Cet article est la suite de Philibert de Chalon, Contre François 1er. Après avoir débarrassé Rome des soldats qui ont mis la capitale de la chrétienté à feu et à sang, le prince d’Orange part défendre Naples de l’attaque des Français du Maréchal Lautrec. Il triomphe de Lautrec, puis va faire le siège de Florence, à la demande du pape et de l’empereur. Au prix de difficultés inouïes, il parvient à mettre en place une stratégie gagnante et trouve une mort glorieuse contre des Florentins courageux et tenaces, qui ont résisté pendant dix longs mois à toutes les offensives des meilleurs soldats du monde.
Ayant requis le conseil de ses capitaines[i], le prince propose sagement, à son départ de Rome, de prendre la route de Naples pour y attendre Lautrec. Del Vasto[ii] malgré ses engagements, prend un malin plaisir à être toujours d’un avis opposé à celui de Philibert.

Marquis del Vasto par Le Titien Galerie des Offices
Le 24 Mars 1528, le prince arrive à vingt-cinq milles de Naples où il fait sa jonction avec les trois mille hommes de Moncade et de Ferdinand de Sanseverino, prince de Salerne. Puis le prince d’Orange, après avoir razzié toutes les provisions de la province, fait son entrée à Naples.
Les avis sont divergents sur la conduite à tenir : faut-il défendre la ville en se barricadant, position de tous les capitaines et du prince ? Ou faut-il au contraire attendre les français en rase campagne, position de Del Vasto ?
La décision est prise de fortifier la ville et d’attendre les Français en se retranchant derrière les murailles.
Une grande bataille navale a lieu le 28 avril 1528,à Amalfi, où les forces navales napolitaines ont voulu surprendre la flotte génoise de Filippino Doria, neveu d’Andréa Doria.
La bataille se solde par une défaite sévère des Impériaux et la mort du commandant en chef, Hugo de Moncade, qui est tué de deux balles d’arquebuse et qui tombe à la mer.
A Naples, Philibert de Chalon est désigné, à l’unanimité du conseil, pour le remplacer, en qualité de vice-roi.

Philibert de Chalon Ecole française AA35 F9 Chantilly Musée Condé Photo RMN René Gabriel Ojéda
Bien remparés dans Naples, les Impériaux tiennent contre les Français pendant deux mois. De son côté Lautrec réclame à François 1er, pas plus soucieux d’expédier des subsides que Charles-Quint, de lui adresser d’urgence des renforts. Car la dysenterie, la maladie des camps militaires, sévit dans son camp et il a déjà perdu 6 000 hommes.
De Naples, le prince, qui négocie avec Filippino Doria le rachat de prisonniers capturés à Amalfi, prévient Charles-Quint qu’Andréa Doria, très mécontent de François 1er, cherche à entrer en contact avec lui pour changer de camp. Lautrec est averti du danger en même temps. Il délègue Guillaume du Bellay auprès du roi avec mission de s’arrêter à Gênes pour supplier Doria de taire ses rancunes. Ce dernier accepte de différer quelques temps sa décision, mais il exige que François 1er lui règle ce qu’il lui doit, et rende à Gênes ses libertés et le trafic de la gabelle et du sel.

Andrea Doria Sebastiano del Piombo Villa del Principe Palais d’Andrea Doria Gênes
Circonvenu par Anne de Montmorency, son compagnon de jeunesse, à qui il avait accordé la gabelle de Savone et par le Chancelier Duprat, François 1er ne veut pas céder un pouce devant l’insolence de Doria. Il décide séance tenante de faire arrêter Andréa Doria et de le faire remplacer par Antoine de la Rochefoucauld.
A Naples, Lautrec est presque parvenu à affamer l’armée impériale qui en est déjà au pain sec et à l’eau : il ne reste au vice-roi que quelques semaines de vivres. Les renforts promis par Charles-Quint n’arrivent toujours pas : ils ont été en fait accaparés par Leyva pour la défense du Milanais. Par contre l’empereur a adressé au prince la confirmation de sa nomination comme vice-roi de Naples. Il le charge d’organiser les contacts avec le pape pour établir une paix durable.

