Les archives pontificales étaient gérées à la Renaissance par le préfet de la bibliothèque Vaticane qui avait en charge les dépôts d’archives du Vatican, ceux de la bibliothèque secrète du Vatican, ceux du château Saint-Ange, de la garde-robe, de la chancellerie, de la secrétairerie d’Etat, et enfin, ceux d’Avignon. Il faudra près de trois siècles pour que s’élabore l’idée d’une gestion indépendante des archives pontificales par rapport à la bibliothèque et que se réunissent les dépôts d’archives d’archives du Vatican et du château Saint Ange. Mais dès le départ, les papes ont eu conscience de la nécessité de restreindre l’accès aux archives.
Les archives pontificales datent du règne de l’empereur Constantin[i]. Les Archives pontificales formaient une dépendance de la chancellerie apostolique qui était établie au palais de Latran. A l’instar de cette dernière, elles étaient sous la direction des « notarii regionarii », lesquels formaient une corporation présidée par le « prinicerius notariorum ». Ceux des notarii qui avaient pour attributions spéciales la rédaction des lettres et des bulles papales ainsi que la garde des Archives, portaient le titre de « scrinarii S. R. E ».
Au douzième siècle la chancellerie papale reçoit une organisation nouvelle; les Archives sont réunies au trésor et confiées aux soins du « thesaurarius ». Ce qui les rend surtout précieuses, ce sont les registres ou annales des papes, qui commençent à Léon Ier (440-461) et dans lesquels sont transcrites chronologiquement toutes leurs lettres et leurs bulles. Avec les Archives se conservent des manuscrits renfermant les Actes des martyrs, des recueils de canons, des livres de liturgie, des pères de l’Église : c’est pourquoi l’on trouve dans les auteurs le nom de « Bibliotheca » ou « d’Archivium donnés à ce dépôt, et celui de bibliothécaire, au fonctionnaire qui en avait la garde.
Lors du transfert en France du Saint-Siège, Clément V, élu le 5 juin 1305 fait apporter à Carpentras, où il avait d’abord établi sa demeure, une partie des Archives pontificales, et nommément, les registres des deux papes ses prédécesseurs immédiats, Boniface VIIl et Benoît XI. Il ordonne que les autres archives avec le trésor de l’Église soient envoyées à Assise, où il pensait qu’elles seraient plus en sûreté qu’à Rome en son absence. Après sa mort, les cardinaux réunis en conclave au palais épiscopal de Carpentras commandent à Raymond Fabri, archidiacre de Tulle, qui avait été son trésorier, de remettre au cardinal camerlingue Arnaud d’Auch, le trésor vieux et nouveau dont il avait la garde. Les Archives et neuf registres de Boniface VIII, un de Benoît XI, dix de Clément V, en faisaient partie. Tous ces documents sont plus tard transportés à Avignon. Le 28 avril 1339, tout ce qui restait des archives d’Assise est transporté à Avignon.

Avignon – Braun & Hogenberg, 1575-1612 Copie du plan de Belleforest Civitates Orbis Terrarum Site Sanderus Antique Maps
En 1366, au mois de juin, le cardinal d’Auch, se conformant aux instructions d’Urbain V, fait dresser l’inventaire des privilèges, lettres, instructions, écritures, reposant au palais pontifical, à Avignon. Pendant le schisme qui suit la mort de Grégoire XI (1378-1429), les Archives demeurent à Avignon. Eugène IV prend la détermination de les faire revenir à Rome, le 20 juin 1441. Mais une très grande partie des archives reste en fait à Avignon.
Sixte IV, en vue d’assurer la conservation des titres les plus importants du Saint-Siège, ordonne qu’ils soient déposés au château Saint-Ange. Il charge Urbano Fieschi, des comtes de Lavagna, protonotaire et référendaire apostolique, d’en faire faire une copie en bonne et due forme : cette copie, en trois immenses volumes, est placée au château, à côté des pièces originales. Le nouveau dépôt a pour premier conservateur le Crémonais Bartolomeo Platina (voir sur ce Blog l’article Platina et l’Academia Romana: humanisme et gastronomie à la Renaissance), qui remplit déjà les fonctions de bibliothécaire à la Vaticane.

