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Une grande famille de la renaissance italienne: les Gonzague de Mantoue

2 octobre 2016 par Philippe 4 commentaires

Le marquisat de Mantoue sous les Gonzague a acquis une grande célébrité grâce au mécénat artistique. Un artiste va confondre son nom avec celui des Gonzague de Mantoue, pour l’éternité: Andrea Mantegna.

A la Renaissance, le territoire de la principauté souveraine de Mantoue est coincé entre l’Etat pontifical à l’est (petite ville frontière de Stellata), le territoire de Crémone, rattaché aux ducs de Milan, à l’ouest, , soit une longueur d’environ cent vingt kilomètres et depuis le Pô, au sud, jusqu’au territoire de Vérone au nord, appartenant à la république de Venise, soit une largeur de soixante kilomètres environ.

Carte Le Marquisat de Mantoue en 1500 carte créée avec Euratlas Periodis Expert © Euratlas-Nüssli 2010, tous droits réservés

Le circuit autour de la principauté représente environ deux cents milles. Qu’une principauté de si petite taille ait réussi à se maintenir au milieu des convulsions de la Renaissance, liées à l’émergence des grands Etats européens, est déjà une chose remarquable. Elle le doit sans doute à sa petite taille, au fait qu’elle représentait avec la principauté de Ferrare, des Etats tampons entre les aspirations territoriales des puissances de Venise, Milan et Rome, et surtout, sans doute, à des hommes et femmes d’exception qui ont su jouer habilement de leur spécificité pour servir les intérêts de l’une ou l’autre des grandes puissances territoriales du nord de la péninsule italienne.

Mantoue et les principautés italiennes de Lombardie en 1300 Carte créée avec Euratlas Periodis Expert © Euratlas-Nüssli 2010, tous droits réservés

La ville de Mantoue est caractérisée par un réseau hydrographique important lié aux fleuves Mincio et Pô.

Ces fleuves constituaient la route normale de circulation entre Mantoue et Ferrare, ce qui explique que dans cette région enclavée, le principal moyen de communication est la barque.

Mantoue Braun, Georg (1541-1622) Civitates orbis terrarvm Library of Congress Geography and Map Division Washington, D.C.

A l’origine, le territoire de Mantoue n’était pas une principauté. Il faisait partie du grand ensemble italien soumis à l’empereur du Saint Empire romain-germanique. L’empire n’était pas doté de ressources propres, et les princes qui accédaient à ce statut infiniment honorable, ne pouvaient disposer que de leurs ressources propres, qu’ils possédaient au moment de leur élection. Le Saint-Empire n’a donc jamais été capable de maintenir sous son autorité, les régions qui avaient la volonté de s’y soustraire. C’est ainsi qu’en Italie, après la mort de la comtesse Mathilde (voir sur ce Blog l’article sur Une grande famille de la Renaissance, les Este de Ferrare) et la dévolution supposée de ses biens au pape, toutes les régions du comté de Toscane, ont déclaré leur indépendance, ceci permettant notamment, la naissance des Etats de Mantoue, Ferrare, Pise, Lucques et Florence, chaque Etat conservant toutefois une suzeraineté nominale du Saint Empire.

Contre cette volonté hégémonique du Saint Empire, se dressait le pape qui, à partir d’Innocent III en 1209, prône sa doctrine d’un territoire pontifical indépendant du Saint-Empire, indépendance qu’il réussira à arracher des empereurs en jouant une habile politique de bascule, de l’un à l’autre. De cette confrontation entre les empereurs et les papes, va naître le conflit entre les Guelfes (partisans des papes) et les Gibelins (partisans de l’empereur), qui va être l’occasion de guerres civiles à répétition pendant trois cents ans dans tous les Etats italiens.

Histoire de Mantoue au moyen-Age

Depuis le Xème siècle Mantoue était politiquement sous l’autorité des Canossa,

Mantoue devient donc une principauté, après la mort de la comtesse Mathilde en 1114, bien que l’empereur ait continuer à désigner des comtes de Toscane pendant un siècle encore, après la mort de Mathilde. Car le fait nouveau complémentaire est l’émergence des villes-Etats, enrichies par le commerce des croisades avec l’orient (Pise, Florence). Ces villes riches, tendent à vouloir s’administrer et se contrôler elles-mêmes, en tout cas indépendamment du pouvoir théorique de l’empereur.

Mantoue se gouvernait, comme la plupart des autres cités-Etats voisines, par un podestat (capitaine du peuple), élu régulièrement et renouvelé d’année en année. Le premier souverain de Mantoue dont le nom apparaisse est un certain Sordello Visconti, en 1220, vicomte de Goïto, petite ville à vingt kilomètres au nord de Mantoue en allant vers le lac de Garde. Cette année-là étant celle où l’empereur Frédéric de Hohenstaufen fut couronné empereur à Rome, par le pape Honorius III. Il est probable que, sur le chemin vers Rome, Frédéric de Hohenstaufen soit passé par Mantoue, apportant son soutien à ce seigneur, qui administra la ville avec une certaine sérénité. Il serait à l’origine de la construction des premiers remparts de la cité désignés par le nom de seraglio.

Ce Sordello descend de la famille Visconti de Milan. Etant allé dans sa jeunesse à la cour du marquis de San Bonifacio, seigneur de Vérone, il séduisit son épouse, Cunizza, fille d’Eccelin II (dit le moine). Les historiens du temps, nous dit la chronique, considèrent Sordello comme le plus adroit, le plus valeureux, le plus savant et le meilleur poète de son temps. Il composa, outre ses poèmes, un livre intitulé Trésors des Trésors, où il évoque des portraits de personnages célèbres en donnant des principes politiques. Ce personnage, célébré par Dante, a vécu très âgé jusqu’à la fin du XIIIème siècle.

Lui succède dans les années 1250, le seigneur de Vérone, Frédéric, le fils de cette comtesse de San Bonifacio séduite par Sordello. Ce dernier résista victorieusement aux entreprises d’Eccelin IIII Romano, gendre de l’empereur Frédéric (il avait épousé une fille naturelle de ce dernier), qui fait le siège de Mantoue en 1256, alors que les croisés cherchaient à s’emparer de sa capitale, Padoue.

Eccelin III : un personnage de tragédie

Le caractère haut en couleurs de ce Eccelin, un des nobles les plus importants de cette région au XIIIème siècle, et sans doute l’un des plus grands tyrans de l’Italie féodale, mérite que l’on s’y attarde[i].

Eccelin III Romano est le petit-fils d’un seigneur allemand auquel l’empereur Conrad III a accordé quelques fiefs dans la marche Trévisane. Eccelin III est investi par son père en 1215, de la principauté de Bassano de Marostica et de tous les châteaux situés sur les monts Euganéens, à proximité de Padoue. Gibelin convaincu, il se fait élire capitaine du peuple et podestat de Vérone et il obtient de Frédéric II en 1236, des soldats pour réprimer des révoltes populaires. La même année, Frédéric ayant pris et pillé Vicence, en donne le gouvernement à Eccelin III, qui, en 1237, se fait livrer la ville riche de Padoue. Après avoir décapité tous les nobles susceptibles de lui faire opposition à Padoue, il fait périr sur le bûcher tous les bourgeois de cette ville qui avaient conservé un certain attachement pour leurs libertés civiques. Il étend ensuite ses conquêtes dans la marche Trévisane : l’empereur, qui lui a donné pour épouse, sa fille naturelle, le nomme vicaire impérial pour le pays situé entre les Alpes de Trente et le fleuve Oglio.    Dès lors, les excès de sa tyrannie ne connaissent plus de bornes, jusqu’à la mort de l’empereur en 1250.

Le pape Alexandre IV, en montant sur le trône pontifical, prêche alors la croisade contre Eccelin III. Le marquis d’Este, le comte de San Bonifacio, les républiques de Venise, de Mantoue et de Bologne, prennent les armes et parviennent à s’emparer de Padoue en 1256. A cette nouvelle, Eccelin fait enfermer onze mille Padouans dans l’amphithéâtre de Vérone et les fait tous mettre à mort. La lutte entre les croisés et le tyran sanguinaire dure encore deux ans, dans lesquels ce dernier réussit encore à s’emparer de Brescia.

Mais s’étant brouillé à cette occasion avec deux seigneurs alliés, Pallavicino et Buoso de Doura, ceux-ci se réunissent à leurs adversaires. Eccelin, qui cherchait à s’emparer de Monza rencontre une armée de Milan qui lui barre la route pendant que Pallaviccino, Seigneur de Crémone, à la tête des forces de cette ville et le marquis d’Este, commandant les troupes de Ferrare et de Mantoue, lui coupent la route en s’emparant du pont de Cassano sur l’Adda.  Ayant tenté de forcer le passage, Eccelin est repoussé et blessé. Il cherche à traverser le fleuve au gué, mais arrivées sur l’autre bord, ses troupes prennent la fuite, le laissant seul avec une poignée d’hommes. Il est alors blessé à nouveau, renversé de cheval et capturé.

Furieux de sa défaite, il refuse de s’alimenter, déchire ses pansements et meurt le 27 septembre 1259.

Mantoue contrôlée par les Bonacolsi

Le comte de San Bonifacio gouverne Mantoue pendant plus de vingt ans.

En 1274, Pinnamonte Bonacolsi le recteur de Mantoue se fait élire capitaine du peuple avec Ottonello Zenecalli, un noble avec lequel il venait de se réconcilier. Mais il fait assassiner Ottonello avec tant de précautions que les soupçons de la population vont retomber sur les ennemis de Pinnamonte qui est confirmé dans sa magistrature et qui est alors en bonne place pour purger la ville des assassins de son rival. Ce n’est que la troisième année de son gouvernement que Pinnamonte finit par tomber le masque. Le peuple, dessillé, comprend qu’il a été joué. Il prend les armes, conduit par les Casalodi, le 1er novembre 1276. Mais Pinnamonte parvient à prendre le dessus sur la révolte, qui est réprimée dans le sang. Les meneurs et leurs familles sont impitoyablement massacrés et les autres nobles de Mantoue, plus ou moins suspectés de tiédeur, sont contraints à l’exil. Le vieux Sordello est du nombre.

Pinnamonte, qui était guelfe, change d’obédience et devient gibelin. Dans les années suivantes, il persécute les guelfes de Mantoue et il purge progressivement la ville de toutes les familles qui l’avaient aidé dans sa prise de pouvoir, restant le seul maître de Mantoue. Il abdique en 1289 au profit de son fils Taino qu’il avait associé au pouvoir. Dante Alighieri va évoquer le souvenir de Pinnamonte dans son poème de la Divine Comédie, au chapitre de l’enfer (20/95).

Bardelonne, le second fils, jaloux de cette préférence, corrompt, trois ans plus tard, en 1292, les gardes du château et il parvient à s’emparer de son frère et de son père, qu’il fait emprisonner. Puis il se fait reconnaître seigneur de Mantoue. A la recherche d’appuis politiques, il rappelle les nobles guelfes exilés par son père : il en reviendra deux mille. Ce qui lui assure une grande popularité dans la population car il se met désormais à persécuter les seigneurs gibelins, ce qui lui permet de relâcher son frère Taino qui est même associé à son gouvernement.

Les seigneurs gibelins mécontents, conduits par Botecella, le fils de l’un des frères de Bardelonne, qui se fait appuyer par le seigneur de Vérone, réussissent à faire entrer un corps de troupes dans la ville, qui s’empare aussitôt du château et capture Bardelonne, qui est déposé. Bardelonne et Taino, qui a été compromis par le gouvernement de son frère, sont contraints à l’exil à Padoue où le premier va mourir dans une extrême pauvreté, trois ans plus tard.