Odet de Foix Vicomte de Lautrec Jean Clouet Inventaire n°MN136;B8 Musée Condé
Mais le parti français paraît de plus en plus sûr de l’emporter. Jusqu’au 15 juillet 1528, où, brusquement, la situation commence à s’inverser. La peste a en effet touché le camp français où elle commence à faire des ravages. Mal informé des possibilités de ravitaillement en eau de la ville de Naples, Lautrec a fait couper l’aqueduc de Poggio Reale. Les eaux se déversent alors formant un lac putride dont les miasmes ont commencé à investir le camp français. Peut-être la peste vient-elle de Gênes où La Roche-Foucauld s’est arrêté avant de rejoindre Naples, et où l’on sait qu’elle était déclarée au moment de leur passage ? Bientôt c’est l’hécatombe. La peste fait des ravages avec plus de 200 morts par jour. Le comte de Vaudémont est déjà mort et c’est au tour de Lautrec de tomber gravement malade.
Puis le parti des Impériaux reprend rapidement des couleurs avec l’annonce fracassante du changement de camp de l’amiral Doria, le plus grand marin de la Renaissance, le condottiere invaincu dans cent combats que la suffisance du roi de France a poussé dans les bras de Charles Quint. Le responsable de ce tour de force est le marquis del Vasto, capturé à Amalfi lors de la défaite de la flotte napolitaine en avril précédent. Il a habilement exploité le sentiment anti-français de Doria pour le presser de changer d’allégeance. Doria a accepté lorsque La Roche-Foucauld s’est présenté à Gênes, sur le chemin de Naples, en demandant à le rencontrer. Le condottiere dispose-t-il d’informations confidentielles ? A-t-il déjà choisi son camp ? Il se méfie et s’éloigne de Gênes où, justement, vient d’éclater la peste, que les renforts vont peut-être emmener avec eux jusqu’à Naples.
Del Vasto a adressé à Charles-Quint, le 19 juillet 1528, des lettres relatives à cette importante négociation. Doria expédie alors son neveu, l’abbé de Néro, pour négocier avec l’empereur les termes de l’accord, qui est signé dès le 10 août 1528. Il est convenu que si Doria réussit à arracher Gênes à la France, l’empire garantisse à la ville son indépendance et ses anciens territoires, notamment la ville de Savone. D’un seul coup Doria obtient de Charles Quint tout ce que lui a refusé François 1er.
François a du reste une incroyable propension à s’aliéner les grands hommes de guerre qui auraient été utiles à la couronne de France. Le Connétable de Bourbon, le grand vainqueur de Marignan, dont les compétences vont manquer au roi à Pavie, le prince d’Orange et puis maintenant, Andréa Doria, l’immense marin de la Méditerranée dont tous les militaires espagnols ont compris de longue date l’appoint puissant que représente pour les opérations terrestres, le contrôle de la mer en Italie.
Le 16 août arrive à Naples, la nouvelle de la mort du maréchal de Lautrec et de son remplacement par le marquis de Saluces. La Peste affecte désormais surtout le camp français mais elle n’épargne plus les Napolitains. Heureusement, la ville reçoit des renforts et l’Amiral Doria, qui n’a pas attendu la signature de son contrat, et qui est venu approvisionner Naples. Désormais le vent souffle en faveur des Impériaux et les Français le sentent bien car toutes leurs demandes d’aide adressées en Italie, restent sans réponse. Le jeudi 27 août, l’armée française lève le camp.
Mais la plus grande partie des soldats sont malades et incapables de se défendre. Les escarmouches déclenchées par Philibert permettent d’en capturer un grand nombre. Seuls mille cinq cents hommes valides, conduits par le marquis de Saluces, ont conservé leur position de combat et se sont retranchés au château d’Aversa. Le prince d’Orange vient les déloger à coups de canon et la place capitule le 30 août 1528.

Michel-Antoine Marquis de Saluces Jean Clouet Inventaire n°MN85 Chantilly Musée Condé
Philibert en informe immédiatement Clément VII car il a reçu le 9 juillet précédent, des instructions très claires lui donnant mandat de négocier la paix avec le pape au nom de l‘empereur. Philibert a reçu pour mission d’offrir au Pape de l’aider à rétablir l’autorité des Médicis à Florence en contrepartie d’une action en direction des princes italiens (Ferrare, Mantoue et Venise) pour les détacher de la ligue de Cognac. Si le pape refuse de coopérer, le vice-roi a reçu instruction de lui rogner les ailes pour le rendre incapable de nuire aux intérêts de l’empire en Italie.

Clement VII Jules de Medicis Sebastiano del Piombo Collection privée Vente Sotheby 1991 Site Historical Portraits
L’opération est menée tambour battant. Le pape n’en revient pas de la modération de Charles Quint qui lui propose ce qu’il n’aurait pas osé demander, de payer sa rançon en monnaie diplomatique. Le traité met quelques temps à aboutir parce que, pour l’heure, toute l’attention de Clément VII est requise aux affaires d’Angleterre où le roi essaie de divorcer de Catherine d’Aragon. Le traité avec le pape a été négocié avec beaucoup d’habileté par le prince d’Orange et l’empereur en félicite Philibert.
Le 29 juin 1529, le traité de paix entre l’empereur et le Pape est proclamé devant le maître-autel de la cathédrale de Barcelone. Huit jours auparavant, le 21 juin 1529, Leyva venait d’infliger une cuisante défaite à la dernière armée royale en Italie, celle du comte de Saint-Pol, à Landriano, où le comte de Saint-Pol est capturé. La France ne dispose plus d’aucune armée en Italie.

François Ier de Bourbon, comte de Saint-Pol, duc d’Estouteville (1491-1545) Jean Clouet N° d’inventaire MN 61 Crédit photo © René-Gabriel Ojéda, Réunion des musées nationaux Musée Condé
Par le traité de Barcelone, le Pape accorde à l’empereur l’investiture sur le royaume de Naples, sans autre tribut qu’une haquenée blanche annuelle et lui concède la nomination de vingt-quatre évêchés et archevêchés. En retour, l’empereur promet de faire retour au pape des villes qui lui ont été enlevées par les armées de la ligue de Cognac : Ravenne, Cervia, Modène et Reggio, de le soutenir contre Florence, de l’aider à y établir l’autorité de son neveu Alexandre, qui épousera Marguerite, fille naturelle de l’empereur.