Castel Sant Angelo Du Perac I Vestigi dell Antichita di Roma Stephano du Perac Bibliothèque de l’Institut National d’Histoire de l’Art, collections Jacques Doucet
En 1512, le pape Jules II, décide, ce qui sera sans doute le point de départ de la politique de confidentialité des archives du Vatican, que nul ne pourrait garder chez lui les documents de cette collection pendant plus d’une semaine ni en prendre des extraits sans une permission spéciale.
Au cours du pontificat de Léon X, la bibliothèque secrète de la Bibliothèque du Vatican se sépare, au profit des archives du Castel San Angelo, des diplômes et autres pièces originales. Elle ne conserve que les registres et les « libri camerali ». En 1516, Léon X fait rédiger un inventaire des Archives de la Chambre Apostolique. Un second inventaire est rédigé par le préfet Zanobi Acciaiuoli,
En 1518 le savant dominicain Zanobi Acciajuoli (voir sur ce Blog l’article sur La bibliothèque Sixtine à la Renaissance, de Sixte IV à Paul III), l’un des successeurs de Platina, dans l’un et l’autre emploi, rédigea, des archives du château, un nouvel inventaire. Dans le même temps, suivant les ordres de Léon X, il réunit aux archives quantité de documents d’une grande importance qui étaient conservés à la Vaticane.
Indépendamment du dépôt du château Saint-Ange, de celui qui était resté au palais d’Avignon, des documents dont la Bibliothèque ne s’était pas dessaisie, il y avait des archives appartenant au Saint-Siège à la Chambre Apostolique, au Bureau des Secrétaires, à la Chancellerie, à la garde-robe du palais, à la Secrétairerie d’État et ailleurs.
Pie IV (1559-1565), en 1565, conçoit le projet immense de former de toutes ces archives un dépôt général qu’il érigerait en son palais du Vatican : par un bref du 5 juin 1565 il commet le cardinal Amulio pour les rechercher et les rassembler; il mande au vice-légat d’Avignon, le 8 octobre, d’expédier à Rome tout ce qui était resté des titres pontificaux dans la capitale du comtat venaissin; le 20 novembre il prescrit au vicaire apostolique de Ravenne de faire prendre le même chemin aux chartes et registres de l’archevêché. Il avait déjà antérieurement donné l’ordre qu’on transporte à Rome toutes les chartes originales renfermées dans les archives municipales de Rimini, de Bologne, d’Assise, de Pérouse, d’Anagni, de Viterbe, de Macerata, pour qu’on prenne copie de celles intéressant le gouvernement des États de l’Église; enfin, le 28 septembre, il adresse un bref circulaire aux supérieurs des ordres religieux, les requérant de donner un libre accès, dans leurs bibliothèques, aux personnes qui s’y présenteraient de la part du cardinal Amulio, et de les laisser transcrire tous les documents qu’elles voudraient. Mais ce projet grandiose n’est pas exécuté, par suite de la mort prématurée du pontife le 9 décembre 1565.