Botecella Bonacolsi gouverne Mantoue de 1299 jusqu’à son décès en 1308, laissant le pouvoir à son frère, Passerino, qu’il avait déjà associé au pouvoir. Ce dernier s’allie étroitement au parti gibelin, dont il devient le chef en Lombardie, avec Alboin de la Scala, seigneur de Vérone. Botecella meurt en 1310 ou 1311, au moment où l’empereur du Saint Empire, Henri VII de Luxembourg, entre en Italie.

C’est son frère, Passerino, qui lui succède. A son avènement, l’empereur expédie à Mantoue un vicaire impérial qui pratique une politique d’apaisement à l’égard des nobles guelfes exilés. Cette politique déplaît évidemment aux Gibelins. Passerino parvient à soulever les gibelins de la ville et à expulser le vicaire impérial. Henri VII se résout alors à le nommer lui-même, vicaire impérial, car il est en butte à ce moment-là, à l’hostilité des guelfes d’Italie, ce qui permet à Passerino de consolider son pouvoir et même de l’étendre.

En 1312, ayant marché au secours de Modène, attaquée par Bologne, Passerino repousse les Bolonais et se faire élire, le 5 octobre, seigneur de Modène. Cependant, François 1er Pic de la Mirandole suscite en 1318 une sédition populaire et il s’empare de Modène en se faisant élire seigneur de cette ville à la place de Passerino mais il est dans l’obligation de restituer la ville à Passerino par traité, en 1319. Puis, une fois le calme rétabli, Passerino va faire arrêter François de la Mirandole et deux de ses fils et il va les emprisonner dans la tour de Castellero où il les laissera mourir de faim. En 1325, ligué à plusieurs seigneurs des environs, Passerino remporte une grande victoire sur une armée de Bologne.

Après ces deux interventions militaires, le territoire mantouan est pacifié et Passerino Bonacolsi peut gouverner tranquillement son Etat pendant dix-huit ans. Il a la réputation en Italie, d’être un grand capitaine et un habile politique. Mais, au moment où rien ne pouvait le laisser présager, la famille Bonacolsi va tomber par suite de l’imprudence du fils de Passerino, Francesco, qui va injurier gravement le beau-frère de Passerino, Louis de Gonzague, l’un des tout premiers nobles de Mantoue, en la personne de son fils Philippin.

Domenico Morone La cacciata dei Bonacorsi da Mantova Image Web Gallery of Art Palais ducal de Mantoue

Les Gonzague, maîtres de Mantoue

Les Gonzague descendent d’une antique famille de propriétaires terriens, originaires de la zone comprise entre Mantoue et Reggio, les Corradi[ii]. Au XIIème siècle Filippo Corradi est investi (sans doute par mariage) des terres de la famille des comtes de Casalodi, situées à Gonzague, une petite localité près de Mantoue, dont ils vont prendre le nom. Grâce au soutien de la famille Bonacolsi, podestats de Mantoue, les Carrodi de Gonzague accroissent leur fortune puis ils viennent s’établir à Mantoue auprès de leurs protecteurs. Aux alentours de 1200, la famille Carrodi devient propriétaire du château de Marmirolo, aux portes de Mantoue. En 1328, la famille Carrodi est déjà devenue la famille Gonzague.

Philippin, ses frères et Francesco sont des complices de débauche qui n’en sont, sans doute pas, à une incartade près. Une rixe éclate entre Francesco et Philippin (sont-ils ivres ?), dans laquelle Francesco déclare à son compère qu’il se vengera de lui en violant sa femme sous ses yeux. L’injure est terrible et faite devant témoins. Aussitôt Philippin et ses frères, enragés, se ruent chez leur père Louis de Gonzague qui déclare que l’insulte ne peut demeurer impunie (a-t-il à ce moment-là des arrières pensées ?).   Les trois frères vont alors chercher l’appui extérieur du seigneur de Vérone, Cosme della Scala ou Scaliger, mécontent que Passerino lui dispute la préséance du contrôle des gibelins de Lombardie.

Le 16 août 1328, une sédition populaire est organisée par les frères Gonzague. Au bruit de la populace, Passerino s’est rué avec ses gardes sur la place publique. A son arrivé sur la place, il est blessé à la tête par un projectile et son cheval l’emporte en fonçant dans la foule. Le cheval maîtrisé, Passerino est exécuté. Cet évènement déclenche comme un signal, le massacre de tous les membres et partisans de la famille Bonacolsi. Francesco est sorti de son lit et il est conduit avec ses cousins, à la tour de Castellero où ils vont être mis à mort dans d’atroces tortures, infligées par Nicolas Pic de la Mirandole, qui veut se venger la mort de son père et de ses frères. Tous les membres de la famille Bonacolsi sont alors éliminés et leurs partisans exilés, leurs biens confisqués. Une spoliation qui va être à l’origine de la fortune immobilière des Gonzague à Mantoue.

Louis de Gonzague, le père de Philippin s’empare alors du pouvoir et devient seigneur de Mantoue.  Depuis 1328, le pouvoir est resté dans les mains de la famille Gonzague.

Louis 1er de Gonzague

Au moment où il accède au pouvoir, Louis de Gonzague a déjà soixante ans. Il est l’homme le plus influent de Mantoue après les Bonacolsi. Son épouse, Richilda Raimberti, lui a donné trois fils, alors majeurs, Guido (Guy), Filippino (Philippin) et Feltrino, que Louis va associer au gouvernement.

Alliés au seigneur Scaliger de Vérone, ils conquièrent le territoire de Reggio en 1335, par suite du retrait de Jean de Bohême, qui avait tenté de constituer à son profit un royaume guelfe de Lombardie.Jean de Bohême avait conquis au cours des cinq années précédentes, de façon éphémère, les territoires de Brescia, Bergame, Pavie, Verceil, Novare, Parme, Reggio, Modène, Lucques. Mais les guelfes et les gibelins avaient fini par s’allier pour résister à un ennemi commun et ils avaient battu Jean de Bohême, qui s’était retiré d’Italie.

Les amitiés entre petites principautés voisines ne durent que ce que durent leurs intérêts communs. En 1348, Mantoue devient l’alliée de Venise contre le seigneur Scaliger de Vérone, pour freiner les ambitions territoriales de ce dernier. Cette perfidie de la part d’une principauté amie que les Scaligers avaient aidé à de multiples reprises, soulève l’indignation du seigneur de Vérone qui se ligue avec Milan et Ferrare : il entre à Mantoue et dévaste la ville. Mais Philippino de Gonzague, de retour de Naples, se joint aux Taurelli (les anciens maîtres de Ferrare chassés par les marquis d’Este Voir sur ce blog l’article Une grande famille de la Renaissance : les Este de Ferrare) : il surprend si vigoureusement, le 30 septembre 1348, les troupes milanaises qui font le siège de Borgoforte à quinze kms au sud de Mantoue qu’il les met en déroute. Le duc de Milan, allié cette fois aux Taurelli, en froid avec les Gonzague, reviendra dix ans plus tard attaquer Mantoue mais il ne réussira qu’à s’emparer de places sans importance, qu’il sera dans l’obligation d’abandonner plus tard.

En 1354, Louis 1er de Gonzague reçoit la visite de l’empereur Charles IV, fils de Jean de Bohême, qui lui confirme la souveraineté des Gonzague sur Mantoue, Reggio et leurs autres conquêtes territoriales. En 1356 Philippino de Gonzague meurt. Louis 1er lui succède dans la tombe, quatre ans plus tard, à l’âge de quatre-vingt-treize ans, après un règne de vingt-trois ans.

C’est son second fils, Guido, âgé de soixante-dix ans, qui lui succède.  C’est un homme d’un caractère doux et tranquille et religieux observateur de sa parole.  Le troisième frère, Feltrino ne règnera pas. Il s’était fait attribuer le territoire de Reggio, qu’il revendra en 1371 à Barnabé Visconti, seigneur de Milan, alors que la ville a été dévastée et pillée par Nicolas II d’Este, après en avoir détaché les fiefs de Novellara et Bagnolo. Il sera le fondateur de la lignée des Gonzague de Novellara, seigneurs, puis comtes puis ducs.

Guido, trop vieux pour prendre lui-même la responsabilité du gouvernement, confie le pouvoir à son fils Ugolin, qui lui paraissait celui, parmi ses trois fils, le plus digne de confiance. Ce dernier, allié aux troupes pontificales conduites par Galeotto Malatesta, remporte la grande victoire de San Ruffillo, sur Barnabé Visconti en 1361.

Mais rien n’est simple. Les deux frères cadets d’Ugolin, Louis et François, jaloux de leur frère, se liguent contre lui et parviennent à l’assassiner en 1362. Ils réussissent cependant à se faire absoudre de ce crime par le pape Urbain V en 1363 puis par l’empereur Charles IV en 1365. Ils vont gouverner Mantoue de concert, pendant sept ans, jusqu’à la mort de leur père, en 1369.

C’est Louis II de Gonzague, qui succède à son père, comme troisième seigneur de Mantoue. Pendant quelques temps, il associe son frère cadet, François au pouvoir. Mais il le fait assassiner à la suite d’une dispute un peu plus violente que les précédentes. Ce criminel qui avait assassiné ses deux frères tâchera d’en faire oublier le souvenir par une politique de neutralité à l’égard des conflits qui ensanglantent les principautés voisines. Du coup, pendant tout son gouvernement, Mantoue restera stable et par conséquent prospère. Ce seigneur va consolider son pouvoir en s’alliant, en 1356, à Alda, la fille d’Obizon III de Ferrare, qu’il va aimer passionnément et en mariant son fils à une fille de Barnabé Visconti.

François 1er de Gonzague

A sa mort, en octobre 1382, c’est son fils, François 1er de Gonzague, qui lui succède, comme quatrième seigneur de Mantoue, à l’âge de seize ans. Mais il est trop jeune pour gouverner. Le conseil de la seigneurie assure la régence de Mantoue jusqu’en 1388. François de Gonzague a épousé en 1380, Agnès Visconti, la sixième fille de Barnabe Visconti, le seigneur de Milan.

Le coup d’Etat qui permet à Jean Galéas Visconti de détrôner son oncle, Barnabé, en 1385, va exercer, indirectement, une énorme influence sur le gouvernement de François 1er de Gonzague. A la mort de Galéas II co-seigneur de Milan (voir l’article de ce blog sur les ducs de Milan de 1350 à 1535), en 1378, son fils, Jean-Galéas est censé lui succéder. Mais Barnabé Visconti a décidé de changer les règles du jeu. Il confie à Jean Galéas le gouvernement de la partie occidentale du Milanais, et il désigne en 1379, ses fils, Ludovico et Rodolfo, pour lui succéder en qualité de co-seigneurs de Milan à sa mort.

Jean Galéas, écarté injustement du pouvoir par son oncle, décide de faire un coup d’état. A la tête d’une troupe de cinq cents lances (environ deux mille cavaliers lourds), il réussit, le 6 mai 1385, à s’emparer de Barnabé et de ses deux fils, Ludovico et Rodolfo. Puis, il fait assassiner son oncle, dans sa cellule, le 19 décembre 1385, devenant le seul maître de la seigneurie de Milan. Magnanime, il relâchera ses deux cousins.