Charles Quint et sa fille naturelle Marguerite qu’il avait eue de Johanna van der Gheynst par Theodore Joseph Canneel (1817 1892) tableau du musee des Beaux Arts de Gand
De son côté, François 1er, déçu dans tous ses projets italiens, se rend bien compte qu’il lui faut conclure la paix avec Charles Quint. Il laisse donc sa mère, Louise de Savoie, négocier à Cambrai, le 7 juillet 1529, avec Marguerite d’Autriche, la paix des Dames (signée le 5 août) qui va éteindre la guerre entre François 1er et Charles Quint et rendre à Philibert sa principauté d’Orange.
Aux termes de ce traité, François 1er abandonne à Charles-Quint tous ses droits sur Milan, Gênes, Asti et Naples. La sentence prononcée contre le connétable de Bourbon serait rapportée et ses biens, rendus à ses héritiers. François 1er doit abandonner à leur sort les alliés italiens qui ont pris parti pour lui. François 1er a définitivement perdu la partie en Italie. Il a été surclassé par l’empereur, son rival, qui a su, beaucoup mieux que lui, attirer des talents et leur faire confiance.
L’article 28 du Traité est réservé au prince d’Orange et prévoit la restitution de sa principauté.
Charles-Quint met la main personnellement à l’exécution du traité concernant son zélé vice-roi de Naples. Il finit par obtenir de François 1er, via son émissaire en France, des ordres donnés au parlement du Dauphiné et à la Chambre des Comptes, qui, cette fois-ci, s’exécutent, preuve sans doute, que la fois précédente, lorsque le parlement du Dauphiné s’était « opposé » à l’enregistrement de la cession à Philibert, François avait tenu un double langage. Jean de Falletans, l’ami proche de Philibert, part en France en qualité de conseiller de l’empereur et se rend à Grenoble pour recevoir l’entérinement du parlement et à Orange, pour faire enlever les armes royales et les remplacer par celles de Philibert. La restitution officielle de la principauté se fait le 25 janvier 1530, avec une certaine solennité.
De son côté, Philibert, qui s’est mis d’accord avec le pape pour reconquérir Florence, commence par pacifier un certain nombre de villes des Etats de l’Eglise, qui s’étaient placées sous la protection de condottieres locaux. Il reconquiert ainsi Pérouse, moitié par la force, moitié par pression diplomatique, Spolète, Cortone, puis Arezzo, à la frontière de l’Etat florentin.
A son arrivée devant Florence, Philibert commence à parlementer. Mais les Florentins, persuadés que François 1er viendra à leur secours, repoussent en bloc toutes les propositions, pourtant très raisonnables. La guerre est inévitable. Philibert sait que pour atteindre les objectifs du pape et de l’empereur, il est indispensable de préserver Florence d’un sac et de lui conserver sa capacité contributive : toute solution diplomatique est donc meilleure que la guerre. Mais les Florentins ne veulent plus entendre parler des Médicis.
De son côté, l’empereur doit d’urgence expédier des secours à son frère Ferdinand qui résiste aux Turcs qui encerclent Vienne. Le rétablissement des Médicis à Florence n’est donc pas une priorité absolue. Mais pour le pape, il s’agit là d’une promesse substantielle du Traité qui doit absolument être exécutée. L’empereur est arrivé à Savone en Italie, depuis le 7 août 1529. Il va rester pendant plus d’un an en Italie, d’où il va gouverner son empire, le temps pour lui de pacifier la péninsule.
Le 9 octobre 1529, Philibert reçoit de Sienne les canons qu’il attend pour investir Florence. Un bastion est élevé sur lequel les canons sont placés en batterie pour bombarder Florence. Les troupes sont positionnées sur les collines environnantes, formant un demi-cercle embrassant la partie de Florence au-delà de l’Arno, de la porte Saint-Nicolas jusqu’à la porte Saint-Fredien.

Siege de Florence Camp du prince d Orange Fresque de Giogio Vasari Palazzo Vecchio Florence Salle Clement VII
Tous les officiers supérieurs de l’armée se sont logés dans les villas des faubourgs, abandonnées par leurs propriétaires. Les Florentins se sont préparés à l’affrontement. Ils peuvent compter sur huit mille hommes de bonnes troupes, notamment les restes des fameuses Bandes Noires de Jean de Médicis, mort quatre ans plus tôt. Les troupes sont placées sous le commandement d’Hercule d’Este, fils du duc de Ferrare, engagé par la République. Quant à la milice, elle est confiée à Etienne Colonna, un homme d’expérience, qui commandait la garde suisse du pape jusqu’au sac de Rome.

