La famille d’Este qui prend le contrôle de Ferrare au début du XIIIème siècle, va devenir l’une des familles princières les plus emblématiques de la renaissance italienne, et elle va concurrencer les Médicis à Florence au quinzième siècle. Ville d’art et d’histoire, Ferrare va tomber dans l’oubli lorsque les papes, par un coup de force, intégreront la ville à l’Etat pontifical, en 1598.
Dans le coeur de l’ancienne ville de Ferrare, se trouve le château crénelé des princes de la famille d’Este[i] .
La ville de Ferrare, dont l’importance a fortement décru, après que les Etats de l’Eglise aient pris le duché sous leur contrôle, était au début du seizième siècle l’une des plus importantes cité-Etats de la péninsule, derrière le royaume de Naples, la république sérénissime de Venise, le duché de Milan et l’Etat pontifical. D’une taille équivalente à la république de Florence, plus grosse que celles de Sienne et de Mantoue, elle se formait à l’époque de trois provinces: les duchés de Reggio, de Modène et de Ferrare.
La famille d’Este tire sa suprématie, comme bon nombre de villes d’Italie, de l’émergence des villes au douzième siècle et de leur participation aux luttes des papes contre les empereurs du Saint Empire romain germanique. Un siècle auparavant, la comtesse Mathilde de Toscane, qui a hérité de la marche de Toscane et d’un certain nombre de territoires lombards de part et d’autre du Pô, comprenant les villes de Mantoue, Ferrare, Modène, Guastalla, Reggio et Lucques, prend une part décisive à la querelle des investitures, en soutenant le pape Grégoire VII contre l’empereur Henri IV, qui viendra s’agenouiller à Canossa, devant Grégoire VII, en janvier 1077.
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La même année, elle va faire donation, par un acte qui sera réitéré en 1102, de l’ensemble de ses biens, à la Papauté. Cette donation est immédiatement contestée par l’empire qui estime le don illégal car réalisé sans l’approbation du suzerain. Evidemment, les papes ont un point de vue contraire.
Mais cette modification du régime de suzeraineté qui va consacrer l’émergence d’un Etat politique de l’Eglise, qui s’oppose à l’Empire crée un trouble et nombre de villes vont profiter de l’incertitude juridique de leur rattachement, pour prendre leur indépendance: ce sera le début du conflit entre les Guelfes, partisans du Pape et les Gibelins, partisans de l’empereur, qui va ensanglanter l’Italie pendant près de quatre siècles, chaque ville portant au pouvoir, tour à tour, un parti guelfe (en général populaire et commerçant) puis un parti gibelin (souvent les nobles) qui entraîne à chaque fois, une complète rotation des alliances.
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La Toscane entre l’Empire et le Pape: naissance du conflit entre Guelfes et Gibelins
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Le premier comte de Toscane officiellement désigné est probablement Boniface, dont le nom est attesté, d’après Muratori, dès 812. Il aurait donc été nommé par l’empereur Charlemagne lui-même. A l’époque, la Toscane comprend la région de Florence, la ville de Lucques et celles de Reggio, Mantoue, Modène et Ferrare. Les comtes de Toscane vont se succéder de père en fils ou fille, jusqu’à Mathilde de Toscane. Après sa mort en 1115, malgré la donation qu’elle aurait réalisée au profit du pape, les comtes de Toscane seront désignés pendant un siècle encore par l’empereur du Saint Empire romain germanique. La question de la revendication des territoires de la comtesse Mathilde par la Papauté est au confluent de la lutte entre les pontifes de Rome et le Saint Empire qui va atteindre son point culminant avec l’opposition entre l’empereur Welf Othon IV et le Hohenstaufen, roi de Sicile, Frédéric II au début du XIIIème siècle qui va lancer la confrontation fratricide entre les Guelfes et les Gibelins.
Ces deux factions représentent, à l’origine, l’opposition entre deux grandes dynasties germaniques qui s’opposent pour le contrôle du Saint Empire: les Welf, qui donneront “Guelfe” et les Hohenstaufen, dont le château de Waiblingen donnera “Gibelin” par déformation.
L’origine du conflit entre les deux dynasties des Hohenstaufen et des Welfs est une concurrence pour le trône du Saint Empire romain-germanique. L’opposition entre les empereurs et les papes n’est pas nouvelle. En témoigne la querelle des investitures, à propos de l’autorité qui doit désigner les Evêques, le pape ou l’empereur, ayant opposé au XIème siècle, la comtesse Mathilde de Toscane, alliée au pape, à l’empereur Henri IV : le pape l’avait alors emporté sur l’empereur guelfe.
Le conflit s’est envenimé au XIIIème siècle car la situation politique en Italie s’est profondément transformée. D’abord, au XIIème siècle, la Papauté est devenue un Etat politique important avec la donation qui aurait été réalisée en 1077 par la comtesse Mathilde de Toscane au pape Grégoire VII, donation qui aurait concerné tant les terres de franc-alleu, propriétés directes de la comtesse, que les fiefs de la couronne du roi des Romains, sous la souveraineté des empereurs. Une donation qui aurait été immédiatement rejetée par le Saint Empire qui souhaite que la Papauté reste une entité purement religieuse et qui aurait contesté la validité juridique de cette donation, effectuée sans l’approbation de l’empereur. Dès lors, les papes successifs n’auront de cesse de faire progresser leur domination politique sur les états centraux de la péninsule italienne.