Hartmann Schedel’s Liber Chronicarum 1493 Vue de Rome
Son successeur Pie V (1566-1572), expédie à Avignon le prêtre Mario Sazarino, avec la mission d’y prendre les écritures, livres et registres appartenant au Saint-Siège qui y étaient demeurés et de les ramener à Rome. Quant aux archives existantes dans les différents dépôts, il ordonne seulement qu’on en fasse l’inventaire. Sazarino se fait alors remettre à Avignon, cent-cinquante-sept registres des papes (de Nicolas III à Clément VII), soixante-dix registres concernant des affaires diverses du Saint-Siège, principalement en matière de schisme et une centaine de manuscrits divers. Sazarino n’avait pas tout emporté d’Avignon : car, en 1585, il en vient encore deux tomes du registre de Grégoire XI. On reçoit à Rome, sous les pontificats successifs, un grand nombre d’autres titres et, sous celui de Pie VI (1775-1799), peu de temps avant que le Comtat-Venaissin ne soit enlevé au Saint-Siège (1789), on en retire cinq cents gros volumes formés des minutes de tous les registres des suppliques et des autres affaires des papes qui avaient résidé en France : ces registres, sous Clément XI (1700-1721), avaient été extraits du fond d’une tour du palais où ils étaient relégués. C’est pour cette raison que les Archives du Vatican sont mieux fournies de registres, de livres de tout genre et d’écritures du temps des papes d’Avignon qu’elles ne le sont de ceux des papes qui ont résidé à Rome ou en Italie.
Depuis le pontificat de Sixte IV, les locaux occupés par les archives au Castel San Angelo, sont devenus insuffisants. Clément VIII, en 1592, les fait transférer à l’étage supérieur, dans une vaste salle circulaire, richement décorée et garnie de magnifiques et profondes armoires.

Vue en coupe des appartements pontificaux Courte visite au Castel Sant’Angelo » Ministère du Patrimoine et de la Culture,
de la Division spéciale pour les Musées de Rome.
Rome, Mondadori Electa 2004

Pellegrino Tibaldi, L’archange Saint-Michel, Salle Paolina Chateau Saint Ange

Perin del Vaga Espérance de la Vénus céleste Salle Paolina Chateau Saint Ange

Salle Paolina Château Saint Ange

Salle de la Bibliothèque Château Saint Ange
C’est à Paul V (1605-1621) que revient le privilège de la création des archives pontificales; elle lui avait été conseillée par le cardinal Bartolomeo Cesi, qui, avant d’être revêtu de la pourpre, avait été préfet des archives du château. Ce pontife commence par assigner au dépôt qu’il voulait ériger l’appartement qu’occupaient les cardinaux bibliothécaires. Par des brefs du 20 décembre 1611 et du 25 février 1615, il y fait transférer, de la Bibliothèque secrète Vaticane et des archives de la Chambre Apostolique, tous les registres des bulles depuis Innocent III jusqu’à Sixte-Quint; il ordonne, dans le même temps, que quantité de registres, parmi ceux qui se gardaient au château et à la garde-robe, y soient apportés.
Sous Urbain VIII (1625-1644) on y dépose les bulles enregistrées par la voie secrète que, depuis Sixte IV jusqu’à Pie V, tenaient les secrétaires apostoliques; tous les livres, registres et minutes des brefs, depuis Alexandre VI jusqu’à l’année 1567, qui se gardaient à la secrétairerie des brefs; plusieurs registres de lettres des nonces écrites au XVII° siècle, et un nombre considérable de volumes qu’on fait venir d’Avignon. Alexandre VII ajoute beaucoup à l’importance des Archives du Vatican en y réunissant, en 1656, les papiers de la secrétairerie d’État.
Le premier préfet des Archives du Vatican est Baldassare Ansidei, de Pérouse, qui, depuis plusieurs années, était garde (custode) de la Bibliothèque Vaticane. Urbain VIII décide, en 1650, qu’à l’avenir, la préfecture des Archives serait séparée de la garde de la Bibliothèque, l’une et l’autre restant toutefois, subordonnées au cardinal bibliothécaire. Le cardinal Felice Contelori, de Cesi, est alors à la tête des deux dépôts.
Le dépôt du château Saint-Ange était cependant demeuré distinct et indépendant de celui du Vatican. Cet état des choses subsiste jusqu’en l’année 1759 où Giuseppe Garampi, de Rimini, qui, depuis 1751 , était préfet des Archives du Vatican, le devient aussi, par la volonté de Clément XIII (1758-1769), des archives du château.
Clément XIV (1769-1774) nomme Marino Zampini, de San Marino, préfet de l’un et de l’autre dépôt, en lui donnant deux coadjuteurs.
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[i] Voir à ce sujet l’ouvrage « Les archives du Vatican » par Louis Prosper Gachard Bruxelles 1874, livre Google Books.
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