Portrait attribué à Hercule II d Este « Portrait of a bearded man, bust-length, in a fur-trimmed robe and black hat, with the Order of Saint Michael, » by Nicolo Dell’Abate » Collection privée Vente Christie’s du 10 janvier 2009
Florence a décidé de ratisser toutes les provisions des campagnes environnantes et de détruire tout ce qui ne peut être emporté. Les maisons, châteaux, couvents, susceptibles de constituer un abri pour les assiégeants, sont systématiquement détruits. Les fugitifs qui avaient eu leurs biens confisqués sont sommés, par édit, de revenir. C’est le cas de Michel-Ange, qui s’est réfugié à Venise et que l’on fait revenir en hâte : il sera chargé de la direction des fortifications.
Florence est prête à supporter un siège. La ville a le moral et elle sait qu’elle peut se défendre contre l’armée impériale.
Philibert de son côté a des doutes : sa situation n’est pas si brillante. Son armée de 9 000 hommes est insuffisante : pour circonscrire la ville, il lui faudrait 12 000 hommes supplémentaires et de l’argent. Il ne sait pas si ses soldats ne vont pas se mutiner si la paye n’arrive pas. Et il manque de canons pour être vraiment efficace. Sans parler des inquiétudes concernant la situation dans le royaume de Naples qui est attaqué de toutes parts par les Vénitiens et dont les nombreuses places fortes occupées par des garnisons françaises tardent beaucoup à se rendre. .
Par suite des retards de paye qui ne permettent pas aux soldats d’acheter leurs approvisionnements, les désertions se multiplient car Florence n’hésite pas à promettre une paie régulière. Les Florentins multiplient les coups de main sur les moulins qu’ils vont détruire sur des distances de plus en plus lointaines pour en priver l’ennemi. Mais ils sont dans l’obligation, pour ce faire, d’expédier des compagnies de renfort à l’appui de leurs commandos. Philibert saisit ces opportunités pour battre ces petites troupes en cinq ou six rencontres tandis qu’il fait tomber quelques petites villes dont le pillage permet à ses hommes de patienter en attendant leur paye.
Le 2 décembre 1529, un nouveau gonfalonier est élu à Florence, Rafaël Girolami, et un nouveau conseil des dix. Girolami essaie d’inaugurer son élection par un coup d’éclat : il invite Etienne Colonna à tenter une sortie contre les Impériaux avec sa milice. Cette dernière, revêtue d’une casaque blanche, pour la distinguer des Impériaux, attaque du côté de Squiarra Colonna un des parents du Florentin, pour lequel Etienne Colonna a une haine profonde. Ils tombent à l’improviste sur le régiment endormi et lui tuent deux cents hommes. Puis, Malatesta, le condottiere au service de Florence, donne le signal de la retraite.
Ce type de petits engagements se poursuit pendant plusieurs mois avec des succès partagés entre Impériaux et Florentins. Le 19 décembre, François 1er signe ses actes de renonciation à ses droits sur Milan, Naples, Asti et Gênes et, le 23, la paix est conclue entre Charles Quint et le duc de Milan, Francesco Sforza et avec les Vénitiens.

Francesco II Sforza
Tiziano Vercellio Palais du Prince Doria Genes
Pour la première fois depuis trente-cinq ans, depuis la première expédition de Charles VIII en Italie, à l’exception de Florence, la paix règne d’un bout à l’autre de la péninsule italienne, unifiée maintenant, ou presque, dans l’empire de Charles Quint. Ce n’est pas tout à fait la paix que l’empereur aurait souhaitée mais il lui est difficile de se montrer exigeant compte tenu de ses moyens financiers qui restent toujours très insuffisants et des difficultés nouvelles qui ne cessent de s’accumuler du côté de l’Allemagne.
La paix avec Venise comporte le versement par cette dernière d’une indemnité de 200 000 écus et la restitution au pape des villes de Cervia et Ravenne, occupées par les Vénitiens.
Le duc de Milan, quant à lui, est parvenu à échapper à la partition de son duché, un moment envisagée par l’empereur dans ses discussions avec les Vénitiens, en contrepartie du paiement d’une indemnité de 600 000 écus versable à échéances annuelles.
Ces deux traités mettent fin officiellement à la guerre de la ligue de Cognac, ce qui laisse les Florentins isolés.
Une armée de 8 000 hommes, avec vingt-cinq pièces d’artillerie de gros calibre, est alors promise pour venir renforcer les troupes de Philibert à Florence.
Les Florentins n’ignorent rien de la situation. Ils profitent de ce nouveau répit pour faire remonter des provisions de Pise et d’Empoli car ce côté de l’Arno est resté libre. Les villes de Prato et de Pistoïa, partagées entre partisans des Médicis et de la République, se soulèvent et sont évacuées par les Florentins. Cette faute est immédiatement exploitée par Philibert qui y loge des garnisons. Dès lors, un grand nombre de villes de la République vont faire leur soumission au pape ou à l’empereur, une à une. La situation est devenue critique pour Florence, coupée de ses approvisionnements.
Florence réagit alors en décrétant une levée en masse de tous les citoyens, pour défendre la patrie. Les Florentins ne doutent d’ailleurs pas du succès final, prédit par les prêches enflammés de deux frères Dominicains.
Cependant, à côté du parti de la guerre, il y a à Florence, un parti de la paix, mais d’une paix honorable. Le pape ne l’ignore pas. Il charge son nonce Ridolpho Pio da Carpi, d’entrer en pourparlers avec Malatesta.