Le problème essentiel du Saint Empire est sa faiblesse chronique car il n’a de ressources que celle des Etats qu’il contrôle directement, au moment de son élection. Il dispose d’un grand prestige mais de peu de pouvoirs réels. Il ne peut donc s’opposer par la force à la contestation qui s’exprime chez nombre de villes italiennes, qui souhaitent établir des gouvernements autonomes. Car les villes italiennes, sous l’impulsion de Venise, Amalfi, Gênes, Livourne, Pise, Florence, Sienne, connaissent depuis le début des croisades (première croisade en 1099), une grande prospérité économique qui provoque l’épanouissement d’une bourgeoisie d’affaires, commerciale et financière, avide de partager le pouvoir, ce qui va provoquer une marche vers l’éclatement du Saint Empire, en Italie, en une mosaïque de petites principautés, gouvernées par des podestats élus comme le montrent les deux cartes ci dessous.
- Situation politique en Italie à l’orée du XIIIème siècle Carte créée avec Euratlas Periodis Expert © Euratlas-Nüssli 2010, tous droits réservés
- Situation politique en Italie au début du XIVème siècle Carte créée avec Euratlas Periodis Expert © Euratlas-Nüssli 2010, tous droits réservés
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Les empereurs du Saint Empire, héritiers de Welph V (1072-1120), duc de Bavière, second époux de la comtesse Mathilde, et notamment Othon IV, vont prétendre que Welph II aurait dû hériter de son épouse, à sa mort en 1115. Mais cette prétention est rien moins que claire car, à compter de sa séparation de Mathilde en 1095, Welph n’est plus comte de Toscane, qu’en qualité d’époux d’une comtesse dont il est séparé : il paraît douteux que sur un point aussi important, la comtesse n’ait pas veillé à rendre claire la situation juridique, d’autant plus, en tenant compte de la donation faite auparavant au pape. Du reste, la revendication de l’héritage de Mathilde ne sera pas réalisée du vivant de son conjoint, ce que Welf n’aurait certainement pas oublié de faire s’il avait eu des droits réels à cet héritage.
Généalogie des Welfs du royaume de Bourgogne
Tableau généalogique créé par le site Histoire Généalogie des Welfs
Cette question de la donation n’est cependant pas du tout claire car si le pape avait été l’héritier direct de la comtesse Mathilde, il aurait très probablement veillé à éviter que les villes dépendant du comté ne prennent leur indépendance, ce qu’il a au contraire, intérêt à encourager si l’empire reste le suzerain nominal. Il serait également entré en opposition frontale avec les empereurs pour la nomination des comtes de Toscane. A moins que cette “donation” ne résulte simplement d’une appropriation apocryphe pour fonder le droit des papes à contrôler cette région, comme la “donation de Constantin” document apocryphe dont la fausseté a été établie par le latiniste Lorenzo Valla (1407-1457) lors du concile de Florence en 1440 ?
Donation de Constantin Raphael Chambre de Constantin Palais du Vatican Source Article Wikipedia Chambres de Raphael
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Ce qui est certain par contre, c’est qu’au cours des dix-huit années qui suivent la mort de Mathilde, la ville de Lucques prend son indépendance, puis c’est au tour de Pise et sans doute en même temps, Florence et Ferrare. Et les empereurs vont désigner des marquis de Toscane successifs, chargés d’administrer le comté, leur vie durant, pendant un siècle encore. Ce sera notamment le cas pour Conrad, duc de Ravenne, nommé en 1119, mort en 1132 puis pour Henri le Superbe, duc de Bavière, en 1133 jusqu’en 1139, Uldéric, comte de Lenzburg de 1139 à 1153 puis Welf VI, de 1153 à 1195.
Henri le Superbe, Duc de Bavière, a été investi du Comté de Toscane et du Duché de Spolète par l’empereur Lothaire III (1075-1137) son beau-père, à qui le pape Innocent lI les aurait cédés, comme relevant de l’Eglise romaine, moyennant un tribut annuel de cent livres d’argent. C’est, apparemment, en considération des droits que cette ligne aurait eus sur la succession de la Comtesse Mathilde, que l’Empereur lui confère alors ces dignités. On peut cependant en douter car il faudra attendre quatorze ans pour que Welf VI, le frère cadet d’Henri le Superbe, qui deviendra à son tour Duc de Bavière, soit nommé comte de Toscane. Si vraiment les droits acquis par l’époux de Mathilde avaient été pris en compte, le comté de Toscane aurait été transféré de Henri le Superbe à son frère Welf VI au lieu d’être transmis à un tiers, le comte de Lenzburg, pendant quatorze ans. Cela montre en tout cas que, s’il y a eu effectivement une donation de la part de Mathilde, cette donation n’a pas été notifiée à l’empereur ou bien celui-ci n’en tient pas compte puisqu’il va pendant un siècle encore nommer des comtes de Toscane. Cette cession “relevant de l’église romaine” est très curieuse: elle ressemble à s’y méprendre à une revendication apocryphe. Car le pape qui va donner un contenu théologique puis politique (en 1209) à l’aspiration des pontifes à constituer un territoire, est Innocent III, soixante-quinze ans plus tard. La donation de Mathilde est l’un des épisodes les plus mystérieux qui soient dans l’histoire de l’Eglise au moyen âge. Le précédent du faux de la donation de Constantin, incite à examiner avec prudence la réalité de cette donation.
Quoiqu’il en soit, C’est Welf qui va ratifier l’indépendance de la ville de Lucques, en 1195. Auparavant, demeuré sans enfant, il a cédé à Henri le Lion (voir sur la généalogie ci-dessus) son neveu, tous ses biens y compris le comté de Toscane (preuve sans doute qu’à cette date la transmission du comté est devenue héréditaire) contre remise d’une somme en numéraire, dont Henri omet de s’acquitter. Furieux, Welf VI engage alors, en 1169, sa parole auprès de Frédéric 1er Barberousse, le futur empereur Hohenstaufen, de lui transmettre tous ses biens. Henri le Lion réclamera cependant l’exécution de la donation que Welf lui avait faite et ne voudra jamais accepter aucun compromis avec l’Empereur à cet égard.
