comme Pic de la Mirandole, conteste la manière dont Landino[x] commentait les auteurs antiques en privilégiant l’approche néoplatonicienne. Son engagement militant, le conduit donc à s’opposer, à peu près à l’époque où il termine ses Stances, à l’école néoplatonicienne.
Or cette époque est celle où Sandro Botticelli travaille pour Lorenzo di Pier Francesco (1463-1503) auquel le Politien dédiera une épigramme latine, la silve Manto (peinture des animaux à la saison des amours), en 1482. Le Politien est donc à l’époque tout proche de Botticelli, plutôt en opposition avec l’école néoplatonicienne, et soutenu de fait par Laurent le Magnifique. Des études récentes[xi] ont du reste établi que Politien était à l’époque fortement inspiré de l’Epicurisme et du modèle poétique de l’auteur latin Lucrece.
Jean-Marc Mandosio dans son article sur l’enseignement d’Ange Politien note par ailleurs qu’ «en plaçant son premier cours universitaire sous le signe de la philologie pure, étrangère, en somme, à la tradition de sa propre ville, il accomplit un acte novateur qu’il est difficile de séparer du cadre de la politique culturelle alors mise en œuvre, par Laurent le Magnifique, ce qui semble indiquer que, dès 1480, on commençait à considérer l’expérience Ficinienne comme périmée ».
Soucieux d’innover, Le Politien se montre résolument moderne par sa façon d’utiliser l’imprimerie : il remet à son imprimeur ses leçons les plus significatives pour démultiplier les lecteurs de ses textes qui sont rendus facilement accessibles.
Bousculant les hiérarchies universitaires, il décide de sa propre initiative d’enseigner Aristote, chose en principe interdite à un professeur de rhétorique et de poétique.
La mort de son protecteur en 1492, interrompt les incursions littéraires de cet intellectuel de génie qui décède à l’âge de quarante ans le 28 septembre 1494.
Les Stances pour Julien de Médicis
Le premier grand poème du Politien, les « Stanze cominciate per la giostra di Juliano de Medici », résulte d’une commande de Laurent le Magnifique à la suite de la joute célébrée le 19 janvier 1475 en l’honneur de Julien de Médicis (1453-1478). Un premier tournoi avait eu lieu en 1469, lors de l’investiture du pouvoir des deux frères : Laurent avait été chanté dans un poème de Luigi Pulci, « la Giostra ». Cette fois, la célébration est centrée autour de Julien et de sa dame, Simonetta Cataneo (1453-1476), épouse du florentin Marco Vespucci : Politien va chanter en vers épiques les hauts faits de Julien et ses amours qui ne peuvent être que platoniques avec sa dame, Simonetta (mariée).
Sandro Botticelli, Portrait d’une jeune femme, 1480-1485, Simonetta Vespucci ? tempera sur bois, 82 x 54 cm, Francfort Städelsche Kunst Institut
Les Stanze se prêtaient donc naturellement « à une interprétation néoplatonicienne, à la fois par leur sujet, leur rapport étroit avec l’idéologie du pouvoir médicéen, ainsi que le contexte intellectuel de leur genèse, dominé par l’influence du « Commentaire du Banquet » de Marsile Ficin. Interprétation qui sera réalisée par Mario Martelli [xii] qui s’efforcera de trouver dans toutes les descriptions du poète, le système de la théologie platonicienne de Ficin ».
Mais d’autres auteurs, spécialistes du Politien, estiment qu’en inscrivant les Stanze dans un univers purement théologique on oublie qu’à la base, le mythe de Vénus est fortement sexuel.
Emilie Séris démontre clairement que les fictions poétiques du Politien ne se réfèrent jamais au banquet de Platon. En revanche, les trois principaux tableaux du Politien mettant Venus en scène, ont incontestablement pour source Lucrece dans le « De rerum natura ».
Tant chez Lucrece que Politien, Venus est présentée comme la déesse mère et nourricière : son pouvoir créateur est symbolisé par la floraison printanière sous le souffle tiède du Fauonius.