Malatesta IV Baglioni Comte de Bettona Pinacoteca Civica Bettona
Après d’houleuses discussions au sein du conseil des Dix, il est décidé d’expédier une ambassade à Bologne où se trouve le pape, depuis peu. Le 6 janvier 1530, Luigi Soderini et Andrea Niccolini partent pour Bologne : ils sont reçus par le pape qui les assure du maintien de leurs possessions et de leur liberté. En revanche, il est exclu de maintenir la constitution républicaine.
L’accueil de l’Empereur, qui s’est entendu avec le pape, est le même. Les cardinaux les reçoivent de façon froide et réservée. Le comte de Nassau, grand chambellan de l’empereur leur conseille de rentrer à Florence, où, le 26 janvier, Malatesta est élu capitaine général des troupes de la république. Ce personnage est très controversé à Florence car on lui reproche de faire l’éloge de la liberté aux partisans de la guerre et celui du pape, aux autres.
Après le retour de Bologne, des ambassadeurs, le pape et les quatre cardinaux florentins présents autour de lui à Bologne, sont déclarés traîtres à leur patrie et leurs biens confisqués. La rupture est totale. Tout espoir de paix est anéanti.
Pendant ce temps, Philibert est dans l’impuissance car, faute de solde, il a été dans l’obligation de disperser son armée en plusieurs villes florentines pour leur permettre de se nourrir. Il n’a plus autour de lui que 4 000 hommes car l’armée de secours n’est pas arrivée. Pendant que la diplomatie pontificale traite avec dédain les envoyés de Florence, elle n’exécute aucun des engagements financiers promis par le Traité de Barcelone. En revanche, le pape a des idées bien arrêtées sur la façon de diriger la guerre.
La conduite de cette dernière n’est donc pas facile pour le vice-roi accablé de soucis financiers.
Pendant ce temps, sa mère, Philiberte de Luxembourg, s’est activée avec le concours des ambassadeurs de Charles Quint à la cour de France, pour obtenir le paiement des anciennes dettes d’Anne de Bretagne pour les seigneuries de Suscino et de Tuffo en Bretagne, qui lui avaient été vendues, pour la somme de 48 900 francs et qu’elle n’avait jamais payées. Philiberte a proposé un paiement ou une restitution. François 1er biaise, en accordant à Philibert sa « protection personnelle » sur tous les biens qu’il possède en France, ce qui ne veut strictement rien dire. Philiberte s’est en outre intermédiée pour marier son fils à une princesse, Marie de Lorraine, fille du duc de Guise et d’Antoinette de Bourbon, née le 22 novembre 1515.
La lettre de sa mère laisse Philibert très froid. Peut-être a-t-il d’autres vues ?
Le 24 février 1530, le pape se fait couronner, selon la tradition inaugurée par Charlemagne, empereur du Saint Empire Romain Germanique, à Bologne. Il a choisi le jour anniversaire de la victoire de Pavie pour cet évènement historique. Pourquoi avoir choisi Bologne d’ailleurs ? Le Pape a-t-il exigé que le couronnement se réalise sur les territoires de l’Eglise ? L’empereur souhaite-t-il ne pas trop s’éloigner du nord de l’Italie en cas de difficultés imprévues en Allemagne ?

Juan de la Corte Couronnement de Charles Quint Musée Ingres Montauban Base Joconde
Depuis près de deux mois, le séjour du pape et de l’empereur, a fait de Bologne, la capitale de l’Europe. Les représentants de toutes les cours d’Europe se sont déplacés, les grands seigneurs de l’empire, les cardinaux et autres princes de l’Eglise, les plus grands princes d’Italie. On a fait venir la couronne de fer des anciens rois lombards, de la cathédrale de Monza et, le 22 février, en répétition générale, l’empereur a été couronné Roi des Lombards selon la tradition héritée de Charlemagne, vainqueur des rois Lombards.
Le 24 février, l’insigne faveur de tenir le diadème de la couronne impériale est échu au duc de Savoie qui a su rester neutre dans la confrontation et que l’empereur a remercié en lui donnant le comté d’Asti, à proximité de sa principauté de Piémont, en Italie, comté qui vient d’être récupéré aux dépens de François 1er.
Un seul homme est absent de la cérémonie : le prince d’Orange ! Quels sont les motifs de cette bouderie ? L’empereur a dû donner son accord car il sait que Philibert est son meilleur serviteur en Italie. La probabilité c’est que Philibert, face aux gigantesques frais de réception du couronnement de Bologne, ne peut que regretter d’être laissé à lui-même, sans soldats ni argent, malgré les promesses, qui sont restées lettre-morte. Il craint probablement une mutinerie. Il est sans doute resté au camp, en solidarité avec ses soldats.
Le train ordinaire des escarmouches de campagne et des sorties des assiégés se poursuit avec des fortunes diverses, partagées entre les deux camps. Et quelques jours plus tard, ce que craignait Philibert se réalise : les Espagnols se mutinent et désertent en allant piller des villes environnantes. Ce moment aurait pu être mis à profit par les Florentins pour tenter une sortie en nombre car les Impériaux sont en situation de faiblesse. Mais ils laissent passer cette occasion. Car Malatesta, qui joue double jeu, a prévu une sortie importante de plus de deux mille cinq cents hommes ; mais il a fait prévenir, une demi-heure avant l’assaut, les Impériaux de cette sortie par l’un de ses soldats. Ceux-ci sont donc prévenus et en armes lorsque l’attaque est déclenchée.
Philibert manque de tous les moyens qui lui seraient nécessaires pour l’emporter militairement sur Florence. L’empereur doit partir d’Italie et il est dans l’incapacité de le soutenir financièrement. Le vice-roi décide alors à la mi-avril 1530, de réduire Florence par la famine.
Le 27 avril, l’empereur récompense Philibert de tous les sacrifices consentis par ce dernier, en lui proposant de lui attribuer, à lui et à tous ses descendants, les domaines capturés sur plusieurs seigneurs napolitains ayant pris le parti de la France : Jean Caracciolo, prince de Melfi, Ferdinand Orsini, duc de Gravina et Henri Pandeni, duc de Boiano. Philibert est élevé duc de Gravina, avec l’attribution d’un certain nombre de villes du royaume de Naples.
Les Florentins, que les restrictions commençent à lasser, exigent de Malatesta, qu’il organise une sortie en bataille rangée, d’autant plus qu’ils sont persuadés que les assiégeants sont moins nombreux que prévu. La sortie est prévue pour le 5 mai 1530, avec deux régiments et trente compagnies. Les Florentins attaquent les positions tenues par les Espagnols supposés les moins solides compte tenu de leurs mutineries à répétition. Mais ces derniers supportent vaillamment le choc, laissant le temps à Philibert de placer ses Allemands en ordre de bataille. Bientôt la mêlée devient générale, tandis que Malatesta fait sortir de Florence de nouvelles troupes fraîches et que Philibert aligne sa cavalerie pour les contrer. Le combat va durer quatre heures, indécises et meurtrières, avant que Malatesta ne donne de sa tranchée (car sa santé ne lui permet pas de combattre), l’ordre de se replier sur Florence, sans doute parce que ses forces commençaient à plier.
Les Florentins ayant commis la faute tactique de ne pas mettre suffisamment de troupes dans Empoli, ville à une trentaine de kms de Florence et nœud de ses approvisionnements, défendue seulement par six cents combattants, Philibert lance sur cette ville, le 25 mai 1530, un coup de main avec six mille hommes et quelques canons. Le premier assaut est repoussé mais, devant l’importance des forces impériales, les Empolitains prennent peur et ils proposent de se rendre à la condition de préserver leurs vies et leurs biens. Ce succès encourage Philibert à poursuivre cette tactique. Les villes qui soutenaient Florence tombent ainsi, une à une entre les mains de Philibert, qui peut ainsi trouver quelques ressources pour payer ses hommes, pour les faire patienter.
L’action des Florentins se radicalise. Malatesta fait prévenir Philibert, en lui demandant de dire au pape que l’avertissement vient de lui, que les Florentins ont prévu d’empoisonner le pape. Un homme et cinq serviteurs dans la confidence sont effectivement arrêtés à leur sortie de Florence, par les troupes de Philibert. D’autre part, François 1er qui n’a en aucune façon renoncé, a prévu d’aider Florence dès que ses enfants lui seront rendus, le 15 juin. Il est prévu que des émissaires français empruntent à Lyon les sommes nécessaires pour retourner les lansquenets allemands de Philibert et les faire entrer au service de Florence. Cela fait deux mois que Charles Quint est au courant, par l’intermédiaire d’un flamand, agent double à la cour de France. Il a donc immédiatement pris les devants avec François 1er qui semble lui avoir donné toutes les assurances requises au sujet de Florence.
Mais il a d’autres soucis en tête : il est maintenant urgent que le siège interminable de Florence s’achève. Il lui faut expédier des forces au secours de son frère en Hongrie qui se prépare à affronter une nouvelle armée turque. Ferdinand offre au marquis del Vasto, neveu du vainqueur de Pavie, le Marquis de Pescara et éternel contradicteur de Philibert, de prendre la direction des troupes. Philibert n’est que trop heureux de voir partir ce général actif mais brouillon, qui ne cesse de lui créer des difficultés. Il propose à Charles-Quint, comme adjoint Ferdinand de Mantoue, petit cousin[iii] du connétable de Bourbon, dont la fidélité lui est depuis longtemps assurée. Et dans sa dernière lettre à Charles Quint, il intervient en faveur des espagnols mutinés, révoltés de la faim, qu’il suggère de pardonner en les expédiant combattre les Turcs en Hongrie.