Tableau généalogique Dynastie de Hohenstaufen 1138-1254 créé par le site Histoire Généalogie
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Frédéric Barberousse a cinq enfants. Son fils Henri VI accède au pouvoir en 1190. Il nomme en 1195, son plus jeune frère, Philippe (1177-1208), comte de Toscane, puis, l’année suivante, duc de Souabe et, en 1198, roi des Romains. En 1197, Henri VI de Hohenstaufen meurt. Il est remplacé par Philippe de Souabe, roi des Romains, qui a été élu empereur. D’après Muratori, le célèbre préfet de la bibliothèque Ambrosienne, ce serait là l’origine du conflit entre les Guelfes, partisans du pape et les Gibelins. Car le pape va se faire l’arbitre du conflit en jouant adroitement de son poids dans la confrontation.
Le duc n’est pas présent en Italie, ce qui permet au pape Innocent III qui a développé la doctrine de la “plénitude de puissance” (plenitudo potestatis), qui stipule que les papes ont une autorité illimitée, y compris sur les souverains, de trouver un terrain d’action idéal: il va susciter, de la part de la plupart des villes de Toscane à l’exception de Pise, une ligue qui s’oppose au comte de Toscane.
Othon IV, un Welf, est élu en 1209. Pour obtenir le soutien du pape, il accepte de promettre l’abandon des droits du Saint-Empire sur les biens de la comtesse Mathilde, la reconnaissance de la souveraineté de l’église sur ses possessions actuelles y compris l’exarchat de Ravenne, et le retour du royaume de Sicile, dans la souveraineté du pape, promesse que Othon IV peut faire d’autant plus facilement que c’est la famille de son concurrent Hohenstaufen qui règne sur le royaume de Sicile. Mais Othon IV ne respecte aucune des promesses qu’il a faites à Innocent III qui l’excommunie en 1210 et accorde ensuite son soutien au jeune Frédéric II de Hohenstaufen, qui accepte, pour obtenir le soutien du pape, de ratifier toutes les promesses faites par Othon IV.
Ce qui va décider de la confrontation entre le pape et Otton IV, c’est une coalition montée par le roi d’Angleterre, Jean sans Terre, avec le concours d’un certain nombre de principautés et de comtés principalement du nord, comprenant en outre, le roi du Portugal et l’empereur Otton IV. Le roi de France s’appuie quant à lui sur Frédéric de Hohenstaufen. La victoire françaises de Bouvines et l’écrasement subséquent des adversaires vont reprofiler l’organisation spatiale de l’Europe. Otton IV a tout perdu: il est déposé par les princes électeurs qui désignent à sa place Frédéric de Hohenstaufen. Le pape Innocent III triomphe.
A partir de cette date, à chaque fois que l’empereur ou le pape vont entrer en confrontation, et les conflits seront fréquents dans un espace où les frontières ne sont pas délimitées avec précision, les cités devenues autonomes de la péninsule, vont alterner entre soutien du pape (guelfes) ou soutien de l’empereur (gibelins) en fonction des pouvoirs politiques qui s’expriment localement.
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L’irrésistible ascension de la famille d’Este à Ferrare
Plusieurs villes et régions, aussitôt après la mort de Mathilde, décident de se détacher de l’empire: ce sera notamment le cas des villes de Modène et de Ferrare. Depuis la mort de la comtesse Mathilde, en 1115 jusqu’à 1208, la ville de Ferrare va vivre comme une république, comme Florence, qui prend également son indépendance. Des podestats sont élus par les citoyens pour des périodes variables en fonction du contrôle que leurs partis exercent sur les citoyens.
La famille d’Este est d’ascendance germanique: l’ancêtre commun est Oberto d’Este (915-975) que l’Empereur Otton I fait comte du Sacré Palais en 961, ascendance démontrée par le grand chroniqueur du XVIIème siècle, Ludovico Antonio Muratori, préfet de la bibliothèque Ambrosienne. Les Este sont alors alliés aux plus grandes familles d’Europe. Azzo II d’Este, par son mariage avec Cunégonde, va avoir un fils, Welf IV qui va devenir duc de Bavière, l’ancêtre de l’empereur Othon IV et celui de la dynastie toujours régnante en Angleterre via la branche des ducs de Brunswick comme le montre la généalogie ci-dessus.
Ils sont marquis de la marche d’Este, à 30 kms au nord de Ferrare, près de Padoue. Au douzième siècle, ils sont les principaux seigneurs du parti gibelin de Vénétie, avec Obizzo d’Este qui devient Podestat de Padoue, tandis que le fils de ce dernier, Azzo V d’Este, épouse en 1176, Marchesella Adelardi, fille et héritière de Guillaume Aleardi, chef du parti guelfe de Ferrare.
Guillaume, le chef du parti guelfe, est mort dix ans plus tôt. Dans son testament, il a exprimé sa volonté que sa fille, héritière de tous ses biens, soit unie avec Arriverio Taurelli, fils du plus puissant noble de Ferrare. La famille Taurelli est d’ascendance prestigieuse et gouverne Ferrare depuis pratiquement un siècle, sans interruption. La famille qui descend des ducs de Bavière a gouverné Ferrare à partir de 1092 pour le compte de la comtesse Mathilde. Ce mariage est une façon de réconcilier des familles qui se sont opposées sur le plan politique. Or la petite Marchesella, âgée de sept ans à peine, est un parti qui aiguise les appétits: n’est-elle pas l’héritière de la marche d’Ancône et de plusieurs autres seigneuries importantes ? Une fois que les Taurelli, qui sont de loin les seigneurs les plus riches de Ferrare, auront mis la main sur cet héritage, ils deviendront tout puissants ! Une conjuration se monte alors à Ferrare, peut-être inspirée par Azzo V, pour son fils, qui obtient, en 1174, le soutien de Pierre Traversaria, seigneur de Ravenne, pourtant parent des Taurelli. Le complot est décidé: les complices vont enlever la petite Marchesella et la donner pour épouse à Azzo VI d’Este. Le mariage qui s’ensuit va être à l’origine des conflits à répétition entre la famille Taurelli et la famille d’Este.