En qualité d’époux d’Agnès Visconti, François 1er de Gonzague ne dit rien lorsque Jean Galéas Visconti, le cousin germain de son épouse, s’empare du pouvoir à Milan en faisant assassiner son beau-père. D’ailleurs, le seigneur de Milan lui confie une mission honorifique, celle d’accompagner sa fille, Valentine (grand-mère de Louis XII et arrière-grand-mère de François 1er), qui part, le 17 août 1389, épouser le frère du roi Charles VI de France, le futur duc d’Orléans, à Paris. Le seigneur de Mantoue a cependant laissé son épouse accueillir les partisans de son père, exilés par son cousin. Quant à lui, il s’entend plutôt bien avec Jean Galéas Visconti car il lui fournit une aide en soldats pour aider Jean Galéas à venir à bout des seigneurs de Vérone et de Carrare.

A partir de 1391, cependant, l’entente entre les deux hommes va se détériorer. Car, Mantoue est devenu le principal foyer d’exilés de Milan. Ce qui constitue, aux yeux de Jean Galéas, une menace préoccupante. D’autant qu’Agnès, la Dame de Mantoue est la fille de Barnabé. Ne va-t-elle pas tenter de venger son père assassiné ?

Certaines chroniques accusent ainsi Jean Galéas d’avoir ourdi un complot contre Agnès, en avisant Francesco, via l’ambassadeur de Milan à Ferrare, d’un adultère prétendu de son épouse. L’ambassadeur aurait assuré qu’on trouverait des lettres compromettant la princesse. Ces lettres, nous dit la chronique, auraient été placées à l’insu de cette dernière par des espions milanais. Cette affaire paraît cousue de fil blanc. A-t-on voulu trouver une explication au comportement sanguin de Francesco ?

Toujours est-il que le secrétaire d’Agnès est passé à la question. Sous la torture, il avoue tout ce que l’on veut lui faire dire. Et les gardes trouvent effectivement des lettres adressées par Agnès à l’un des réfugiés milanais à Mantoue. Que font ces lettres de la Dame de Mantoue chez le secrétaire de la duchesse ? Ne devraient-elles pas se trouver chez leur destinataire ?

En tout cas, en 1391, Francesco fait pendre le secrétaire et exécuter Agnès Visconti, qui lui avait donné quatre enfants, dont une fille survivante, Alda. La chronique ne raconte pas le sort réservé au réfugié milanais destinataire de ces lettres.

Cette histoire curieuse a une suite : Francesco aurait été avisé, peu après, de la tromperie du seigneur de Milan. Inconsolable de son iniquité à l’égard de son épouse, Il aurait décidé de se venger du seigneur de Milan : il se serait ainsi engagé dans l’alliance de Florence et de Bologne, ennemies jurées de Milan.

Une autre chronique soutient que Jean Galéas serait entré dans le Mantouan sous le prétexte de venger la mort injuste d’Agnès Visconti. Le seigneur de Mantoue aurait alors appelé à l’aide, ses alliés de Florence et Bologne. Toutes les chroniques s’accordent cependant pour dire que Jean Galéas est battu sur terre, le 28 août 1397 par Francesco de Gonzague, aidé de Charles Malatesta, son beau-frère : car Francesco s’est, entre temps, remarié avec Margherita Malatesta en 1393.

Toute cette histoire paraît cependant infiniment suspecte et semble avoir été arrangée après coup pour tenter de réparer, aux yeux de l’histoire, la faute de Francesco, un homme probablement sanguin et fou de jalousie. Car tout finit par s’arranger entre le seigneur de Milan et Francesco Gonzague, les ennemis de la veille, redevenant alliés le lendemain, ce qui ne serait sans doute pas arrivé si réellement Francesco avait subi de la part de Jean Galéas une mystification aussi violente. Le seul argument qui pourrait militer en faveur de cette thèse de l’opération téléguidée depuis Milan est la volonté de Jean Galéas de couper définitivement le seigneur de Mantoue de l’opposition des partisans des Visconti : ces derniers pourraient-ils en conscience, suivre le meurtrier de leur princesse ?

En dehors de cette affaire, le règne de Francesco sera fructueux pour les Mantouans. Car son père, Louis II, a laissé à son fils une seigneurie très prospère, une richesse que Francesco a fait prospérer en encourageant le commerce et en n’hésitant pas à prêter ses propres deniers aux commerçants, fût-ce sans intérêt.

Francesco meurt le 17 mars 1407 à l’âge de quarante-et-un an, après avoir construit plusieurs monastères et achevé le castel San Giorgio.

Jean François de Gonzague (1395-1444), premier marquis et fondateur de la renommée de Mantoue

Jean François de Gonzague est le premier seigneur de transition, moderne, de Mantoue. Il rompt avec la tradition féodale des guerres privées féodales, ruineuse pour ses Etats et pour la population. S’il fait la guerre, c’est désormais en qualité de condottiere, pour gagner de l’argent. De ce fait, son train de vie repose moins sur ses sujets qui peuvent travailler plus librement à s’enrichir. Jean François est également le seigneur qui a introduit à Mantoue la « casa gioconda »,  une école qui va former les meilleures élites européennes et faire de Mantoue un des flambeaux de la renaissance italienne.

Jean François I est le cinquième seigneur de Mantoue. Il succède à son père à l’âge de treize ans en 1407. La régence est assurée par son oncle, Charles Malatesta, sous la protection des Vénitiens.

Sous l’influence de son oncle, qui assure son éducation militaire, le jeune Jean François resserre bientôt ses liens avec les Malatesta en épousant Paola Malatesta le 25 août 1409 à Pesaro.

Puis il poursuit sa formation militaire avec son oncle, en servant comme condottiere, sous les ordres de Charles Malatesta. Cette solide formation militaire va exercer une profonde influence sur le futur marquis qui deviendra l’un des plus grands capitaines condottieres de son temps.

En 1426, la guerre se rallume entre le duc de Milan, Philippe Marie Visconti et la république de Florence. Celle-ci appelle à l’aide. Jean François et le marquis de Ferrare sollicitent la république de Venise qui entre dans la coalition. Jean François de Gonzague commande avec le général Carmagnola l’armée coalisée qui culbute les positions milanaises et qui s’empare de Brescia, forçant le duc de Milan à réclamer la paix.

Dans cette campagne, la rapidité des coups de main reflète davantage le style du jeune seigneur de Mantoue que celui de Carmagnola qui temporise, soucieux avant tout de ne pas tout risquer au hasard d’une seule bataille. Mais la Sérénissime s’impatiente : elle souhaite des résultats et le conseil des dix, particulièrement soupçonneux en vient à penser que Carmagnola, est en contact direct avec les Milanais et que sa lenteur est en réalité une trahison. Son sort est désormais scellé. Carmagnola est invité à se rendre à Venise. Il est aussitôt arrêté et, au terme d’un procès expéditif, condamné à mort (une histoire similaire à celle du condottiere Vitelli avec Florence racontée dans un autre article de ce blog Il faut arrêter Cesar Borgia : la conjuration de Magione).

En 1432, la Sérénissime confie le commandement des troupes à Jean François qui parvient à éviter que les soldats ne cherchent à venger leur chef.  Mais l’exécution de Carmagnola, un procédé deviendra récurrent chez toutes les principautés qui utilisent des condottieres, toujours enclines à penser qu’ils sont trop bien payés, qu’ils n’en font pas assez, qu’ils trahissent, déplaît souverainement au seigneur de Mantoue qui déclare à la Sérénissime, renoncer à son bâton de commandement. Il retourne alors à Mantoue.

On est en 1433 et l’empereur du Saint Empire, Sigismond de Luxembourg, annonce son passage sur le chemin de Rome où il doit se faire couronner empereur par le pape. Jean François sait pertinemment que l’empereur est toujours à court d’argent.  En contrepartie d’une somme de douze mille florins, il obtient de l’empereur son élévation en qualité de marquis de Mantoue, ce qui le positionne au même niveau que la principauté voisine de Ferrare.  Cette nomination permet de légitimer la maison Gonzague qui ne tirait ses droits, jusqu’à présent, que d’une première usurpation. Désormais, Mantoue est reconnue comme une principauté indépendante, soumise au Saint-Empire. L’empereur profite de son passage à Mantoue pour faire signer une promesse de mariage entre Barbara, la fille du marquis de Brandebourg et Louis de Gonzague, le fils aîné du marquis Jean François.

Ce dernier s’est disputé violemment avec son père : il va partir servir le duc de Milan, soulevant l’indignation de son père, qui le déshérite en faveur de son frère Charles. Mais le marquis de Mantoue digère manifestement très mal les mauvais procédés de Venise à l’encontre de Carmagnola. Le temps est venu maintenant de quitter le service de Venise pour celui du duc de Milan.  Jean François se réconciliera avec son fils aîné lorsqu’il abandonnera, lui-même, en 1438, le service des Vénitiens.

Le grand condottiere au service du duc de Milan s’appelle alors Picininno. C’est un tout petit homme mais un combattant d’une force et d’une bravoure exceptionnelles. Le marquis de Mantoue va combattre avec ce condottiere, un autre condottiere entré au service des Vénitiens qui va connaître un destin fulgurant quelques années plus tard : Francesco Sforza.

Lorsque le duc de Milan met fin à la guerre, par la paix de Crémone en 1441, le marquis de Mantoue est contraint d’abandonner aux Vénitiens toutes ses conquêtes mais il ne peut pas réclamer les territoires et les châteaux propres, qui lui ont été enlevés, comme le château de Peschiera sur le lac de Garde.

A sa mort en 1444, le premier marquis de Mantoue laisse quatre fils particulièrement bien instruits en lettres classiques. L’aîné, Louis III lui succède comme marquis de Mantoue.

Un peu avant son avènement comme marquis de Mantoue, Jean François cherche en effet à donner à ses fils une éducation princière comme le font désormais toutes les principautés d’Italie, qui ont bien compris que l’éducation est inséparable de la grandeur.

La « Casa Gioconda » ou maison heureuse

La fondation de la « casa gioconda », une école de formation pour les jeunes nobles, va faire la grandeur et la réputation de Mantoue à l’échelle internationale. Elle doit cette réputation à Victorin de Feltre, son pédagogue.

Vittorino Ramboldini

Vittorino Ramboldini ou Victorin de Feltre[iii], naît en 1378 dans la petite ville de Feltre, à quatre-vingt kilomètres au nord-ouest de Venise, dans la marche Trévisane, au pied des Alpes. Né de parents pauvres, son éducation reste très élémentaire quoiqu’il cherche par tous les moyens à élever le niveau de ses connaissances.

A l’âge de vingt ans, il se rend à Padoue où il subvient tant bien que mal à ses besoins en donnant des leçons de lecture et d’écriture tout en se mettant en rapport avec Jean de Ravenne, un ancien élève de Pétrarque, professeur de rhétorique et d’éloquence à Padoue puis à Florence, qui sera le formateur du Pogge (voir sur ce Blog l’article sur La première renaissance littéraire à Florence : Le Pogge).  Jean de Ravenne, séduit par les capacités intellectuelles du jeune homme, l’aide à suivre ses enseignements et ceux de ses collègues.

Il suit notamment les enseignements de Gasparino Barzizza, l’un des restaurateurs de la bonne et exigeante latinité, de Paolo Nicoletti pour la philosophie et la théologie et de Biaggio Pelacane de Parme, qui enseigne la philosophie et les mathématiques. Pour parvenir à suivre les leçons de mathématiques de ce dernier, qui fait payer très cher ses enseignements, Victorin n’hésite pas à se faire engager comme domestique de l’avare enseignant et il parvient en deux ans à s’approprier tout Euclide et la plupart des livres de mathématiques de son maître, grâce à quoi, il donnera ensuite des cours bon marché à tous les étudiants, qui vont déserter ceux de Pelacane.