Dans l’article « La naissance de Vénus et le Printemps de Sandro Botticelli », Aby Warburg [xiii], souligne par contre la dette de Politien à l’hymne homérique d’Aphrodite. Or, « les hymnes homériques ont fait l’objet en 1488 d’une publication d’après un manuscrit florentin ce qui laisse supposer que leur contenu était déjà connu des cénacles humanistes de Florence et notamment de Politien ».
La naissance de Vénus et son arrivée sur la terre sont décrites dans les quarante vers des Stances 99 à 103 de Politien (traduction du poème en italien par Amy Warburg) :
« Dans la tempétueuse Egée, dans le sein de Thétis, on voit l’élément génital, accueilli sous diverses rotations de planètes, errer de par les ondes, au milieu de blanches écumes ; et dedans, née d’actes charmants et joyeux, une jeune fille au visage non humain, poussée vers le rivage par de lascifs zéphyrs, avance sur une conque, et le ciel semble s’en réjouir.
On dirait que l’écume est vraie, que la mer est vraie, et vraie la conque, vrai le souffle des vents ; on pourrait voir briller les yeux de la déesse, et le ciel et les éléments rire autour d’elle ; les Heures[xiv] en robe blanche fouler le sable ; le Zéphyr boucler leurs longs cheveux épars. Leur visage n’est ni le même ni pas le même, comme il convient à des sœurs.
On pourrait jurer que la déesse vient de sortir des ondes, en pressant de sa main droite sa chevelure, de l’autre recouvrant son tendre sein ; et, sous l’empreinte du pied sacré et divin, le sable se couvre d’herbes et de fleurs. Puis, avec un visage joyeux et précieux, elle est accueillie par trois nymphes qui l’enveloppent d’une robe semée d’étoiles. »
(Ange Politien – La giostra)
La description du Printemps aurait été tirée du poème « Rusticus » d’Ange Politien, la description de Mars et Vénus du songe de Iulio dans les Stances tandis que le tableau de Pallas et le Centaure serait issu lui des images des Stances où Simonetta est revêtue des armes de Pallas et où Iulio apparaît en centaure.
Sandro Botticelli 1445 1510 Pallas et le Centaure circa 1482 Crédit photo Web Gallery of art 207×148 Galerie des Offices
Des Stances à la peinture de Botticelli
Les Stances de Politien empruntent à l’hymne homérique d’Aphrodite sa trame mais elles apportent en sus un luxe de détail qui est un tableau en lui-même, ou plutôt un synopsis comme pour un film que le peintre peut suivre pas à pas comme des images successives.
Le peintre n’a plus qu’à suivre l’histoire qui est racontée et à en faire une synthèse, pour adapter au cadre d’un tableau le découpage des stances.
« Dire que Politien est l’inspirateur de Botticelli, c’est du reste s’accorder avec la tradition qui veut qu’il fut également celui de Raphael et de Léonard de Vinci » ajoute Amy Warburg.
Amy Warburg souligne cependant une autre influence dans la Naissance de Vénus de Botticelli, celle de Léon Battista Alberti dans son traité De Pictura :
« Les mouvements des cheveux, des crinières, des branches, des feuillages et des étoffes, s’ils sont bien rendus par la peinture, enchantent les regards. Je souhaite pour ma part que les cheveux exécutent les sept mouvements que j’ai recensés : qu’ils ondulent jusqu’à se nouer, qu’ils ondoient dans l’air en imitant les flammes, qu’ils se mêlent à d’autres mèches ou se hérissent en tous sens. De même que les branches soient courbées et cambrées, tantôt s’arquant vers le haut, tantôt entraînées vers le bas, qu’ici elles émergent de la masse et là se replient vers le tronc ou encore se tordent telles des cordes. Qu’il en aille de même pour les plis des tissus ainsi que les branches d’un arbre rayonnent à partir du tronc, un pli fait naître d’autres plis, comme en se ramifiant. Et dans ces plis, employons tous les genres de mouvements : qu’il n’y ait pas de pan d’étoffe où on ne puisse les retrouver presque tous… ».
Les allégories de la Naissance de Vénus et du Printemps, avec un élément central, le mouvement des cheveux ou des étoffes, paraissent directement inspirées des pinceaux du poète et de l’architecte.