Ferdinand Ier de Gonzague (1507-1557) comte de de Guastalla, duc de Molfetta Estampe n° d’inventaire LP11.31.3 Photo (C) Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / image château de Versailles Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
A Florence, la famine s’est maintenant installée, puis la peste, qui sévit déjà chez les Allemands du camp impérial, fait son apparition dans la ville.
Malatesta comprend qu’à un terme plus ou moins proche, Florence est condamnée. Il s’abouche avec l’un de ses amis, officier impérial, Pirro Colonna et lui propose que Philibert adresse un ultimatum à Florence. Mais le prince d’Orange, qui a reçu des consignes très strictes de l’empereur fait répondre qu’il convient de traiter sur les bases antérieures à 1527, c’est-à-dire en oubliant la constitution républicaine. Malatesta comprend qu’il ne peut pas traiter sur ces bases, au risque pour lui d’être accusé de trahison. Philibert informe le pape de ces ouvertures.
Pour éviter le sac de Florence, il est indispensable que les troupes soient payées. Lorsque Ferdinand de Guastalla propose une indemnité de 100 000 écus aux Florentins pour éviter le sac, un accord immédiat se fait. Mais lorsque la question du retour des Médicis est évoquée, les émissaires florentins s’écrient : « tout, mais pas cela » et ils se retirent des négociations. Florence est alors en ébullition et un regain de combativité s’empare de la ville qui décide d’une nouvelle sortie.
Charles-Quint vient tout juste de confirmer à Philibert sa nomination de Prince de Melfi et duc de Gravina, le 24 juillet 1530 avec une pension annuelle de 20 000 ducats sur le royaume de Naples. Le prince d’Orange « qui avait si bien prudemment et vertueusement conduit l’affaire jusques à maintenant » recevait tout pouvoir pour traiter au nom de l’empereur avec les Florentins.
Philibert songe à se marier. Il a pour dessein d’épouser Marguerite, la fille aînée de Guillaume VII, marquis de Montferrat, union qui lui aurait assuré à brève échéance, la possession du marquisat. Il demande à sa mère de solliciter l’appui de l’empereur. Mais ce dernier fait savoir que l’aînée est déjà promise au marquis de Mantoue et il propose pour Philibert, la cadette.
Mais Philibert ne pense déjà plus à ses projets matrimoniaux car on vient de l’informer d’une entreprise organisée par un commissaire florentin, Ferrucci, pour secourir Florence. Il monte immédiatement une force pour intercepter la colonne de secours. Ferdinand de Gonzague se propose d’en prendre la tête mais Philibert lui répond : « je vous ai déjà chargés Del Vasto et vous, de trois entreprises : aucune n’a réussi selon mes désirs ; c’est pourquoi je veux, moi-même, tenter celle-ci. Si j’échoue, je n’aurai qu’à m’en prendre qu’à moi ».