Après l’obtention d’un diplôme intermédiaire, il approfondit ses connaissances à l’Université, pour obtenir le grade de docteur. Il se rend à Venise, pour apprendre le grec classique, auprès de Guarino de Vérone, qui devient son ami et qui lui confiera plus tard, l’éducation de son fils, Battista.

Puis il revient à Padoue pour y enseigner la philosophie et la rhétorique. Rapidement, les étudiants lui arrivent en foule et sa réputation de sagesse est telle qu’on vient de tous côtés, le consulter. Il donne les conseils demandés, à titre gratuit lorsque les demandeurs sont peu fortunés. En 1422, l’université lui offre la chaire de rhétorique et de philosophie, devenue vacante. Tenté par la vie monastique il hésite, puis il accepte. Car il a un autre projet personnel, qu’il souhaite mener à bien : il établit dans sa propre maison, une école pour l’instruction des jeunes gens qui se distinguent par leurs talents et leurs dispositions morales. Il n’établit d’autre différence, entre les riches et les pauvres, que de faire payer aux premiers, l’instruction des derniers.

Mais cet homme pieux ne peut s’accommoder du libertinage de ses confrères et de la corruption des mœurs à Padoue. En 1423, il remet sa démission et retourne à Venise, sur l’invitation de la ville, qui lui confie l’enseignement des lettres classiques. Il fonde à Venise la même école qu’il avait commencée à Padoue, prenant notamment comme élève, Battista, le fils de son maître Guarino de Vérone.

Jean François de Gonzague recherche à cette époque, en 1425, un précepteur pour éduquer ses enfants. Victorin lui est recommandé par les patriciens de Venise auquel il s’est adressé. Ce dernier, après bien des hésitations, car il craint que le luxe qui entoure les enfants du marquis ne vienne contrevenir à ses méthodes éducatives, accepte de partir pour Mantoue, bien résolu à s’en aller s’il rencontre des obstacles insurmontables à son projet.

Victorin ne se laisse pas impressionner par le faste qui entoure le marquis. Il lui déclare tout net qu’il entend conserver une liberté entière dans sa façon d’éduquer les enfants et qu’il partira de Mantoue, dès lors qu’il constatera l’impossibilité de mener à bien sa pédagogie. Le marquis lui répond du tac au tac que, confiant dans la réputation du pédagogue, il lui abandonne l’éducation, ne conservant pour lui que l’affection d’un père pour ses enfants. A ces mots, Victorin accepte la mission qui lui est confiée mais il exige d’avoir un total blanc-seing pour éliminer de la proximité des enfants, tout élément de leur entourage qui ne lui conviendrait pas. Victorin qui méprise l’argent, s’en remet à la générosité du marquis, lequel lui accorde la somme de vingt sequins par mois, une somme tout à fait considérable pour l’époque.

Vittorino Ramboldini da feltro Juste de Gand Studiolo Urbino

On aménage pour l’éducation des jeunes princes, une maison de Mantoue, la « Giocosa » ou maison joyeuse. Sa construction est élégante, des jardins agréables, de vastes galeries, des appartements ornés de peintures et de sculptures soignées. Ce local répond parfaitement à l’idée de gymnase pour Victorin (voir à ce sujet l’article de ce Blog L’université de Rome dans tous ses états : du gymnase de Léon X à la Sapienza).

Victorin commence par étudier le terrain. Ce qu’il constate lui déplaît souverainement. La cour dans laquelle les princes gravitent est marquée par le luxe et la mollesse. Les princes sont servis dans de la vaisselle d’or, ils sont entourés d’un essaim de laquais obséquieux et serviles. Un grand nombre de jeunes nobles faisant office de flatteurs vivent dans l’entourage des princes, qui sont habitués à une vie efféminée, passant plusieurs heures par jour à table.

Puis il prend des décisions radicales. Il congédie les serviteurs jugés dangereux ou inutiles, supprime la pompe qui règne partout, réforme la table et il soumet, sans les consulter, les jeunes princes à des occupations régulières. Jean François de Gonzague qui a pu se rendre compte du caractère un peu particulier de son précepteur, a la bonne grâce de le laisser faire, quoi qu’il lui en coûte.

Les deux premiers enfants du marquis sont d’aspect peu avenant. Le premier est replet, lourd et glouton. Le second est grand, osseux, d’une maigreur extrême et particulièrement gauche dans ses mouvements et ses manières. Victorin parvient à combattre, à l’aide de ses méthodes éducatives, les défauts de la nature, en soumettant les jeunes princes à des activités physiques régulières et variées, une grande frugalité, au point qu’ils acquièrent, tous les deux à la fois souplesse et robustesse : il les désignera plus tard avec affection « mon Hector et mon Achille ». Ces exercices corporels sont la natation, l’escrime, l’équitation et la course. La formation des jeunes princes va jusqu’à l’apprentissage des tactiques militaires au point de simuler de petites guerres où l’on fortifie des collines ou des villages et où on livre de vraies petites batailles.

Il habitue ses élèves à supporter les températures extrêmes, le chaud comme le froid et les incite à s’habiller avec des tenues légères en plein hiver. Il leur donne une nourriture simple, fortifiante, sans aucun adjuvant comme le vin, en se soumettant au même régime qu’eux. Un jour que ses élèves se révoltent contre ce régime sec, il leur répond : « Combien nos vues sont différentes ! Vous désirez qu’il ne manque rien à mes repas et moi, je veille à ce que les vôtres ne renferment rien de superflu ».

A l’instar de Pythagore, Victorin considère la corpulence comme un défaut de l’âme. Pour la combattre, il exige que ses élèves se lèvent de bonne heure pour se livrer à des activités physiques, car il considère que rien ne favorise tant l’obésité que la paresse.

Enfin, il veille tout particulièrement à la bonne tenue corporelle et vestimentaire de ses élèves en établissant un lien étroit entre la bonne éducation et le respect de soi et des autres. Il combattait impitoyablement toutes les perversions, considérant que les mauvaises habitudes du corps favorisaient de mauvaises inclinations morales.

L’éducation intellectuelle des princes était aussi poussée que leur éducation physique. Et ses soins, il les apporte avec autant de sollicitude aux petits qu’aux grands, en sachant adapter sa pédagogie à son public. Il s’efforce de rendre son enseignement agréable et amusant afin de prévenir le découragement. Il pense que les plaisirs de l’étude, doivent en faire oublier les peines.

Dans l’enseignement de la lecture, par exemple, il se sert, sur le modèle de Quintilien, de lettres mobiles peintes sur de petites tablettes. Il les montrait à ses élèves pour leur apprendre à les reconnaître puis il les mélangeait avec eux en les combinant, pour leur apprendre à former des mots.

Cet enseignement si soucieux de pédagogie révolutionne ouvertement toutes les théories éducatives de l’époque et il aura une influence déterminante sur des traités comme celui de Battista Guarino «De ordine docendi et studendi », rédigé en 1459 (voir sur ce Blog l’article sur Isabelle d’Este ou l’art d’être femme à la Renaissance »).

Michel de Montaigne, cent cinquante ans plus tard, en France, aura ce jugement abrupt sur les méthodes éducatives couramment pratiquées : « Venez contempler, parents et conducteurs du peuple, comment on instruit vos enfants dans les écoles. Vous ne voyez partout que des maîtres rouges de colère se pour le caractère du maître laissant aller sans retenue aux mouvements de leur humeur, et vous ne cessez d’entendre les clameurs sans fin des enfants que le maître a frappés de sa férule ! Est-ce par ce moyen qu’on entend inspirer aux jeunes gens le goût de l’étude ? Et n’est-il pas possible de les conduire autrement que la mains armée d’une verge ? Ces procédés sont déraisonnables et inhumains ».

Victorin applique beaucoup de soins à étudier le caractère de ses élèves conscient que le bonheur ou le malheur de bien des êtres, dans leur existence future, dépendra plus ou moins, du choix initial de leur vocation. Il enseigne sans gêne ni affectation, de façon familière, sans moyen accessoire (tel que livre ou note), en s’attachant à être compris même des plus faibles. Il aime à faire apprendre par cœur, lorsqu’ils sont compris, des morceaux entiers tirés des poètes, des philosophes ou des orateurs, surtout Virgile, Cicéron et Horace.

Avec un tel zèle et un tel engagement personnel, la réputation de Victorin de Feltre dépasse très rapidement les frontières de Mantoue, d’autant que les premiers à en bénéficier, le marquis Louis III de Mantoue et Frédéric de Montefeltre, le grand condottiere (voir sur ce Blog l’article sur Frédéric de Montefeltre le grand condottiere : les premières armes) répandent partout en Italie, le renom du pédagogue. Il lui arrive désormais des élèves de partout en Europe : de France, notamment, d’Allemagne, mais également de Grèce. Parmi les élèves passés entre ses mains on cite, outre la famille du marquis de Mantoue, Gregorio Correr, Theodoro Gaza, le duc d’Urbino Guidobaldo de Montefeltre et bien d’autres.

Il garde auprès de lui et des jeunes nobles dont l’éducation lui est confiée, les talents les plus remarquables, renvoyant les autres dans une maison voisine qu’il a achetée et fait arranger pour cet usage. Il a recruté des maîtres, payés par lui, pour l’enseignement des sciences et des arts d’agrément. Il eut jusqu’à quatre savants distingués, de Grèce, qui enseignaient ensemble. Un même nombre de copistes sont utilisés pour transcrire, recopier ou traduire en latin des manuscrits grecs. Un auteur contemporain, Francesco de Castiglione dira que « pour le caractère du maître, le nombre des écoliers, la perfection des méthodes, et l’abondance des secours de l’instruction, il semblait que l’académie de Platon se fut renouvelée à Mantoue ».

La sévérité de Victorin est extrême pour tout ce qui concerne le respect dû à la religion, à tel point qu’il ignore alors, la propre règle d’un délai de réflexion, qu’il a lui-même édictée, comme en témoigne le récit par un témoin de l’exemple suivant: « Charles de Gonzague, le fils cadet du marquis, est en train de jouer au ballon en présence de nombreux spectateurs dont son maître, Victorin. Plusieurs fois de suite, le prince a l’humiliation de manquer le ballon. Dans sa colère, revenant pour une fois à ses anciennes habitudes, il profère un blasphème contre les Saints. A ce mot, Victorin se lève furieux et le saisit brutalement par les cheveux en le soffletant. Tu as parlé, lui dit-il, comme un ennemi de Dieu. Tu as maudit ceux qu’il aime.  Tu es indigne de lever les yeux devant ton père, ton maître et tes concitoyens. Ces paroles font l’effet de la foudre sur le jeune homme qui tombe à genoux devant son maître, confessant sa faute et implorant son pardon. Cette humilité soudaine et spontanée de la part d’un jeune homme athlétique, émeuvent Victorin jusqu’aux larmes. Il s’écrie alors en l’embrassant : je remercie Dieu de m’avoir donné un tel élève ».

Le pape Eugène IV, qui a un infini respect pour Victorin de Feltre, permet au chanoine Jacques de Cassanio d’entrer dans l’établissement laïque fondé à Mantoue par le pédagogue, la « casa gioconda », en lui disant : « va mon fils. Je te remets volontiers entre les mains d’un homme qui honore également la science et la religion et dont la droiture et la piété me sont suffisamment démontrées ».

Victorin de Feltre meurt en 1446, à l’âge de soixante-six ans, deux ans après son maître, Jean François de Gonzague.