Mais une inspiration revue et corrigée par les contraintes de la peinture. Car Botticelli avait à sa disposition non seulement les poésies, mais encore le Poète qui les avait rédigées comme aujourd’hui pour certains films, l’auteur du roman vient comme conseiller technique du réalisateur de l’œuvre adaptée pour le cinéma.
Il est possible que Politien soit venu aider Botticelli à adapter le contenu de ses stances à la peinture de l’artiste. Car certains détails ne sont pas traités de la même façon dans les stances et la peinture : les trois heures de Politien sont devenues une chez Botticelli ou encore le vent d’hiver, absent des stances de Politien est sans doute issu d’un poème d’Ovide peut-être adapté par le Politien.
C’est donc une œuvre originale que peint Botticelli mais en y mettant la même ciselure, la même vigueur de traits que le poète, qui vibre à l’unisson de son adaptateur.
La thèse d’une inspiration néo-platonique est-elle contradictoire de celle d’une adaptation des Stanze ?
Sandro Botticelli pourrait parfaitement s’être inspiré des tableaux décrits dans les Stances de Politien pour construire ses propres peintures, tout en décidant d’appliquer les principes philosophiques néo-platoniciens comme éléments explicatifs d’ensemble.
Il peut être intéressant tout d’abord d’examiner précisément l’analyse néo-platonicienne de ces tableaux.
La symbolique néo-platonicienne de la Naissance de Vénus
Isabelle Ohmann dans son article du site Acropole (note xii) précise que le « Tableau sur la Naissance de Venus ne représente pas exactement la naissance de Vénus mais plutôt son arrivée à l’île de Cythère dont elle aurait foulé le rivage après être née des flots, ainsi que le raconte Homère dans son Hymne à Aphrodite. (…)
Dans la clé chrétienne, la naissance de Vénus de la mer est analogue à celle de l’âme humaine qui naît des eaux sacrées du baptême. (…)
La nudité de la déesse signifie pureté, simplicité, beauté sans fard de l’âme. C’est aussi une image de la création du monde. Elle est donc le fruit de l’union de l’esprit et de la matière sur le plan cosmique. Zéphyr est alors l’esprit qui souffle sur les eaux, comme l’esprit de Dieu dans la Genèse, et, comme pour laisser entendre que le ciel a fécondé la mer, une pluie mystique de roses jaillit du souffle du dieu du vent. (…)
Le dieu du vent Zéphyr tient dans ses bras la douce brise Aura. Zéphyr est la représentation de l’Esprit, ou pneuma, qui insuffle le souffle vital et spirituel. Selon l’image biblique, il est l’esprit qui souffle sur les eaux primordiales, c’est donc le souffle divin qui préside à l’incarnation de l’âme. (…)
Le tableau met en évidence l’harmonie des opposés à laquelle préside Vénus, montrant ainsi que l’âme est le carrefour où les contraires peuvent se rencontrer: la paire des dieux du vent, les roses engendrées par leur souffle fertile qui sont reflétées par leurs opposées dans les vêtements fleuris illustrent ce pouvoir de rencontre entre le ciel et la terre. »
La symbolique néoplatonicienne du Printemps
« Dans sa composition, le tableau présente deux parties qui s’harmonisent autour de l’axe représenté par Vénus. Ces deux parties illustrent le double visage de Vénus symbole de la dualité de l’âme : Vénus Pandemos attirée par les plaisirs terrestres, et Vénus Ourania qui tend vers la félicité céleste.
Botticelli a représenté la métamorphose de la nymphe Chloris en Flora, comme un changement de nature: la naïve Chloris est transformée en beauté victorieuse, comme fruit de la réunion de la passion et de la pureté.
Loin d’être l’incarnation de l’amour charnel, Vénus, comme axe du tableau, symbolise l’idéal humaniste de l’amour spirituel qui, avec l’ascèse de l’âme, permet son élévation vers les hauteurs de l’intelligence pure. Telle la Diotime du Banquet de Platon elle montre la voie de la beauté et de l’amour célestes.