Francesco Ferrucci Défenseur de Florence
©Publifoto/Olycom Rittratto Stampa 1500 B/N Site Olycom
Philibert a déjà envoyé du côté de Pistoia l’élite de ses troupes, 3 000 Allemands, Espagnols et Italiens et 300 arquebusiers. Il part à son tour le 1er août, avec toute sa cavalerie, ses chevau-légers et ses estradiots[iv] albanais. Son objectif est San Marcello, à 70 kms au nord de Florence et 30 kms de celui de Pistoia. San Marcello se trouve à 4 kms de Gavinana. Il est prévu de cerner Ferrucci et d’attaquer la colonne de ravitaillement, simultanément, de tous les côtés à la fois.
Mais Ferrucci, à la tête de la colonne, commence à entrer dans Gavinana, pendant que son arrière-garde est attaquée par la cavalerie impériale à mi-distance des deux petites villes. Or, un parti d’Impériaux est entré dans Gavinana, simultanément, mais par une autre porte. Rapidement, la mêlée s’engage, furieuse.
Dans les collines, la colonne florentine, attaquée par la cavalerie et les 300 arquebusiers, se défend vigoureusement. Les Impériaux lâchent du terrain. Furieux, Philibert se porte lui-même à la tête de ses troupes, dans un endroit très escarpé, au milieu des combattants. Les balles d’arquebuse pleuvent comme grêle autour de lui. Il en reçoit deux, presque en même temps, l’une derrière le cou, l’autre en pleine poitrine. Il s’écroule, mort avant d’avoir touché le sol.
A la vue du destrier de guerre superbement caparaçonné du prince, errant seul, la panique s’empare de ses troupes qui s’enfuient à sauve-qui-peut. Les défenseurs de Gavinana commencent à crier victoire. Il n’en est rien cependant car l’arrière garde de Ferrucci est bientôt totalement anéantie. Ferrucci et Renzo da Ceri, le célèbre condottiere Orsini, qui avait combattu pour défendre Marseille contre les Impériaux, puis le pape lors du sac, combattent au coude-à-coude dans Gavinana. C’est alors que les 2 000 cavaliers que Philibert avait laissé en renfort, se ruent dans Gavinana. Da Ceri propose timidement de se rendre mais Ferrucci se rue à l’attaque, préférant la mort à la reddition.
Maramaldo, le commandant de la cavalerie impériale résiste à la dernière poussée de ses adversaires qui sont tués jusqu’au dernier. Les deux chefs florentins se réfugient dans une petite maison où ils sont capturés. Ferrucci est présenté à son ennemi personnel Maramaldo, lequel, tout désarmé que soit le héros florentin, lui passe son épée au travers du corps, un acte qu’aurait fort désapprouvé son général, grand admirateur de la bravoure personnelle, s’il avait survécu.
La bataille de Gavinana fut la plus disputée de tout le siège de Florence. Elle coûta la vie aux trois mille hommes de la colonne de Ferrucci et à plus de deux mille cinq cents Impériaux.