La décoration du palais ducal par Pisanello

En 1438, le marquis Jean François, qui reste inspiré par le style gothique, demande à Pisanello de lui peindre à fresque, les murs du Castello San Giorgio, le palais ducal. L’artiste va y rester deux ans, de 1438 à 1440. Il est cependant possible que les peintures de la salle du prince soient légèrement plus tardives, Pisanello ayant travaillé à Ferrare jusqu’à 1445.

Pisanello Salle du Prince Palais ducal de Mantoue Le Tournoi Image Web Gallery of Art

Cette fresque, qui représente la bataille de Louvezerp, du « Tristan en prose », est restée inachevée. Une espèce de malédiction a touché la plupart des œuvres à fresque de Pisanello, que ce soit à Mantoue, à Venise, dans la salle du grand conseil, ou bien au château de Pavie, la décoration de l’église de San Giovanni in Laterano, ou encore la chapelle Pellegrini de Saint Anastasia à Vérone. Est-ce le pigment utilisé ? Ou bien est-ce une volonté délibérée ? A Mantoue, d’autres fresques ont subi des dégâts irréparables (voir l’article sur ce Blog sur Isabelle d’Este : l’art d’être femme à la Renaissance) : le palais ducal a servi en effet de caserne des troupes autrichiennes pendant cent cinquante ans !

L’exposition BNF sur le roman arthurien  effectue un intéressant parallèle entre cette œuvre, redécouverte dans les années soixante, et La Tavola ritonda, Compilation arthurienne en dialecte vénitien :

La Tavola Ritonda Compilation arthurienne en dialecte vénitien Vénétie, 1446 Copié par Giuliano degli Anzoli, de Crémone, et illustré de 289 dessins de Bonifacio Bembo Papier, 172 f., 275 x 200 mm Provenance : probablement Gonzague de Mantoue Florence, Biblioteca Nazionale Centrale, Pal. 556 (f. 143 v°-144) Photo GAP , Florence, avec l’agrément du ministère de la Culture italien

Le commentaire de cette illustration de la BNF, nous dit : « On a rapproché les illustrations qui ornent ce manuscrit des fresques réalisées par Pisanello, probablement à la fin des années 1430 ou 1440, pour le palais ducal des Gonzague, à Mantoue. Le thème de ces fresques est sujet à débat : à côté d’une scène de la Quête du Graal, on y voit en effet un tournoi, qui pourrait être le tournoi du Chastel de la Marche, dans le Lancelot en prose, ou celui de Louvezerp, dans le Tristan en prose. Mais, outre les inscriptions, qui donnent les noms de certains chevaliers propres à la Quête du Graal du Tristan en prose, une figure de Maure, dont le dessin préparatoire aujourd’hui conservé au Louvre, oriente définitivement vers la seconde hypothèse : il s’agit sans doute de Palamède, le “bon chevalier sarrazin”, rival amoureux et chevaleresque de Tristan, et qui sera finalement vaincu par celui-ci sous les yeux d’Iseut durant le tournoi.

 

En dernière analyse, il est très probable que Pisanello a suivi le texte de la Compilation de Rusticien de Pise ou du Tristan en prose, dont, suivant l’inventaire de leur bibliothèque dressé en 1407, les Gonzague possédaient plusieurs manuscrits. Plusieurs personnages des fresques (Tristan, Lancelot, Dinadan) seraient d’ailleurs identifiables avec des membres de la famille ducale et de leur entourage. Or, dans les épisodes de la Quête du Graal du Pal. 556, par exemple ici aux feuillets 143 vo-144, Bohort porte comme cimier un soleil, emblème des Gonzague, et sur le caparaçon de son cheval un oiseau (cygne ou pélican) qui évoque son rêve prophétique durant la Quête du Graal et qu’on retrouve sur les fresques de Pisanello ».

Certains commentateurs attribuent la commande au fils de Jean François, Louis III de Gonzague. Mais ceci parait peu vraisemblable car en 1438, Louis III, qui n’est encore que prince de Gonzague, vient d’être déshérité, à la suite de son ralliement au duc de Milan.

Louis III de Mantoue (1414-1478)

Louis III de Mantoue est resté au regard de l’histoire, comme le souverain ayant contribué le plus à la grandeur de la cité-Etat. Il accède à la reconnaissance internationale, grâce à l’organisation d’un concile par le pape, pour décider de la lutte contre les Turcs, qui viennent de s’emparer de Constantinople. Mais, davantage encore que cette reconnaissance politique, c’est, en qualité de mécène que la grandeur de Louis III de Mantoue sera célébrée, grâce au peintre Mantegna.

Il est surnommé « le Turc » en raison des moustaches à la turque, qu’il va populariser et qui sont, pour lui, la parure du militaire. Il est d’ailleurs curieux de constater que les divers tableaux qui le représentent, qui paraissent tous apocryphes, lui donnent un visage glabre : sans doute ces tableaux ont-ils été réalisés à une époque où ne porte plus la moustache à la turque. D’ailleurs, quand le port de la barbe s’impose en France (voir l’article de ce Blog sur le jour des rois à Romorantin), sous l’inspiration de François 1er, de nombreux tableaux italiens ou français vont représenter des hommes barbus. Mais très rares sont les moustachus dans les tableaux du quinzième siècle.

Louis III va avoir l’un des règnes les plus longs de l’histoire de la famille Gonzague, de 1444 à 1478, soit pendant trente-quatre ans.

En 1433, les quatre fils du marquis de Milan et Frédéric de Montefeltre, alors présent à Mantoue à la Casa Gioconda, sont faits chevaliers du Saint Empire par l’empereur Sigismond.

Son père étant au service des Vénitiens, il s’engage également comme condottiere auprès de la Sérénissime en avril 1436. Cette dernière lui fournit un contingent de soldats qui ne lui plaisent pas. Il rompt son engagement et revient à Mantoue, une action qui déstabilise son père, condottiere au service de Venise, qui ne décolère pas contre son fils et qui va même jusqu‘à le déshériter, en faveur de son frère Charles.

Louis fuit alors Mantoue[iv], avec un groupe de dix-sept fidèles et il va se placer au service du duc de Milan, Philippe Marie Visconti, qui lui confie, en février 1437, une compagnie de cent lances auprès du célèbre condottiere Nicolas Piccinino où il retrouve son camarade de la maison heureuse, Frédéric de Montefeltre. Blessé au siège de Barga, il est fait prisonnier puis libéré sur parole par Francesco Sforza, à la condition de ne plus participer aux combats en cours entre Milan et Florence.

Il accompagne le condottiere à Florence puis, en octobre, il épouse Barbara de Brandebourg, la fille du marquis de Brandebourg, l’un des sept princes électeurs de l’empereur du Saint Empire romain germanique. Une telle alliance est infiniment prestigieuse. Il est inconcevable que ce mariage ait pu être organisé sans le concours de son père, le marquis de Mantoue. Les deux hommes se sont sans doute rencontrés à cette époque et, sans doute, le prince Louis III est-il déjà pardonné.

 

 

 

Louis III de Gonzague Marquis de Mantoue Portrait sans doute apocryphe Collection d’Ambras

Barbara de Brandebourg 1422-1481 Collection d’Ambras

Car, dès l’année suivante, on le retrouve au service de Milan, avec son père, qui a quitté les Vénitiens. En avril 1440, sous la pression du duc de Milan, auprès duquel la famille de Barbara de Brandebourg a dû intervenir, la réconciliation avec son père devient officielle et il est rétabli dans tous ses droits et titres sur le marquisat de Mantoue.

En juin 1440, il est défait en plusieurs engagements dans la province de Crémone, par Francesco Sforza, qui poursuit son avantage et vient capturer plusieurs petites localités et châteaux du Mantouan, comme le château de Peschiera sur le lac de Garde, Guidizzolo, Volta Mantovana, Solferino, Castiglione delle Stiviere et Lonato.

Lorsque la paix de Crémone est signée entre les Vénitiens et le duc de Milan, le marquis de Mantoue et son fils sont placés dans l’obligation de rendre les territoires dont ils se sont emparés mais les localités du Mantouan capturées par Francesco Sforza ne sont pas comprises dans l’accord car. Il n’est pas toujours évident de n’être qu’un condottiere lorsque l’on est également un prince souverain. Cependant le duc de Milan compensera ces pertes par l’attribution de terres comparables dans le Milanais.

En 1444, à la mort de son père, il hérite de tous ses droits et titres et devient le deuxième marquis de Mantoue. Sa succession est confirmée en 1445 par l’empereur Frédéric III d’Autriche, roi des Romains, non encore couronné empereur.  La même année, l’investiture des terres ducales de Milan, accordées à son père, lui est confirmée, une cérémonie d’investiture qui se déroule dans la maison de François  Piccinino, le fils du grand condottiere Nicolas.

Ce condottiere, contemporain de Louis III et de son père, l’un des plus grands de l’Italie du quinzième siècle, avec Frédéric de Montefeltre, mérite que l’on s’y attarde un instant.

Nicolas Piccinino (1386-1444)

Le condottiere Nicolas Piccinino[v] est né à Pérouse en 1386. Il s’attache dès sa jeunesse à Braccio de Montone, qui va devenir le seigneur de cette ville. Braccio était le condottiere le plus célèbre de son temps et il va former le jeune Piccinino qui est, en 1417, l’un de ses plus fidèles lieutenants. Chargé d’une mission dans la campagne romaine, il est capturé par Francesco Sforza, puis libéré au bout de quatre mois, Braccio ayant payé sa rançon. Après cette affaire, il va continuer à servir avec beaucoup de valeur ce général mais il va être la cause de sa mort. Au siège d’Aquila, en effet, où Braccio est attaqué par des forces supérieures, du pape et de la reine de Naples, Nicolas, le 2 juin 1424, est chargé de veiller aux portes d’Aquila pour empêcher la sortie des assiégés. Mais lorsqu’il voit son chef acculé sous le nombre, il court à son secours, permettant aux assiégés de fondre sur l’arrière de l’armée, provoquant la déroute des forces de Braccio qui est tué dans l’affaire.

Braccio de Montone seigneur de Perouse Portrait apocryphe 16ème siecle Perouse

Cependant les soldats de Braccio, qui continueront de s’appeler la Milice de Braccio, pour s’opposer à la Milice de Sforza, l’élisent pour chef. Le 1er février 1425, il est au service des Florentins lorsqu’il est surpris à Marradi. Le comte Oddo, fils de Braccio, est tué en combattant vaillamment à ses côtés. Lui-même est capturé et conduit à Faenza. Libéré contre rançon à la fin de l’année 1425, il entre au service du duc de Milan, Philippe-Marie Visconti, auquel il va demeurer attaché jusqu’à la fin de sa vie. Plus heureux avec le duc qu’il ne l’avait été avec les Florentins, il remporte une grande victoire contre le comte de Montefeltre (voir l’article sur ce Blog sur Frédéric de Montefeltre le grand condottiere l’apprentissage du condottiere  et le grand condottiere invaincu), et l’armée florentine, qui assiègent Lucques, le 2 décembre 1430. Dans l’année 1431, il vainc le général Carmagnola  et les Vénitiens à Soncino et à Crémone et, en 1432, il bat à nouveau les Vénitiens dans la Valteline.

A l’époque, les milices de Braccio et Sforza sont les deux grandes compagnies de condottieres, opposées, en Italie, qu’engagent, à prix d’or, les Etats. Mais Sforza veut conquérir une principauté. En 1434, Francesco Sforza tente de conquérir la marche d’Ancône, pour son propre compte. Sans aucun ordre reçu, Piccinino se rue au secours de la province attaquée et empêche Francesco Sforza de parvenir à ses fins. La rivalité entre les deux hommes est extrême.