En 1195, Salinguerra Taurelli, né en 1160, est élu podestat de Ferrare: il chasse les Este de la ville. Azzo V meurt la même année.
Avec l’aide des Adelardi, Azzo VI, le fils du précédent, est élu podestat en 1196. Il élimine son opposant, Salinguerra, qui se réfugie en Sicile auprès de l’empereur Henri VI de Hohenstaufen qui décide de l’appuyer. Salinguerra revient à Ferrare en vainqueur en 1199 et il est élu podestat. Fort du soutien de l’empereur Philippe de Souabe, qui succède à Henri VI, il devient également le podestat de Vérone en 1200 puis, celui de Modène en 1205.
Mais Azzo a profité des leçons de son adversaire. Car Philippe de Souabe vient d’être assassiné en 1208 ce qui affaiblit la position de Salinguerra. S’appuyant sur les milieux guelfes de Ferrare, Azzo VI se fait élire podestat en 1208 et il force Salinguerra à s’enfuir. Après la mort de sa première épouse, la fille de Thomas, Comte de Savoie (1178-1233), Azzo VI a épousé, le 2 Février 1204 Alix (1178/80-1235), fille de Renaud de Châtillon, Prince d’Antioche, exécuté à Hattin en 1187, preuve qu’à cette époque déjà, les Este sont reconnus comme l’un des premiers lignages européens. Le pape Innocent III reconnaît à Azzo VI le titre de marquis d’Ancône.
En 1209, un cousin d’Azzo VI (ils ont un arrière-arrière grand-père commun, Azzo II), Otton de Brunswick (1176-1278), se fait élire empereur du Saint Empire et il se fait couronner empereur sous le nom d’Otton IV à Rome, par le pape Innocent III le 4 octobre 1209. A l’occasion de son voyage en Italie, il passe par Este et par Ferrare et il en profite pour nommer Azzo VI, seigneur perpétuel de Ferrare et comte de la marche ou marquis de Ferrare.
En compensation de la perte pour Salinguerra que représente la victoire des marquis d’Este sur Ferrare, l’Empereur Otton IV, va créer Salinguerra Taurelli Prince du Saint Empire en 121o: il l’investit alors de vingt-quatre grands fiefs de Romagne, provenant de la succession de la Comtesse Mathilde, parmi lesquels se trouve la ville de Carpi. Le pape Honoré III, lui reconnaîtra en 1217 ces investitures, en enlevant toutefois Carpi, qui sera remise à la ville de Modène.
Mais la victoire des Este à Ferrare n’a pas aboli les rancunes: après la mort d’Azzo VI en 1211, Azzo VII, un prince retors et cruel va chercher à se venger de Salinguerra, qui, pour l’heure, est devenu gouverneur de Mantoue. Le jeune Marquis, ayant réuni des troupes de Padoue et de Vérone, attaque subitement le château de Fratta, où Salinguerra a rassemblé ce qu’il a de plus précieux. La garnison est constituée de l’élite de ses effectifs. Elle se défend avec l’énergie du désespoir mais vaincue par la famine, est contrainte de se rendre: le vainqueur va passer au fil de l’épée tous les défenseurs y compris les femmes et les enfants. Ces cruautés inutiles vont se retourner contre leur auteur: Salinguerra obtient le secours de son beau-père, Ezzelin, avec les forces duquel il va réussir à éliminer les Este de Vérone en 1227 dont Ezzelin est nommé podestat et de Ferrare en 1236, où Salinguerra se rétablit en maître.
Mais les Vénitiens, dont il a interrompu le commerce, vont se liguer avec Grégorio, légat du Pape Grégoire IX, dévoué à la Maison d’Este. Bientôt une armée nombreuse de Vénitiens, Milanais, Mantouans, Bolonnais et Véronais, assiège Ferrare au mois de février 124o. Le marquis Azzo VII en a pris le commandement. Salinguerra se défend vaillamment pendant quatre mois. Azzo l’invite, sous prétexte d’engager des discussions, pour négocier la reddition. Taurelli se rend sans méfiance au rendez-vous, le 3 Juin 1240 et il est capturé et expédié à Venise par le doge Jacques Tiepolo, qui a conduit en personne les troupes de la Sérénissime au siège de Ferrare. Bien que traité avec égards, Salinguerra va rester en captivité jusqu’à sa mort, qui surviendra quatre ans plus tard, le 25 juillet 1244.
Après cet épisode, la famille d’Este ne reperdra jamais le pouvoir sur sa principauté (à de petites exceptions près, notamment en 1308-1309 lors de la guerre de succession), jusqu’à la date de l’annexion de Ferrare par le pape Clément VIII à la fin du seizième siècle.
Le conflit pour le contrôle des Seigneuries de Modène et Reggio
Obizzo d’Este, le petit-fils d’Azzo VII, va être à l’origine d’une grande extension territoriale avec le contrôle des seigneuries de Modène et de Reggio. En 1288, les Modénois , qui sont gouvernés par un podestat, depuis qu’ils ont pris leur indépendance, sont las des désordres causés par les factions qui se déchirent en permanence: ils adressent une députation, le 15 Décembre, au Marquis Obizzo, pour se donner à lui. Obizzo accepte la proposition et envoie le Comte Anello, son parent, pour prendre possession de la Seigneurie de Modène en son nom. La ville de Reggio qui connaît les mêmes difficultés de gouvernement suit l’exemple de Modène, deux ans plus tard.