Roberto Tomei – GAVINANA. A Francesco Ferrucci Site Panoramio
A propos de la résistance héroïque du grand défenseur de Florence auquel la petite ville de Gavinana a élevé une statue, voir l’ouvrage qui lui est consacré, à la Bibliothèque Nationale « Francesco Ferruccio e la guerra di Firenze del 1529-1530″
Les officiers de Philibert se sont occupés de préserver ses restes. Son corps, embaumé, et enveloppé de deux linceuls, est placé dans un cercueil de plomb à Pistoia. est porté au camp impérial où toute l’armée défile, en procession de deuil.
Les Florentins ont perdu avec Ferrucci, l’un de leurs héros les plus déterminés à la lutte. Mais ils pensent également que la mort du prince d’Orange qui a su si bien contenir depuis plus de trois ans, l’armée la plus indisciplinée du monde, sera difficile à combler. Son successeur désigné n’est-il pas trop jeune pour la fonction ? Le parti de la guerre l’emporte encore à Florence. Instruction est donnée à Malatesta d’organiser une sortie immédiate. Ce dernier se récrie est fait valoir la disproportion des forces désormais établie. Il présente, le 8 août 1530 sa démission, qui est acceptée instantanément par la Seigneurie.
Mais Malatesta qui n’avait adressé cette démission que dans l’espoir qu’elle serait refusée, poignarde l’envoyé venu lui annoncer la décision de la Seigneurie. Il s’empresse de mobiliser ses troupes qu’il poste sur les bastions protégeant Florence en retournant les canons contre la ville. Les menaces de Malatesta produisent leur effet, la milice qui était prête à charger se délite et la population commence à accepter l’idée de la reddition, pour éviter un sac similaire à celui de Rome.
Le 8 août au soir, Malatesta est rétabli dans son commandement. Maître incontesté de la situation, Malatesta ne tarde pas à faire des ouvertures à Ferdinand de Gonzague. Le plan qu’il propose pour Florence, a été rédigé par le pape, qui discute secrètement avec lui depuis plusieurs mois, via le neveu de Malatesta, Galéas Baglioni et le camérier du pape, Dominique Centurioni. .
Les questions relatives à la réforme du gouvernement sont discutées pied-à-pied, de même que la question des indemnités. Finalement, un accord se fait le 11 août, que Florence signe le 12 août 1530. L’empereur sera libre de fixer, dans un délai de quatre mois, la constitution de Florence, la ville paiera une indemnité de 80 000 écus, la moitié payable comptant et le reste à six mois. Les délégués de Ferdinand de Gonzague et du pape s’engagent à faire ratifier la convention par leurs souverains respectifs.
C’est à Augsbourg que l’empereur apprend, le 9 août, la mort de son fidèle serviteur. Il expédie aussitôt une lettre à Philiberte de Luxembourg, lui adressant ses sincères condoléances pour la perte du dernier des Chalon-Arlay et pour lui, celle d’un ami sincère. Mais, ces devoirs remplis, il ne trouve pas dans sa cassette, de quoi subvenir aux frais de transport de celui dont le sacrifice lui a assuré le contrôle de l’Italie. C’est en vain que la princesse adresse à Charles-Quint des mémoires demandant que soit poursuivi le versement de la pension de 20 000 écus de Naples, pour lui permettre de rembourser les emprunts souscrits par Philibert pour surseoir aux énormes créances qu’il conservait sur l’empereur (63 768 écus), sans compter celles que lui devait François 1er.
Le corps du prince d’Orange, qui repose jusqu’au 18 août à la Chartreuse de Florence, est porté à Bologne le 22, où une cérémonie est organisée à la cathédrale. Puis le cortège repart, passant par Modène, Réggio, Parme, Asti et Saint-Jean-de-Maurienne. De Chambéry le 27 septembre, le convoi arrive à Saint-Claude, le 12 octobre. Depuis Saint-Claude, le convoi est escorté par trente-cinq hallebardiers et les plus grands seigneurs de la comté de Bourgogne, dont ses cousins germains, Antoine et Georges de Luxembourg. L’entrée dans toutes les villes de Franche-Comté, prend l’allure d’un deuil public.
Quand le cortège arrive en vue de Lons-le-Saulnier, le 22 octobre 1530, il est accueilli par les ambassadeurs de l’empereur et du roi de Hongrie, du duc de Savoie, du duc de Lorraine, et des parents du défunt, le vicomte de Martigues, le comte de Fiennes, le comte de Montbélard et, à une courte distance, par les évêques de Besançon, de Langres et de Genève.
Pour la cérémonie, le 24 octobre 1530, immédiatement après le corps, marchent Bourgogne, le roi d’armes de l’empereur et René de Nassau, son neveu et héritier.
A la fin de la cérémonie, Bourgogne, s’adresse à René de Nassau : « Monsieur René de Nassau, relleve et prend le nom et les pleines armes de ceste très noble et très illustre maison de Chalon. Monsieur, l’entendès-vous en la sorte que je l’ay dicte et criée ? Oui » répond René de Nassau. Puis Bourgogne poursuit : « Monsieur René de Chalon, comte de Vianden, de l’autorité et exprès commandement que dessus, a prins et rellevé, prend et relleve le nom et pures armes de ceste très noble et très illustre maison de Chalon » L’autorisation donnée à René de Chalon de relever le nom de la maison des Chalon-Arlay a dû être demandée à Charles-Quint par la princesse sa mère, probablement appuyée par une démarche du comte de Nassau.
René de Chalon-Nassau disputera à Philiberte de Luxembourg les droits sur l’héritage de Philibert, avec l’appui de Charles Quint qui l’avait pris à son service et de nombreux procès les opposeront. De son mariage avec Anne de Lorraine, il n’eut pas d’enfant. Il meurt le 18 juillet 1544 au siège de Saint-Dizier. Avant de mourir, il avait fait don de tout son patrimoine, à son cousin germain, Guillaume de Nassau-Dillenbourg, « le Taciturne », futur fondateur de la république des Provinces Unies, dont l’indépendance sera arrachée à l’Espagne.
Par le canal de cette célèbre dynastie, le titre de Prince d’Orange est arrivé aux souverains des Pays-Bas actuels, mais sans la souveraineté, dépossédée aux princes d’Orange, par Louis XIV, en 1702[v].
___________________________
[i] Cet article est réalisé à partir de l’ouvrage extrêmement documenté d’Ulysse Robert « Philibert de Chalon, Prince d’Orange, Vice-roi de Naples » Paris Plon 1902.
[ii] Le marquis del Vasto est un espagnol d’Aragon dont la famille est arrivée soixante dix ans plus tôt avec le roi Alphonse V d’Aragon. Il est le neveu du vainqueur de Pavie, le marquis de Pescara, épouse de la divine Marquise Vittoria Colonna (voir l’article sur ce Blog). Il a joué un rôle clé à la bataille de Pavie où il commande les arquebusiers. Il va devenir généralissime de Charles Quint en Hongrie et l’un de ses plus glorieux militaires.
[iii] La mère de Charles III de Bourbon était une Gonzague, fille du marquis de Mantoue. Frédéric 1er. Ferdinand de Gonzague, premier comte de Guastalla, est le fils cadet du grand capitaine vainqueur de Fornoue sur Charles VIII, François II de Mantoue, époux d’Isabelle d’Este, sœur du duc de Ferrare. Le jeune comte de Guastalla, qui n’a que 23 ans en 1530 est donc proche parent de plusieurs princes souverains d’Italie ce qui est un gage de responsabilité pour Charles-Quint, qui va en faire son généralissime en Italie, à la mort de Philibert.
[iv] Mot dérivé de l’italien « Stradiotto » : soldats à cheval.
[v] Voir le site de Jean Gallian sur la fin de la principauté d’Orange.
[…] par la peste (voir sur ce Blog les deux articles sur Philibert de Chalon Contre François 1er et Le siège de Florence). Le pape, qui avait d’abord pensé s’appuyer sur la coalition des Vénitiens et des Français, […]