Rappelé par le duc de Milan, Piccinino bat, près d’Imola, en deux engagements successifs, Gattamelata, général des Vénitiens, puis Nicolas de Tolentino, général des Florentins, capturant plus de six mille hommes. Francesco Sforza qui entre temps s’est placé au service des Florentins le rencontre et parvient à le repousser.

Niccolo Picinino Antonio Maria Crespi Pinacoteca Ambrosiana

Piccinino se venge de cet échec en remportant deux grandes victoires en mars et en septembre 1437, sur l’Adda, contre les Vénitiens, commandés par Jean François de Gonzague, le père de Louis III.

Piccinino s’affirme alors comme le seul général capable de s’opposer à Francesco Sforza, battant systématiquement, toutes les forces qui lui sont opposées.

Le 21 mai 1438, il enlève la ville de Bologne au pape Eugène IV, avec lequel le duc de Milan est alors en paix, puis il fait se révolter toute la Romagne : Imola, Forli, Faenza et Ravenne se soumettent à lui. Il enlève Casal-Maggiore aux Vénitiens et ravage le territoire de Brescia, venant mettre le siège devant cette ville.  Le général vénitien Gatamelata qui a été envoyé contre lui, est battu. Il dévaste alors les territoires de Vérone et de Vicence.

Francesco Sforza, appelé à l’aide par les Vénitiens et ls Florentins, va mettre un coup d’arrêt à la furie du condottiere. Il le surprend le 9 novembre 1439 au château de Ten dans la vallée de Lodrone et il disperse son armée. Piccinino ne parvient à fuir que d’extrême justesse, camouflé dans un sac, grâce à sa petite taille, que porte un paysan, sur ses épaules, à travers toute l’armée ennemie, qui le cherche activement.

François Sforza presse alors le siège du château de Ten,  pensant y capturer son ennemi, lorsqu’il apprend que, ayant regroupé quelques forces, ce dernier a escaladé les murs de Vérone, dont il s’est rendu maître, à l’exception d’une forteresse, restée entre les mains des Vénitiens.  Le 20 novembre, Francesco Sforza est passé à l’attaque de Vérone, dont il expulse Piccinino et ses hommes.

Piccinino a confié le siège de Brescia au marquis de Mantoue, lorsqu’en 1440, le duc de Milan le rappelle pour envahir la Toscane. Il est battu le 29 juin à Anghiari, par les troupes florentines, une bataille qui sera immortalisée par le pinceau de Léonard de Vinci. Ses soldats, dépouillés de leurs armes, reviennent à Milan suivant piteusement leur maître à pied. Le duc de Milan va épuiser son trésor, pour rééquiper complètement son condottiere qui envahit de nouveau la Lombardie avec une cavalerie de huit mille chevaux et trois mille fantassins.

Bataille d'Anghiari en 1440 contre Milan Carton de Rubens d'après un dessin de Léonard de Vinci Le Louvre Département des Arts graphiques NV 20271 Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

Bataille d’Anghiari en 1440 contre Milan Carton de Rubens d’après un dessin de Léonard de Vinci Le Louvre Département des Arts graphiques NV 20271 Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

En peu de temps, il s’empare de toutes les forteresses des territoires de Brescia et de Bergame. Il va discuter secrètement avec le duc de Milan, pour se faire investir de la souveraineté sur la ville de Plaisance. Mais la paix arrive trop tôt, en 1441 et le condottiere se trouve débouté de ses espérances, bien qu’il ait été, officiellement, adopté dans la maison Visconti. Il va alors rencontrer son ennemi de toujours, Francesco Sforza, qu’il tient en haute estime.

North Italian, 15th century Francesco Sforza, probably c. 1480/1500 Oil on panel, 72.4 x 62.1 cm (28 1/2 x 24 7/16 in.) National Gallery of Art, Washington, DC, Widener Collection Image courtesy of the Board of Trustees, National Gallery of Art

North Italian, 15th century
Francesco Sforza, probably c. 1480/1500
Oil on panel, 72.4 x 62.1 cm (28 1/2 x 24 7/16 in.)
National Gallery of Art, Washington, DC, Widener Collection
Image courtesy of the Board of Trustees, National Gallery of Art

Mais le duc, qui n’a pas de fils et qui reçoit de la part de plusieurs autres de ses généraux, des demandes similaires, préfère traiter avec son ennemi, Francesco Sforza, auquel il offre la main de sa fille naturelle, Bianca, avec deux villes en dot. Mais le duc cherche également à rabaisser le grand condottiere, qui a fini par s’emparer de la marche d’Ancône. La guerre se rallume, en 1442 : il confie à Piccinino la mission de réduire Francesco Sforza. Piccinino qui est toujours maître de Bologne, depuis 1438, se rend dans cette ville puis il fonce sur la marche d’Ancône où il enlève la ville de Todi.  Il entre ensuite dans Assise, le 30 novembre, en passant par un aqueduc et il livre cette ville au pillage. L’année suivante, il étend ses conquêtes dans la Marche, secondé par le roi de Naples et d’Aragon, Alphonse, qui l’adopte dans la famille d’Aragon et l’autorise à porter les armes des rois d’Aragon.

Mais le destin de Piccinino était de mourir pauvre.

Le 5 juin 1443, Bologne se révolte contre lui, peut-être manipulée en sous-main par Francesco Sforza et son fils François y est fait prisonnier. Le huit novembre 1443, une rencontre décisive entre les deux condottieres, se déroule à Monteloro, près de Rimini, au cours de laquelle l’armée de Piccinino est mise en déroute par son meilleur ennemi. Il laisse à son fils qu’il a racheté aux Bolonais, le soin de reconstituer ses forces et retrouve à Milan, le duc qui l’a fait rappeler.

Il y apprend que cette seconde armée, commandée par son fils a été complètement détruite près de Fermo, par Francesco Sforza. Son fils François a été à nouveau fait prisonnier. Frappé de cette série de revers, il tombe malade et meurt peu après, le 15 octobre 1444, l’année même où le marquis de Mantoue Jean François, cède la main à son fils, Louis III.

Louis III : Un prince éclairé

En 1447, Louis III a quitté le service du duc de Milan, qui est en paix avec Venise : il signe une nouvelle condotta avec les Vénitiens du doge Francesco Foscari, qui lui offrent de commander quatre cents lances et trois cents fantassins, en temps de guerre comme de paix.  Il ne joint cependant les Vénitiens que l’année suivante quand ces derniers envahissent le Milanais après la mort du dernier des Visconti. Son frère Charles, que l’on a évoqué brièvement à propos de Victorin de Feltre, a rejoint Francesco Sforza, en 1450.

Les deux frères se haïssent l’un l’autre et vont passer leur vie entière à se combattre. Il suffit que l’un soit dans un camp pour que l’autre adopte le camp adverse. Est-ce la nomination de Charles comme héritier de son père qui est à l’origine de cette haine violente, définitive ? Ils ne seront fidèles, jusqu’à la mort de Charles, en 1456, qu’à leur haine mutuelle.

En 1450, Francesco Sforza a mis fin à l’éphémère république Ambrosienne et il est parvenu à rétablir l’unité du duché en s’imposant, grâce à son union avec la dernière des Visconti, comme le nouveau duc de Milan. En 1453, Charles entre dans le Mantouan, à la tête d’une force de trois mille hommes, bien décidé à conquérir des terres qu’il réclame en vain à son frère. Les deux frères se rencontrent le 15 juin et, après un combat de cinq heures, Charles est contraint de fuir. Mais le duc de Milan oblige le marquis à lui rendre ces mêmes terres en 1454.

Charles meurt le 19 décembre 1456. Il s’est marié à deux reprises. Son premier mariage avec Lucie d’Este, fille du marquis de Ferrare, Nicolas III, est resté stérile. De son deuxième mariage avec Ringarda Manfredi, il a quatre enfants dont un fils Uggolotto. Ce dernier va mourir en bas âge de sorte que les biens de Charles vont revenir au marquis de Mantoue, Louis III.

Ce dernier est parvenu à s’imposer comme un grand général condottiere. Ses contrats de condotta, de plus en plus rémunérateurs, lui permettent de tenir une cour brillante, attirant artistes et poètes.

En 1450, Louis fait venir le célèbre sculpteur, Donatello, à Mantoue. Il va y réaliser le buste en bronze de Louis III, aujourd’hui à Berlin.

Louis III de Mantoue Donatello Buste en bronze Skulpturengalerie (Stiftung Preussischer Kulturbesitz) Berlin Image © Dr. Ronald V. Wiedenhoeft

Louis III de Mantoue Donatello Buste en bronze Skulpturengalerie (Stiftung Preussischer Kulturbesitz) Berlin Image © Dr. Ronald V. Wiedenhoeft

Mais en 1459, se produit un événement important qui va faire connaître Mantoue aux quatre coins du monde. Le pape Pie II convoque un concile, qui va se dérouler de 1459 à 1460, pour la défense de la Chrétienté contre les Turcs qui viennent de s’emparer de Constantinople. Dans cette réunion brillante où arrivent des représentants de toute la Chrétienté, on adopte les résolutions les plus généreuses mais aucune n’est mise à exécution.

Le pape arrive à Mantoue à la fin mai 1459. Il va y rester jusqu’à la fin janvier 1460. Pendant près de huit mois, le marquis de Mantoue va prêter ses palais et sa cour au pontife, qui repartira enchanté de l’accueil qu’il a reçu. Le concile de Mantoue, après lequel le pape Pie II va nommer son fils Francesco, cardinal, lors du consistoire de 1461. Ce concile va exercer une influence déterminante sur la vie du marquis de Mantoue. C’est à partir de cette date qu’il va consacrer une bonne partie de son temps à encourager des œuvres artistiques destinées à magnifier les Gonzague.

Pinturicchio Le pape Pie II au concile de Mantoue Museo del Opera del Duomo Sienne Image Web Gallery of Art

Pinturicchio Le pape Pie II au concile de Mantoue Museo del Opera del Duomo Sienne Image Web Gallery of Art

Le marquis de Mantoue va recevoir également la visite de l’empereur Frédéric III, à l’occasion de son déplacement à Ferrare en 1469 et celle du roi du Danemark et de Norvège, Christian I, en 1474, qui le fait chevalier de l’ordre danois de l’éléphant.

C’est à Mantoue qu’a lieu la première représentation, en 1471, de l’Orfeo, du Politien (voir l’article de ce Blog La naissance de Venus et le Printemps de Botticelli, entre épicurisme et néoplatonisme), « qui substitue aux vieux spectacles d’église, un divertissement profane de beauté, remplaçant par de belles odes saphiques, les litanies des mystères » nous dit André Blum dans sa Biographie critique de Mantegna[vi].

En avril 1478, l’empereur, à Graz, lui redonne en pleine possession, les localités disputées par les ducs de Milan, emportées par Francesco Sforza en 1438, de Cocoon, Dosolo, Gazzuolo, Isola Dovarese, Pomponesco, Rivarolo Mantovano, Sabbioneta, San Martino dall’Argine et Viadana.

Le marquis a choisi d’exercer le métier de condottiere. Il a compris qu’il n’a aucun intérêt à faire participer sa principauté aux conflits territoriaux à répétition de ses voisins immédiats. Il va donc, à partir des années 1460, peser sur la politique italienne, essentiellement par voie diplomatique, sur le modèle de son voisin de Ferrare, Borso d’Este (voir sur ce Blog Une grande famille de la Renaissance : les Este de Ferrare). Cette politique va être sanctionnée par l’attribution, par le pape, en 1477, de la Rose d’or. La Rose d’or a été attribuée huit fois au quinzième siècle, cinq fois à des rois et trois à des Italiens dont deux capitaines des troupes pontificales (Ranuce Farnese en 1434 et Frédéric de Montefeltre, duc d’Urbin, en 1474) et Louis III de Mantoue. C’est dire l’estime dans laquelle est tenu le célèbre marquis.