Les trois grâces représentent les trois temps et les trois visages de l’amour.
Selon la clé chrétienne, les trois grâces représentent les vertus théologales: Foi, espérance et Charité.
Dans la clé néoplatonicienne, ce triptyque présente Pulchritud-Amor (Castitas)-Voluptas, la Beauté, l’Amour (chaste) et le Plaisir. Selon Ficin «l’amour commence par la beauté et se termine en plaisir.» Dans l’itinéraire qui comble l’âme, l’art est le premier degré par le plaisir de la beauté, et la joie de la contemplation est le dernier degré de ravissement de l’amour sacré.
La ronde gracieuse, l’enchevêtrement des trois grâces qui forme un nœud étudié, une symétrie équilibrée entre les trois sœurs, est le symbole de l’harmonie dans la discorde. Elles représentent le grand mystère de la concorde qui dépasse la dualité par la présence d’un «tiers inclus». La Beauté est le fruit de cette concorde née de la danse cyclique des trois jeunes femmes.
Situé à la fin du tableau, Mercure annonce le but ultime du voyage d’amour. Par son caducée brandi vers le ciel, il invite à la vision extatique qui s’obtient par l’union avec l’esprit. ».
S’agissant du Printemps, cette analyse est convaincante. Sauf sur un point.
A l’époque où Sandro Botticelli réalise cette peinture du Printemps (vers 1482), Laurent Le Magnifique est en train de prendre ses distances avec le Néo-Platonisme de Marsile Ficin. Il a recruté Le Politien pour réveiller l’Université endormie. N’oublions pas que l’instigateur réel de la philosophie néo-platonicienne, c’est Cosme, trente ans plus tôt. Quand Laurent accède au pouvoir en 1469, il y a déjà sept ans que l’Académie de Careggi est créée. Et que fait Laurent ? Sans dissoudre l’Académie, il crée l’Université de Florence à Careggi en 1472 Tout porte à penser que Laurent voulait du neuf en recrutant Ange Politien.
La philosophie Epicurienne de Politien/Lucrece serait-elle alors en opposition avec l’Ecole Néo-platonicienne de Careggi ?
Sandro Botticelli est certes un peintre qui a baigné dans l’académie de Careggi. Mais à qui doit il obéir quand Laurent lui commande ces deux œuvres ? Au Maître de Florence ? Ou au maître de Careggi ?
D’autre part, si l’on admet l’existence d’une collaboration entre Politien, le favori de Laurent, et Sandro Botticelli, Le Politien, instrumenté par Laurent pour secouer l’Université endormie de Careggi, aurait-il repris les idées de Marsile Ficin ou bien en aurait-il profité pour innover comme il ne cessait de le faire à l’Université ?
Enfin, il y a Simonetta le sujet principal des Stances de Politien, que Sandro Boticelli semble avoir adoptée comme une représentation de la beauté et qui deviendra centrale dans son oeuvre. Simonetta, morte depuis quelques années déjà (en 1478), lorsque Botticelli réalise ses oeuvres du cycle de l’amour, mais qu’il a dû bien connaître de son vivant. Une Simonetta sans doute rêvée et idéalisée. Plus que tout, la présence de Simonetta au coeur de l’oeuvre de Botticelli semble établir un lien mystique avec le Politien. Si Venus du tableau Venus et Mars fait irrésistiblement penser à Simonetta Vespucci, Mars quant à lui, est très proche du tableau de Julien de Médicis peint par Sandro Botticelli. Leur rapprochement créerait un lien supplémentaire avec les Stances du Politien.
Sandro Botticelli 1445 1510 Madonna del Magnificat circa 1480-1481 Crédit photo Web Gallery of art Diamètre 110 cm Galerie des Offices
Sandro Botticelli 1445 1510 Madonna à la grenade circa 1487 Crédit photo Web Gallery of art Diamètre 1,435 m Galerie des Offices
Chez Botticelli, la beauté de la femme devient un thème central de ses oeuvres et le point commun entre ses peintures “paiennes” et religieuses. Une Simonetta Vespucci rêvée, mille fois revue et corrigée pour atteindre l’indicible. Le visage de la Naissance de Venus se fond ainsi dans celui de la Madonne du Magnificat ou dans celui de la Madonne à la grenade. La recherche de la beauté est sans doute le souffle qui anime Botticelli. Un point qu’il a en commun avec l’académie néoplatonicienne de Marsile Ficin.