Mais Obizzo est assassiné en 1293, probablement par son fils, Azzo VIII qui se fait reconnaître seigneur de Ferrare. Mais comme leur père n’a pas eu le temps de préparer un testament, les deux frères éliminés cherchent à se faire confier l’un, la seigneurie de Modène et l’autre, celle de Reggio. En 1306, las des entreprises des deux frères Ferrarais qui ne cessent de susciter des troubles dans la ville, Modène se révolte et rétablit son indépendance. Reggio fait de même le lendemain.
Au mois de Février suivant, ces deux villes montent une ligue avec Padoue, Vérone, Brescia, Mantoue et Parme, pour chasser de Ferrare le marquis, preuve sans doute, que les mouvements précédents d’indépendance, n’étaient pas totalement fortuits. Mais leurs efforts sont en pure perte. Car, pour la première fois dans l’histoire dynastique de Ferrare, Azzo VIII qui n’a pas eu de fils de ses deux mariages, va déshériter ses deux frères Aldobrandino et François, qui n’ont cessé de lui poser des problèmes depuis vingt ans ainsi que leurs enfants et transmettre le pouvoir à son fils bâtard, Foulques, avec le soutien de forces de Bologne. Aussitôt les deux frères s’arment et s’emparent de plusieurs châteaux de la famille dont celui d’Este. Puis, ils vont demander de l’aide au pape. Celui-ci est ravi de pouvoir intervenir dans ce conflit: il exige, au préalable, que les deux frères reconnaissent la suzeraineté de l’Eglise sur Ferrare.
Ce point accordé, le Pape expédie des troupes pour aller prendre possession de Ferrare, sous les ordres du marquis François. Foulques fait alors proposer aux Vénitiens de leur céder Ferrare à certaines conditions. La proposition acceptée, les Vénitiens envoient des troupes, qui forcent les Fcrrarais, après quelques combats, à demander la paix , et à recevoir le podestat que leur envoie Venise. L’an 1309, le Pape Clément V, irrité de l’cntreprise des Vénitiens, publie contre eux, une bulle, le 17 Mars, pour s’être emparés de Ferrare. Pour joindre ensuite les armes temporelles aux spirituelles, il fait prêcher contre eux la croisade, ce qui lui procure en peu de temps une armée considérable. Les Vénitiens se défendent vaillamment mais le 18 Août de la même année, les Ferrarais remportent sur eux une victoire complète, qui décide de l’issue du conflit. Le Pape ayant recouvré Ferrare, en donne le Vicariat à Robert, Roi de Naples, sans penser le moins du monde à François d’Este, qui s’était donné tant de peines pour rentrer en possession de son héritage. En 1317, les Ferrarais, excédés par les mauvais traitements des troupes de garnison du Roi de Naples, se soulèvent le 4 août, et, les ayant obligés à se retirer dans le château, ils montent à l’assaut avec le secours des marquis d’Este et des Bolonois réconciliés, les massacrent tous et livrent le château aux flammes.
Le 17 août 1317, Renaud et Obizon III, fils d’Aldrobrandin, sont rétablis dans la seigneurie de Ferrare et ils associent Nicolas. leur troisième frère. Le pape, Jean XXII est furieux : iI somme les trois marquis de déguerpir de Ferrare, et, sur leur refus, il les excommunie, met la ville en interdit, et les fait poursuivre comme hérétiques par l’Inquisition. Les trois marquis d’Este, s’obligent alors, après 1319, à reconnaître le pape comme souverain de Ferrare, et négocient en contrepartie une bulle qui leur confère le vicariat de cette ville et de son district. En 1332, les trois marquis viennent assiéger la ville de Modene, alors possédée par les Pii. Renaud tombe malade à ce siège, et, étant retourné à Ferrare, il y meurt le 31 Décembre de la même année. En 1336, Gui et Mainfroi des Pii , voyant la ville de Modène au bout de sa résistance, leur remettent la place le 17 avril.
En 1 346, Obizon vend à Luchino Visconti, Seigneur de Milan, la ville de Parme, qu’il avait conquise en 1344. Cette même année Nicolas meurt le 1 mai. Le 27 mai 1350, Obizon fait lever l’interdit, jeté trente-sept ans plus tôt sur Modène, par le Pape Clément V.
A la suite de ces soixante années de troubles, qui ont fini par aboutir au triomphe de l’Eglise, Ferrare étant désormais redevenu un territoire pontifical, quarante années suivantes vont être, par contrecoup, sans difficulté particulière. Le palais Schifanoia de Ferrare, est érigé à cette époque.
C’est Nicolas, dit le Boiteux qui fait construire par l’architecte Bartholino de Novare, le château fortifié de Ferrare, qui sera réaménagé sous la direction de Girolamo da Carpi, dans la deuxième moitié du seizième siècle, pour lui donner sa physionomie actuelle.
Nicolas d’Este (1383-1441) va avoir cinq enfants de trois mariages successifs et onze bâtards. Son fils légitime, Hercule (1431-1505), élevé à Naples, ne va régner qu’à partir de 1471. Pendant trente ans, vont se succéder à la tête de Ferrare, deux fils bâtards, l’un, Lionel, bâtard légitimé par le pape, puis Borso, qui vont porter la cité à son niveau de lustre le plus élevé. Les règles dynastiques sont relativement peu formelles, le principe étant surtout de confier le pouvoir aux mâles présentant un âge minimal et reconnus comme les plus dignes de l’exercer. Lionel, qui est légitimé par le pape, va créer le premier hôpital de Ferrare, donner une forte impulsion au développement de l’Université de Ferrare et s’affirmer comme un mécène éclairé. Son frère cadet, Borso d’Este, va lui succéder de 1450 jusqu’à 1471.