Louis III a formé à Mantoue des troupes d’élite, réputées parmi les plus belliqueuses d’Europe, qu’il prête au service de l’un ou l’autre de ses voisins, de Venise ou Milan, grâce auxquelles ses ressources de condotta (quarante-sept mille ducats en 1450 pour la seule condotta avec Milan, contre quarante-cinq mille pour la totalité des ressources de son marquisat) lui permettent d’entretenir une cour brillante sans peser sur les finances de ses sujets.

La gloire des Gonzague : les œuvres de mécénat artistique

C’est ainsi qu’il peut attirer à Mantoue des artistes célèbres comme Alberti, le théoricien de l’architecture du nouveau style (voir sur ce Blog l’article Léon Battista Alberti, le théoricien de génie), qui réalise deux églises à Mantoue, San Sebastiano, à partir de 1460 et San’Andrea dont il débute la construction en 1472.

Cette dernière église, emblématique du style d’Alberti sera reprise à de nombreuses reprises au cours des trois siècles qui suivront, mais en restant toujours fidèle au plan d’Alberti. « L’église est considérée comme la plus typique du style d’Alberti. Elle est composée d’une nef unique de 103m de long sur 19m de large et 28m de haut, elle est couverte d’une voûte en tonneau, construite entre 1490 et 1495. La voute est en faux caissons. La décoration ainsi que celle des parois, représente des scènes bibliques en monochrome et des histoires évangéliques et fut réalisée entre 1785 et 1791 par des peintres locaux, guidés par le peintre véronais, Paolo Pozzo. La chapelle la plus connue de la Basilique est la première à gauche en entrant. Vouée à S. Jean Baptiste, elle est mondialement connue car elle contient le tombeau de Mantegna qui déjà en 1504 soit deux ans avant sa mort, exprima le désir d’y être enseveli. Sur une dalle il est écrit que “les os de l’artiste ont été déposés avec ceux de ses deux fils » dans le sépulcre construit par son petit-fils Andrea. Le buste en bronze de l’artiste fut attribué à Gianmarco Cavalli », nous dit le site du Guide touristique de Mantoue .

Mantoue Basilique Saint André Image Site guideturistichemantova.it Chapelle de Mantegna

Mantoue Basilique Saint André Image Site guideturistichemantova.it Chapelle de Mantegna

Mais le sommet de l’art sera atteint dans la salle que l’on appelle aujourd’hui la chambre des Epoux (degli Sposi), du Palazzo Ducale au Castello San Giorgio, qui s’est appelée grande chambre jusqu’en 1462, puis grande et peinte, en 1475, puis simplement peinte (camera picta) à partir de 1492[vii]. Des études récentes montrent que la chambre n’a guère pu être utilisée comme chambre à coucher.

Vue de Mantoue de nuit Image du Guide Touristique de Mantoue

Vue de Mantoue de nuit Image du Guide Touristique de Mantoue

Son auteur, Andrea Mantegna, en a réalisé la décoration de 1465 jusqu’en 1474, à la demande de Ludovic Gonzague. Louis III s’est rapproché de Mantegna dès le 5 janvier 1457 mais le peintre, occupé à la réalisation du triptyque de San Zeno à Vérone, décline l’invitation. Louis se tourne alors vers un peintre ferrarais Michele Pannonio, marqué par le style gothique tardif. Mais ce dernier, occupé, ne peut donner suite. Finalement, en 1459, Andrea Mantegna s’engage à venir travailler à Mantoue auprès du marquis.

Castello San Giorgio à Mantoue Site Guide touristique de Mantoue

Castello San Giorgio à Mantoue Site Guide touristique de Mantoue

Dès 1459, Louis III interroge Mantegna sur ses projets décoratifs, car il pense à l’utiliser pour ses résidences de Goïto, de Cavriano, de Saviola, de Gonzaga et de Marmirolo. Il est probable que Mantegna ait commencé par la villa (aujourd’hui disparue) de Goïto, qui est à l’époque la résidence favorite de Louis III, où il mourra de la peste en 1478. Une de ses premières œuvres pour les Gonzague, est probablement la décoration de la chapelle du Castello Vecchio et c’est sans doute à ce travail, que se rapporte le célèbre triptyque de l’Adoration des Mages, l’Ascension et la Circoncision, aujourd’hui au Musée des Offices, à Florence. C’est sans doute vers la même époque, qu’il réalise le tableau de la mort de la Vierge, qui sera revendu en 1627 au roi Charles 1er d’Angleterre, après la mort duquel, le tableau sera acheté par l’ambassadeur d’Espagne, raison pour laquelle, le tableau fait aujourd’hui partie de la collection du musée du Prado, à Madrid.

L'adoration des Mages Triptyque de Mantegna Image Web Gallery of Art Musee des Offices Florence

L’adoration des Mages Triptyque de Mantegna Image Web Gallery of Art Musee des Offices Florence

Andrea Mantegna La mort de la vierge Musée du Prado Madrid Image de l'exposition Mantegna au Louvre

Andrea Mantegna La mort de la vierge Musée du Prado Madrid Image de l’exposition Mantegna au Louvre

Le marquis souhaite utiliser son peintre de cour officiel, depuis 1459, a sa représentation, en majesté, par la décoration de sa forteresse à tours carrées de Castello di Corte, qui plonge ses murs dans les eaux du Mincio. On ne sait pas précisément à quelle date le travail est commencé : on pense qu’il doit l’être vers 1465. En revanche, pour la date de fin, une inscription du tympan de la porte du milieu, note l’année 1474.

André Blum dans sa Biographie critique de Mantegna, nous offre une description des peintures de Mantegna : « Mantegna cherche pour Mantoue, l’idée d’une peinture décorative, telle, qu’elle puisse donner l’illusion de la réalité à un spectateur, en quelque endroit qu’il soit placé, en utilisant le procédé du trompe-l’œil. Mais la nouveauté du procédé consiste, pour le peintre des fresques de Mantoue, ayant à composer une série de portraits dans le cadre restreint d’une chambre, au lieu de les peindre isolément, de leur donner tant de mouvement, qu’il réussit, pour ainsi dire, à les faire sortir des limites des murs de la pièce.

Andrea Mantegna La chambre des poux Vue d'Ensemble Image Web Gallery of Art

Andrea Mantegna La chambre des Epoux Vue d’Ensemble Image Web Gallery of Art

 

La Camera degli sposi est une chambre quadrangulaire, éclairée par deux fenêtres, à l’est et à l’ouest. Pour la décoration du plafond, Mantegna emploie un système d’architecture à arcades, dont les retombées forment autant de cadres pour les scènes de chaque paroi des murailles. Dans le haut, une série de voussures ornementales en trompe-l’œil, simulant le bas-relief, reposent sur des pilastres qui imitent le marbre. Elles représentent les premiers Césars. (…) En dessous, douze petites lunettes sont décorées de peintures en camaïeu  représentant des épisodes des travaux d’Hercule et de la vie d’Orphée. (…) Au milieu du plafond, une ouverture circulaire, formant coupole, bordée par une balustrade de marbre, montre le ciel où glissent des nuages. (…) Dans ce plafond, Mantegna est un précurseur qui annonce déjà les fresques du palais Labbia de Tiepolo et les décorations de Parme du Corrège.

Andrea Mantegna Chambre des Epoux Oculus Image Web Gallery of Art Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio

Andrea Mantegna Chambre des Epoux Oculus Image Web Gallery of Art Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio

 

Le Correge 1489-1534 La montee du Christ au Paradis (1520-1523) Eglise San-Giovanni Evangelista Parme

Le Correge 1489-1534 La montée du Christ au Paradis (1520-1523) Eglise San-Giovanni Evangélista Parme

TIEPOLO Giovanni Battista 1696-1770 Bellérophon et Pégase Venise Palazzo Labia

TIEPOLO Giovanni Battista 1696-1770 Bellérophon et Pégase Venise Palazzo Labia

La paroi nord, nous montre le marquis Ludovic Gonzague et sa famille. Sur la muraille, l’artiste a peint une riche portière qui a l’air d’un rideau de théâtre. C’est ainsi que, par un habile arrangement, la cheminée lui sert d’entablement pour un pilier central qui divise la fresque en deux compartiments : la fresque est un tableau de la famille seigneuriale des Gonzague. Au centre est assise la marquise Barbara, entourée de ses enfants, derrière elle, son fils, Jean François, né en 1446, devant elle, une jeune fille essaie d’attirer son attention en lui présentant une pomme. Mais la marquise regarde avec curiosité son mari auquel on vient de remettre une lettre. A la gauche du marquis, il y a Frédéric, les mains posées sur les épaules de Louis, le plus jeune fils du marquis. Entre Frédéric et Jean François, un vieillard, que l’on a identifié avec l’astrologue de la famille.

 

Andrea Mantegna Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio Chambre des Epoux La cour avec serviteurs

Andrea Mantegna Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio Chambre des Epoux La cour avec serviteurs Image Web Gallery of Art 

Andrea Mantegna Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio Chambre des Epoux La cour Détail

Andrea Mantegna Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio Chambre des Epoux La cour Détail Image Web Gallery of Art

Dans cet ensemble de portraits de la famille, il y a un personnage qui ne figure pas : c’est le second fils du marquis, le cardinal François. Mantegna lui a consacré la paroi des fresques en face du lac : la rencontre du marquis Ludovic et du cardinal Francesco Gonzague. Le sujet représenté est l’arrivée du cardinal François chez son père, à Mantoue, le 12 août 1462.

Andrea Mantegna Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio Chambre des Epoux La rencontre avec escorte Image Web Gallery of Art

Andrea Mantegna Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio Chambre des Epoux La rencontre avec escorte Image Web Gallery of Art

 

Le marquis s’avance au-devant de son fils, emmenant avec lui ses deux petits-fils, François, né en 1466 et Sigismond, né en 1469. Le cardinal François se tient devant lui dans une attitude pleine de gravité. Il donne la main à son frère Louis ».

Andrea Mantegna Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio Chambre des Epoux La rencontre Image Web Gallery of Art

Andrea Mantegna Palais ducal de Mantoue Castello San Giorgio Chambre des Epoux La rencontre Image Web Gallery of Art

 

Le trio du cardinal est formé des membres des Gonzague destinés à l’église. « Cette disposition complexe permet de montrer, par le jeu des mains, la continuité du destin religieux de la famille, tout en mettant face à leurs pères respectifs, leurs fils », nous dit Daniel Arasse dans son article déjà cité.  Le paysage à l’arrière, se développe « de gauche à droite, depuis des citadelles en cours de fortification jusqu’au panorama d’une ville humaniste où se perçoivent de forts échos romains » (Daniel Arasse).

Mantegna a su réussir la gageure de mettre en scène toute une famille, sans que leur réunion ne paraisse artificielle. Mantegna a su décrire une individualité propre à chaque personnage, tout en les faisant participer à une action commune, comme saisie sur le vif.

L’interprétation des fresques de Mantegna de la Camera degli Sposi

Un texte littéraire a-t-il servi de fil conducteur pour régler l’inspiration de Mantegna ?