Car, comme le souligne Caroline Combronde, “la propension (de l’artiste) à corriger la nature, à perfectionner l’œuvre divine, demande donc une référence au beau transcendant, idéal (…) Le renversement de la Renaissance ne consiste donc pas pour Ficin à ajouter une dimension esthétique au Platonisme. Ce dernier la possède déjà. La «révolution» est la suivante: avec Ficin, on ne pourra plus désormais susciter une question, éveiller un thème, quel qu’il soit, sans passer par l’art. Il est le medium de toute connaissance et, semblable à l’Éros platonicien, est sans cesse en chemin entre deux degrés de réalité“.
La se trouve peut être exprimée la relation fondamentale entre Sandro Botticelli et Marsile Ficin: le beau, transcendant, idéal, objet de toutes les recherches de Sandro Botticelli, est également l’objet de la recherche du philosophe qui passe par l’oeil de l’artiste.
Conclusion
Le débat entre le néo-platonisme de Marsile Ficin et l’Epicurianisme du Politien est sans doute loin d’être clos. La complexité de l’analyse néo-platonicienne semble impliquer l’idée que Sandro Botticelli, à moins d’être lui-même un philosophe, aurait eu beaucoup de difficultés à en formaliser les concepts, puis à en illustrer la progression, à moins d’avoir eu un mentor, bien introduit pour l’aider.
D’autre part, plusieurs auteurs (et notamment Jane C. Long [xvi] ) ont souligné qu’il s’agissait peut être d’un sujet à rattacher à la tradition de l’épithalame (poème lyrique chanté à l’occasion d’un mariage) : « ces poèmes faisaient référence à Vénus en tant que patronne du mariage, donc la Vénus terrestre qui rend le corps fertile et le stimule, dans le but d’avoir un mariage heureux et fructueux menant à la procréation. Long explique que si certains de ces poèmes pouvaient avoir un ton parfois érotique, dans leur évocation de Vénus, c’était pour louer la femme afin d’éveiller chez l’homme un désir sexuel dans le but de la féconder »(Jane C Long).
Si l’on réexamine la naissance de Vénus, on constatera à cet égard que le corps de Vénus est curieusement proportionné, avec des hanches larges, ce qui pourrait être l’indice d’une volonté de Sandro Botticelli, d’attirer le regard sur le corps, non pas éthéré, mais bien sexué et potentiellement procréateur. Car Botticelli sait parfaitement dessiner des femmes qui n’inspirent pas le désir. Pour s’en convaincre il suffit d’examiner le nu parfaitement neutre, et même assexué, de la femme nue de la Calomnie d’Apelle.
Calomnie d’Apelle détail par Sandro Botticelli 1495 Détrempe sur bois 62 × 91 cm Galerie des Offices
Une Vénus tentatrice et objet de désir est donc un objectif clairement conscient et volontaire chez son auteur.
L’art en question Botticelli La naissance de Vénus n°3 Canal Educatif
Jane C Long ajoute que « le tableau de Botticelli représenterait plutôt l’arrivée de Vénus que sa naissance, faisant référence à l’arrivée de la mariée dans le lit nuptial »…
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[i] Pour avoir une idée à la fois synthétique et analytique du tableau, l’article « La Naissance de Vénus – Sandro Botticelli » de Jean Philippe Mercé constitue une excellente approche dont on a repris ici quelques éléments.
[ii] Article Les métamorphoses de l’âme chez Botticelli (1444-1510) par Isabelle Ohmann. Site Acropolis Etre philosophe aujourd’hui. Cet article cite Aura, la douce brise du printemps au lieu de Chloris: dans l’article ce n’est pas contradictoire dans la mesure où le sens qu’elle donne à la pluie de rose est mystique. J’ai, personnellement, adopté un autre point de vue. J’estime qu’il s’agit de Chloris, la même nymphe séduite par Zéphyr dans la peinture du Printemps, qu’il transforme en reine du royaume des fleurs, ce qui explique la pluie de roses, attribut du printemps et de la reine des fleurs.