Ferrare au XVème siècle: la floraison des arts
Les quatre seigneurs successifs de Ferrare (Nicolas III d’Este, Lionel, Borso puis Hercule d’Este), au quinzième siècle vont tous être des mécènes qui vont susciter quelques unes des plus belles oeuvres de la renaissance italienne. Porté au départ à l’imitation de Florence et de Cosme de Médicis, le mécénat va bientôt s’orienter vers tous les domaines de la création artistique autour de l’école dite de Ferrare, dont le premier inspirateur sera le mantouan Mantegna.
Les quatre princes successifs qui vont gouverner Ferrare, pendant tout le quinzième siècle vont faire de cette ville, l’une des plus dynamiques de toute la péninsule italienne. Ce dynamisme va s’exprimer avant tout par le mécénat artistique, qui va promouvoir l’idéal du bon prince de la renaissance. Ce n’est pas un hasard si Ferrare est choisie par le pape pour abriter le concile de 1438 (voir l’article sur ce Blog sur Le Pogge: la première renaissance de la littérature à Florence), concile qui sera déplacé à Florence l’année suivante, par suite de la peste qui s’est déclarée à Ferrare.
Il revient à Lionello d’Este (le fils adultérin de Niccolo III avec sa maîtresse, de l’illustre famille des banquiers Tolomei de Sienne), de s’affirmer comme le promoteur de la première renaissance avec le développement de l’université de Ferrare et la création du premier studiolo de la renaissance, dans son palais de Belfiore, au centre de Ferrare, aujourd’hui disparu, mais dont les peintures des muses, notamment réalisées par Cosme Tura et ses élèves sont aujourd’hui éparpillées entre plusieurs musées européens. Le palais de Belfiore a été conçu et organisé par Guarino de Verone, l’ami du Pogge, Le duc d’Urbin imitera, cinquante ans plus tard ce studiolo en se faisant construire le sien dans son magnifique palais d’Urbin (Voir sur ce Blog l’article sur La cour fastueuse du duc d’Urbin: mécénat et grandeur).
Giovanni da Oriolo, Portrait de Lionello d’Este, tempera sur panneau, 1447 National Gallery, Londres
Cosimo Tura Calliope 1460 National Gallery
La décoration du palais de Belfiore sera complétée par le duc Borso d’Este, au cours du règne duquel les arts seront portés à leur sommet à Ferrare.
Francesco del Cossa Palais de Schifanoia Triomphe de Venus Image provenant du Site Apparences Article Francesco del Cossa
Le duc Borso d’Este est également à l’origine du plus extraordinaire manuscrit enluminé du quinzième siècle italien, la fantastique Bible de Borso d’Este (Voir l’article sur ce Blog sur la Bible de Borso d’Este: la munificence du duc de Ferrare).
Bible de Borso d’Este Vol 2 vue 7 Biblioteca Estense Site la Bibliothèque numérique mondiale
Comme le souligne la Bibliothèque numérique mondiale qui a numérisé ce magnifique ouvrage: “La bible comporte deux volumes de feuillets de plus de 1 000 enluminures individuelles. Les feuilles sont richement enluminées avec des vignettes peintes illustrant des scènes de la Bible, des événements historiques, les armoiries d’Este et des représentations de la nature. Le début de chacun des livres de la Bible est décoré d’une bordure architecturale sophistiquée et de motifs somptueusement colorés. Les enluminures furent réalisées par des artistes, parmi lesquels Girolamo de Crémone, Marco dell’Avogadro et Giorgio d’Alemagna, ayant à leur tête Taddeo Crivelli et Franco dei Russi. Le texte fut réalisé par un scribe raffiné de la Renaissance, le bolonais Pietro Paolo Marone“.
Enfin, Borso d’Este s’affirme comme celui qui, avec Ercole, son demi-frère, va impulser le développement de la musique à Ferrare où de nombreux artistes vont être invités. Le grand compositeur flamand Josquin des Prés, va faire un séjour de trois ans à Ferrare à partir de 1500.
Le gouvernement du bon prince
Lors du voyage effectué par l’empereur Frédéric III à Rome, en 1452, pour se faire couronner roi des Romains, l’empereur Frédéric III (1415-1493) rencontre tous les princes des souverainetés italiennes. C’est l’occasion de refixer les frontières du Saint Empire avec le pape. Borso d’Este, qui dispose d’un sens inné de la diplomatie, trouve les accents pour convaincre le pape et l’empereur, lequel le nomme duc de Modène et de Reggio, nomination qui implique la reconnaissance par Ferrare, de la suzeraineté de l’empire sur les régions concernées. Borso a surtout regardé l’exemple de la cité voisine de Milan qui a acheté, fort cher un titre ducal. Borso s’est montré plus habile: il s’en tire pour quatre mille florins d’or par an pendant dix ans, une somme considérable, mais limitée, à côté du sacrifice de cent mille florins d’or consenti cinquante-cinq ans plus tôt par Jean Galéas Visconti auprès de l’empereur Wenceslas 1er, pour devenir duc de Milan.
Empereur Frédéric III Hans Burgkmair Kunsthistorisches Museum Wien
Le pape n’est pas en reste (a-t-il été acheté également ?) car il nomme en 1471, son vicaire Borso, duc de Ferrare. Le futur duc fera un voyage fastueux, mémorable, de Ferrare à Rome, visitant au passage toutes les princes sur son passage et notamment, le comte de Montefeltre, souverain éclairé d’Urbin, avant d’être solennellement investi par le pape dans la Basilique Saint-Pierre.