Le remarquable article de Daniel Arasse de la revue Persée en note VII,  « L’art et l’illustration du pouvoir » précise que l’ensemble des deux scènes se «déroule» sous l’œil des «serviteurs» rassemblés dans l’oculus central de la voûte et dont la présence est sans doute expliquée par la source textuelle antique du programme de la salle, le Panégyrique de Trajan, où Pline déclare: «La grande fortune a cela de particulier qu’elle ne laisse rien de caché, rien de secret; elle ouvre non seulement les demeures des princes, mais même leurs appartements et leurs intimes retraites; elle exhibe et expose aux yeux de la renommée tous les arcanes. Mais, pour toi, César, rien ne peut servir plus ta gloire que d’être vu jusqu’au fond. Sans doute ce que tu montres au public est-il remarquable, mais ce que tu renfermes dans tes murs ne l’est pas moins»[viii].

Examinons d’abord le sens de cette représentation en laissant la parole à Daniel Arasse.

L’auteur nous apprend d’abord « que le programme pictural a été élaboré en deux temps, de 1465 à 1474 : ili ne prévoyait sans doute initialement que la scène de La Cour. La Camera picta ne trouve son unité qu’à travers le réemploi de cette première structure. Mais, du même coup, ce réemploi marque l’appropriation par le Prince d’un système allégorique de représentation du Pouvoir.

« Juxtaposant en sa partie centrale les figures immobiles et hiérarchiquement disposées de la famille princière, la Cour est une allégorie du bon gouvernement en son principe, le pouvoir du prince, qui ne s’anime qu’en ses marges – intime du conseiller, publique des consultants; mettant en scène un prince descendu de cheval devant un paysage rythmé d’architectures civiles et militaires, La Rencontre connote le parcours assuré d’un territoire et représente allégoriquement les effets d’un bon gouvernement.

 

Les personnages représentés sont bien identifiables comme Ludovic III Gonzague, sa femme Barbara de Brandebourg, ses enfants et ses familiers, mais il s’agit de beaucoup plus que de portraiture ou, pour mieux dire, il s’agit fondamentalement d’autre chose. Ainsi investis par une structure allégorique, le Prince et sa famille ne sont pas seulement héroïsés, ils incarnent les Principes mêmes du Bon Gouvernement et le dispositif réemployé dans la Camera picta réduit d’un coup la distance (infinie) qui séparait le Principe et le Gouvernement. L’impact informatif de la structure représentative fait, très simplement mais très efficacement, que le Prince est assimilé, en sa présence concrète, à l’entité dont il n’aurait pu être auparavant, stricto sensu, que le représentant ».

L’auteur de l’article fait cependant remarquer que l’explication d’une interprétation par le Panégyrique de Trajan, de Pline, est juste, jusqu’à un certain point.

Quel est le sens particulier de ce murmure entre Louis de Gonzague et son conseiller ?

D’autre part, «l’approche iconographique n’explique pas pourquoi les quatre murs de la salle sont décorés de deux scènes seulement, les deux autres murs étant comme cachés par des tentures peintes qui, sur les deux premières parois, sont soulevées pour révéler les «scènes»».

Voilà une question intéressante. L’œuvre aurait-elle un sens caché ?

L’auteur commence tout d’abord par observer que «l’absence de décor figuré ne signifie, par ailleurs, nullement l’absence de peinture : l’enduit qui recouvre l’appareil du mur est également peint à fresque et les tentures fictives qui s’y inscrivent jouent pleinement leur rôle de sens dans l’économie signifiante de l’ensemble. Alors que, sur les deux autres murs, ces tentures mêmes fictives sont relevées pour laisser voir les scènes représentées, elles sont ici abaissées; ce qui est peint sur ces deux murs n’est ni plus ni moins qu’une visibilité impossible, interdite : le caché du Prince, ce qui n’est pas l’objet d’une exposition au regard dans la représentation de son pouvoir ou, pour le dire plus précisément, n’est exposé à ce regard que sous l’espèce d’une non-visibilité ».

On peut donc en conclure que c’est volontairement que deux murs seulement ont été peints.

« Or, on l’a vu, le thème iconographique suggéré par l’oculus central de la voûte pose au contraire la nécessaire visibilité absolue du Prince, jusqu’en ses cubicula ».

Ce qui veut dire que même si le spectateur ne peut rien voir par-delà les rideaux baissés, le prince, lui, voit tout. Il ne s’agit donc pas d’une illustration, à la lettre, du texte de Pline. D’autre part, « le caché du prince », fait nécessairement partie du sens de l’œuvre, puisqu’il est visible à partir de l’oculus.

D’où l’interprétation finale de l’œuvre : « Ce que ces tentures énoncent, en leur fonction de voile, c’est qu’il existe un caché manifeste du Prince; son secret, qui fonde son Bon Gouvernement. La Cour énonce le même Principe : tenant à la main un billet (illisible pour le spectateur), le Prince, seule figure animée du groupe familial, se détourne de l’espace public vers son conseiller qui se penche vers lui et, à la marge de l’image, les deux figures se livrent à une communication d’autant plus inaudible qu’elle se déroule bouches fermées. Incarné dans la personne du Prince, le Bon Gouvernement se donne désormais à voir aussi sous l’espèce d’un secret devenu principe vertueux du Prince. »

Ce qui permet à l’auteur de conclure : « Les deux murs «non figurés» de la Chambre des Époux contribuent ainsi à articuler plus complètement les contenus qui sont implicites dans l’appropriation par le prince du système allégorique d’autoreprésentation du pouvoir; incarnant en sa personne les Principes de ce gouvernement, le Prince est, en toute légitimité et malgré ce que suggère un première lecture du Panégyrique, investi d’un droit au secret, souvenir-déplacement-réélaboration de cette invisibilité qui définissait jadis l’autorité morale des Vertus qui ne se donnaient à voir qu’à travers leurs «représentants». La personnalisation des Principes du Bon gouvernement dans la personne du Prince entraîne avec elle une moralisation du secret d’État, droit et fondement du bon gouvernement. »

__________________________________________

[i] Voir à ce sujet la Biographie universelle ou Dictionnaire historique par une société de gens de lettres. Tome V Paris 1861. Voir également le Dictionnaire de la conversation et de la lecture: Supplément, Volume 3 et le livre “L‘art de vérifier les dates des faits historiques, des chartes …, Volume 3” 1787. Livre Google Book que l’on peut trouver également sur le site Gallica-BNF. Articles Gonzague Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes…. Tome 17 page 159. Goadby-Gryphius / publ. sous la dir. de M. Michaud ; ouvrage réd. par une société de gens de lettres et de savants sous la direction de Michaud, Louis-Gabriel (1773-1858). Directeur de publication  Bibliothèque nationale de France, 4-G-3050. Pour les recherches sur la famille Bonacolsi ou Bonacossi, Histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes…. Tome  4 page 656. Dossier Mantoue et Sabbioneta : Proposition d’Inscription à la Liste des Biens Culturels et Naturels du Patrimoine Mondial de l’UNESCO Nomination Italie 2007, pages 88 et suivantes.

[ii] Voir à ce sujet l’article sur les Corradi Gonzague sur Wikipedia.it.

[iii] Les éléments sur la biographie de Victorin de Feltre sont issus de deux ouvrages :  l’Histoire universelle de la pédagogie renfermant les systèmes d’éducation  par Jules Paroz, pages 79 et suivantes.  et La Bibliothèque britannique, ou, Recueil extrait des ouvrages …, Volume 54.

 [iv] Sur la vie de Louis III de Gonzague on pourra également citer le site en  italien Condottieres d’aventure , qui ne cite pas ses sources.

[v] Sur la vie de Nicolas Piccinino, tout ce qui suit est extrait de la Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes…. réalisée par Michaud, Tome 33 page 186 et suivantes .

[vi] André Blum, Biographie critique de Mantegna page 48, Henri Laurens éditeur. Librairie Renouard.

[vii] Article L’art et l’illustration du pouvoir de Daniel Arasse Persée Publications de l’École française de Rome  Année 1985  Volume 82  Numéro 1  pp. 231-244, note de bas de page 238.

[viii] Note 15 de l’article de Daniel Arasse : Pline le Jeune, Panégyrique de Trajan, 83, trad. Marcel Durry, Paris, 1947, p. 83. C’est G. Mulazzani qui a identifié la source littéraire de la Chambre des époux : La fonte letteraria della Camera degli Sposi, dans Arte lombarda, 50, 1978, p. 33-46. On trouvera sur le  site Mediterranées.net le texte entier du Panégyrique de Trajan.

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Catégorie(s) : Condottieres, Gonzague, Italie, LE CAPITAINE RODOMONTE, Les Personnages, Mantoue Étiqueté : Gonzague

Commentaires

  1. metoyer a écrit

    5 janvier 2017 at 17 h 31 min

    bonjour Mr je cherche des info sur la famille pafarin qui aurait gouverne la ville de mantoue avant les gonzague et qui aurait ete cousin avec ces derniers ,merci d’avance cordialement

    Répondre
    • GRATIEN a écrit

      5 janvier 2017 at 18 h 31 min

      Bonjour, Je suis désolé mais je ne trouve aucune référence à une famille Pafarin : il s’agit sans doute d’une forme francisée. En italien, cela peut donner passarini, passerini, pafarini,
      Il y a un Passerino qui a été seigneur de Mantoue, mais c’était un Bonacolsi. A Mantoue, avant les Bonacolsi (en 1270), il y a eu plusieurs seigneurs épisodiques dont l’histoire n’a pas conservé le nom et avant cela, il y a eu la comtesse Mathilde avec son ascendance jusqu’aux premiers comtes de Toscane nommés par Charlemagne. Donc s’il y a eu un Pafarin, ce serait entre la comtesse Mathilde et le premier Bonacolsi. Mais je crois davantage à la déformation francisée d’un nom italien qu’il s’agit de retrouver. Il y a un historien majeur qui a fondé véritablement la science historique au 18ème siècle en Italie (je crois me souvenir, à moins que je ne me trompe, qu’il était le bibliothécaire soit de la Bibliothèque Ambrosienne à Milan, soit de la bibliothèque Laurentienne à Florence. Il a fait quantité de recherches sur tous les thèmes connus. Je vais essayer de retrouver son nom. De votre côté, essayez d’en savoir davantage sur le nom exact que vous recherchez
      Bien cordialement
      Gratien/Philippe Gendre

      Répondre
    • GRATIEN a écrit

      5 janvier 2017 at 18 h 59 min

      Re Bonsoir L’historien que je recherchais est Ludovico Antonio Muratori (1672-1750), préfet de la bibliothèque Ambrosienne à Milan. Selon ce que vous cherchez, vous pouvez écrire à la bibliothèque Ambrosienne (je crois que c’est celle du château Trivulzio) en demandant au bibliothécaire s’il retrouve des occurrences du nom que vous indiquez Bien cordialement
      Gratien/Philippe Gendre

      Répondre
  2. Dupont-Pierrart a écrit

    14 mars 2018 at 14 h 11 min

    Bonjour,
    Pour info je vous signale l’existence de mon livre d’histoire “Claire de Gonzague, comtesse de Bourbon-Montpensier (1464-1503), une princesse italienne à la cour de France”, paru le 17 mars 2017, qui pourrait vous intéresser…Sujet inédit traité essentiellement à partir de sources dans les archives italiennes.
    Cordialement Nicole Dupont-Pierrart

    Répondre

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logo.jpg Après une première vie dans la Finance, je me suis reconverti dans l'écriture. Ma spécialité c'est l'Histoire. Mon genre ? Le roman historique.

Mon nom ? Philippe Gendre. J'ai adopté un nouveau nom, Gratien, car ma nouvelle vie est totalement indépendante de la précédente : c'est une re-naissance d'où l'époque historique de mon premier roman.

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