[iii] Etude d’une œuvre : Le Printemps de Sandro Botticelli.
[iv] Stéphane Toussaint CNRS- Centre d’études supérieures de la Renaissance, Tours, président de la Société Marsile Ficin, Paris
[v] Article Marsile Ficin (1433-1499)
[vi] Article Histoire de l’Art 1ère année de Jacques Rouveyrol
[vii] Emilie Séris Les étoiles de Némésis: La rhétorique de la mémoire dans la poésie d’Ange Politien
[viii] Article Un enseignement novateur. Les cours d’Ange Politien à l’université de Florence (1480-1494) par Jean-Marc Mandosio
[ix] Créée par Laurent le Magnifique en 1472 à Careggi sur l’emplacement de l’académie, l’Université de Florence disparaîtra en 1503.
[x] Le professeur de poétique et rhétorique le plus renommé, jusqu’à l’arrivée d’Ange Politien, est l’humaniste Cristoforo Landino (1424-1498), il est chancelier de la Seigneurie de Florence, poste très honorifique traditionnellement occupé par un grand lettré. C’est un humaniste devenu, par l’arrivée du Politien, un enseignant « de la vieille école ».
[xi] Voir à ce sujet l’article d’Emilie Séris sur JSTOR « Ange Politien : Poète de l’amour entre Lucrece et Ficin »
[xii] Mario Martelli Angelo Poliziano « Storia e metastoria II, 2 : « les stanze per la giostra : simbolo e struttura ».
[xiii] Aby Warburg La Naissance de Vénus & Le Printemps de Sandro Botticelli – Etude des représentations de l’antiquité dans la première renaissance italienne
[xiv] Au nombre de trois dans l’hymne homérique et chez Politien et ramenées à une dans le tableau de Botticelli.
[xv] Les Platoniciens et l’art de la Renaissance Combronde Caroline. PERSEE In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 97 N°2 1999 pp.268-288
[xvi] Jane C., LONG, « Botticelli’s Birth of Venus as Wedding Painting », Aurora (Woodcliff Lake, N.J.), Vol. 9 (2008), p. 1-27 citée dans l’article d’Elysa Lachapelle La Naissance de Vénus de sandro Botticelli : la représentation d’un mythe.
Un des intérêts du tableau est le médium sur lequel Botticelli a choisi de peindre. A cette époque, les artistes utilisaient d’habitude des panneaux de bois, et alors que cette tendance allait continuer pendant encore un siècle, l’usage de la toile tendue gagnait lentement en popularité. Les Canevas étaient plus pratiques à l’usage et plus durables, particulières dans les climats humides comme ceux de l’Italie du Sud, tandis que le bois était non seulement plus cher, mais avait tendance à se dégrader plus rapidement dans l’humidité. Alors que la peinture sur panneaux de bois était considérée comme plus appropriée pour les endroits formels ou officiels, les toiles tendues ont commencé à se répandre dans les commandes plus privées ou informelles.
La commande, bien que destinée à encourager la maternité du cousin (popolani) de Laurent le Magnifique, avait nécessairement un caractère public par la personnalité des principaux acteurs de cette commande: le peintre officiel des Medici, le mariage splendide de l’héritier de la branche cadette, dont les descendants deviendront ducs et grands ducs de Toscane, après l’extinction de la branche aînée. On peut donc penser que Botticelli, bien au fait des caractéristiques particulières d la peinture sur toile, aura proposé à Laurent d’accepter ce support. Il y a d’autres cas de grandes peintures sur toile avec la série des Triomphes de César peints par Mantegna “a tempera” entre 1484 et 1492 pour le compte du Marquis de Mantoue tout comme les 2 chefs d’oeuvre de Botticelli. Tout porte à croire que la haute aristocratie italienne avait déjà commencé à remplacer le support en bois par la toile dès le début des années 1480.