Borso d’Este, va assurer le contrôle du pouvoir pendant vingt-et un ans. Conciliateur habile, il va rappeler les deux fils de Nicolas III le Boiteux, exilés à Naples, Hercule et Sigismond et il va marquer de la sollicitude pour Nicolas, son neveu, le fils de Lionel, prince héritier de Ferrare, mais sans jamais évoquer à aucun moment la restitution du pouvoir à ce dernier.
Pourquoi les papes successifs ont-ils accepté que l’exercice du pouvoir, à Ferrare, soit ainsi exercé par une autre personne que l’héritier de la dynastie ? Sans doute parce que les papes ont souhaité par ce moyen, faire sentir aux principautés, que ce qui est important, ce n’est pas l’ascendance d’une famille mais la soumission de ceux qui gouvernent, à l’autorité de Rome. A bon entendeur !
En revenant de Rome, quelques mois après sa nomination en qualité de duc de Ferrare, Borso va mourir, le 20 août 1471. Protecteur éclairé des lettres il a compris le rôle que pourrait jouer l’imprimerie en attirant à Ferrare, l’installation d’Andreas Gallus.
Ayant attiré à sa cour les différents parents mâles survivants, il a pu juger pendant vingt ans de la valeur des uns et des autres: celui qui lui succèdera sera Hercule d’Este, son demi-frère, qui va accéder au pouvoir après plus de trente ans d’attente, car il est le seul héritier légitime de Nicolas III. Un autre héritier légitime, c’est Nicolas, son neveu, qui est le fils de Lionel, un bâtard légitimé. Mais, apparemment, ce dernier n’a pas convaincu Borso qui lui a préféré son oncle. Le 1er septembre 1476, Nicolas surprend Ferrare, pendant une absence d’Hercule d’Este. Mais il est poursuivi par les partisans et les frères de ce dernier qui le rattrapent et le ramènent prisonnier. Il est décapité trois jours après, sans attendre le retour du duc qui fera bannir de Ferrare le responsable de la décision.
Pendant son séjour à Naples Hercule a été élevé avec la famille royale de Naples. C’est tout naturellement qu’il pense à épouser Eléonore d’Aragon (1450-1493), qu’il n’a pas pu connaître lorsqu’il était à Naples, vingt ans plus tôt, car la jeune femme n’a que vingt-trois ans lorsqu’elle épouse Hercule, âgé de quarante deux ans.
Eleonora d’Aragon, Antonio Cornazzano’s “Del modo di regere e di regnare” Enluminure attribuée à Cosmè Tura (Cosimo di Domenico di Bonaventura) (ca. 1433–1495 Ferrare) MS M 0731, fol. 1r The Morgan Library and Museum, New York
Ils vont avoir six enfants: deux filles, Isabelle (1474-1539) qui va épouser le marquis de Mantoue, Francesco Gonzague, et Béatrice (1475-1497), qui va épouser le duc de Milan, Ludovic le More et quatre fils dont Alphonse (1476-1534), l’aîné, destiné à succéder à son père et Ippolito (1479-1520), le cadet, qui embrasse la carrière d’église et qui va devenir cardinal et mécène.
Les Vénitiens, ligués avec le Pape Sixte IV, et Girolamo Riario, le comte de Forli et d’Imola (voir sur ce Blog l’article sur Caterina Sforza, l’indomptable lionne de Forli), déclarent la guerre, en 1482, au Duc de Ferrare. Ce dernier, après avoir fait ses efforts pour éviter cette guerre, motivée avant tout par les ambitions de Sixte IV pour sa famille, décide d’organiser une ligue, de son côté, avec Ferdinand, Roi de Naples, son beau-père, Ludovic le More, duc de Milan, la république de Florence et les Bentivoglio de Bologne. Les hostilités commencent au mois de mai 1482.
Le 21 Août, Alfonse, Duc de Calabre, est battu par les troupes pontificales dirigées par un condottiere, Malatesta, à la bataille de Campomorto près de Velletri. Le 12 Décembre suivant, le Pape, fait la paix avec le roi Ferdinand, le Duc de Ferrare et ses alliés. Toutes les Puissances d’Italie se déclarent alors contre les Vénitiens. Sixte IV veut s’établir arbitre de la paix, mais, trouvant les Vénitiens qu’il était allé trouver, tout à fait opposés à une cessation des hostilités, qu’ils estiment prématurée, il frappe les chefs de la Sérénissime d’excommunication le 25 mai 1483 et la ville de Venise, d’interdit, ce qui oblige tous les prêtres de Venise à sortir de la ville avant trois jours. Les Vénitiens rétorquent en faisant surveiller et fouiller tous les voyageurs qui arrivent de la route de Rome, pour leur retirer la copie de la bulle et le conseil des dix exige de toutes les églises et du patriarche, que soit déposée aux inquisiteurs d’Etat, tous les courriers venant du pape, sans être ouverts. De sorte que personne n’est informé de l’excommunication, ce qui donne à Venise le temps nécessaire pour faire appel de la décision et interrompre le processus avant qu’il n’ait réellement commencé.
Après deux ans d’hostilités faites de coups de main qui ne s’exercent que contre les populations civiles, sans véritable bataille, le Duc de Ferrare, abandonné de ses alliés, fait la paix, le 7 Août 1484, avec la république Sérénissime à laquelle il cède Rovigo et tout le polesin de Rovigo, dont ils se sont emparés.
