La Tana est un comptoir vénitien sur le Don, à proximité de la mer d’Azov, situé sur la route de la soie. Les navires vénitiens qui mettent six mois pour effectuer un aller retour de Venise à La Tana, y compris deux semaines d’arrêt sur place pour décharger et embarquer, apportent de Venise du vin, de l’étain, des tissus, de l’ambre et repartent chargés de sel, de grains, de poissons salés, de fourrures, de caviar et d’esclaves.
Le commerce vénitien[i] est en effet confronté, à partir de 1420, à une baisse du trafic de la route de la soie avec l’obligation de se reconvertir partiellement. Certains vont s’adonner au trafic des esclaves florissant dans tout l’orient tandis que d’autres préfèreront s’investir dans le trafic du poisson.
Le Khanat de Crimée ou Tauride est une des plaques tournantes du commerce avec les steppes d’Asie centrale, l’Inde et la Chine. Partent ainsi vers l’orient chaque année, des troupeaux de bétail très importants pouvant atteindre 40 000 têtes et des chevaux, au nombre de 6 000 têtes. En retour, ils reçoivent les soieries, les épices et les esclaves.
Les Tcherkesses et les Tatars vendent volontiers leurs enfants en période de famine ce qui alimente un trafic considérable majoritairement des hommes vers l’Egypte où ils vont trouver un emploi dans l’armée mamelouk et des femmes, majoritairement vers l’Italie où elles vont constituer l’essentiel du personnel domestique des familles aisées à la ville et à la campagne. Les patriciens vénitiens, de passage à La Tana, achètent volontiers des esclaves, surtout des femmes, qu’ils ramènent ensuite à Venise.
Au départ de La Tana, le prix d’un esclave est de 20 à 25 ducats. Le prix de transport d’un esclave entre La Tana et Venise est fixé à quatre ducats et demi, prix auquel s’ajoute un montant équivalent pour les frais de bouche. A Venise, le prix moyen d’un esclave se négocie entre 40 et 50 ducats. Les esclaves en provenance de La Tana sont des Tatars, des Tcherkesses ou des Russes capturés par les expéditions de la Horde d’or en Lithuanie et en Moscovie entre 1419 et 1439.
Cependant, dès 1446, le prix des esclaves en provenance de Tana a tendance à baisser car des esclaves moins chers, originaires d’Afrique sont proposés à partir de Tunis et de Tripoli. Mais une autre raison plus fondamentale explique la baisse de ce trafic, c’est la baisse de l’activité économique du comptoir lui-même, liée à la réorientation des flux d’échanges, qui deviennent principalement des flux de produits locaux. Ainsi du commerce des fourrures qui trouve plus avantageux d’accéder directement à Caffa, sur la mer noire. Les Vénitiens ne croient plus à l’avenir du comptoir: ils vendent leurs actifs, souvent à des Génois qui ne partagent pas la même opinion et se replient sur Venise.
Le commerce des esclaves a été florissant à La Tana pendant près d’un siècle.
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[i] Cet article a été rédigé à partir de l’article de Bernard Doumerc “Les Vénitiens à la Tana (Azov) au XVème siècle” in Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 28 N°1. Janvier-mars 1987. pp. 5-19 chez Persee.
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