Alliance avec les Borgia : mariage d’Alphonse Ier d’Este et de Lucrèce Borgia
Si le pape Sixte IV a causé beaucoup de torts à la famille d’Este, parce qu’il voulait offrir le duché d’Este à son neveu, Girolamo Riario, marié à Caterina Sforza (voir l’article sur ce Blog sur Caterina Sforza), un autre pape va rechercher leur alliance, en nommant Ippolito d’Este, cardinal et en négociant le mariage d’Alphonse d’Este avec Lucrèce Borgia, la fille du pape (voir sur ce Blog les articles sur les Borgia et notamment celui de Lucrèce Borgia).
Alexandre VI Borgia s’adresse alors au cardinal d’Amboise et à Louis XII pour qu’ils interviennent auprès d’Hercule d’Este. Mais ce dernier réclame, outre le doublement de la dot de la mariée, à cent mille ducats et l’annulation du cens annuel payé à la Papauté par Ferrare. Ces conditions sont particulièrement dures pour Alexandre VI car il doit aliéner des droits de l’Eglise pour satisfaire des avantages familiaux. Mais Lucrèce qui voit tout l’avantage qu’elle pourra retirer de l’alliance avec un prince souverain, insiste auprès du Pape pour qu’il signe l’accord en l’état.
Le 26 août 1501, le contrat de mariage est signé à Rome et le 1er septembre, l’union est célébrée par procuration à Ferrare, au château de Belfiore.
Le 13 octobre 1501, César Borgia invite le Pape et sa sœur dans son appartement du Vatican.
Il a fait venir cinquante des plus fameuses courtisanes de Rome. Après le repas, les dames galantes choisissent leurs cavaliers pour danser, puis elles se mettent toutes nues. Il est probable que Lucrèce ait choisi ce moment-là pour s’éclipser car elle n’avait aucun intérêt à ce que sa participation à une telle bacchanale soit rapportée à Ferrare. Des accouplements ont lieu publiquement dans la salle et un jeu concours est engagé avec des arbitres pour mesurer les couples les plus performants… d’après le grand auteur Ivan Cloulas qui rapporte cette scène, cette soirée spéciale est confirmée par plusieurs sources indépendantes.
Après avoir soigneusement vérifié la consistance de la dot de la mariée et la réalisation des conditions annexes de l’accord de mariage, les ambassadeurs Ferrarais donnent leur visa et le 9 décembre 1501, un cortège de cinq cents personnes quitte Ferrare pour venir chercher à Rome la fiancée du duc.
La réception des ambassadeurs Ferrarais à Rome, est somptueuse. Puis, le cortège repart pour Ferrare le 6 janvier 1502. Sur la place Saint-Pierre, l’escorte de Lucrèce l’attend : elle est formée de cent-quatre-vingts dames, d’autant de seigneurs et de deux cents cavaliers. Au total c’est plus de mille personnes qui repartent de Rome. Elle s’arrête tour à tour à Népi, Pesaro, Rimini, Cesena, Forli, Faenza. Partout, elle est acclamée avec des cris de joie.
Le 30 janvier, Lucrèce arrive à Castel Bolognese où son futur époux vient la rejoindre, masqué, pour faire sa connaissance. Au bout de deux heures d’entretien où Lucrèce lui a offert son sourire le plus chaleureux, le futur époux repart conquis.
Bastianino, Alfonse I d’Este Duc de Ferrare copie d’après le tableau de Titien Florence Galerie Palatine
A Bologne, le convoi quitte la route, pour rejoindre Ferrare sur des canaux. A Malalbergo, une barge vient à leur rencontre, celle d’Isabelle d’Este, alors âgée de vingt-six ans, Marquise de Mantoue et, accessoirement, l’arbitre de la mode au début du seizième siècle.
A Torre de Fossa, Lucrèce fait la connaissance d’Hercule d’Este qui attend sa bru.
Ercole d’Este Dosso Dossi (1489-1542) Modene, Galleria Estense Palazzo Dei Musei
La célébration des noces commence le lendemain par l’entrée des époux dans Ferrare. « On admire la toilette de Lucrèce : une robe de drap d’or et de satin très foncé en bandes alternées, avec des manches flottantes à la mode française et un manteau d’or étiré, doublé d’hermine avec des crevés sur le côté ». Elle porte le collier de diamants et de rubis de la famille d’Este. Comme coiffure, elle porte un bonnet enrichi de pierreries.
Lucrèce met pied-à-terre devant les marches de l’escalier de marbre du palais et monte les degrés en haut desquels l’attend Isabelle d’Este, « vêtue d’une splendide robe de drap d’or, brodée de notes de musique ».
Le soir venu, Lucrèce gagne la chambre nuptiale où elle est déshabillée par ses dames d’honneur sous la conduite d’Adrienne de Mila. Puis Alphonse d’Este la rejoint. On saura au matin que le prince a honoré son épouse par trois fois, un score honorable quoique moyen.
Dans toutes ses apparitions, Lucrèce conquiert son public de sorte que son beau-père pourra écrire, conquis, à Alexandre VI, qu’il « considère sa Seigneurie (Lucrèce) comme le plus cher bien que j’ai en ce monde ».
Lucrèce va donner à son époux trois fils et une fille en quatorze ans de mariage, dont le prince héritier, Hercule II (1508-1559), qui épousera Renée de France, la fille du roi Louis XII et d’Anne de Bretagne, et Hippolyte d’Este (1509-1572) qui deviendra cardinal.
Alphonse devient duc en 1505. Comme son père, il s’engage comme condottiere auprès des puissantes républiques voisines et notamment de Florence, qui a chassé les Médicis en 1494, et dont Alphonse devient le commandant des troupes, ce qui va lui attirer la rancoeur des deux papes Médicis qui vont suivre, Léon X, puis Clément VII. Après la mort d’Alexandre VI, dont il a été l’allié, Jules II, l’ennemi irréductible du pape Borgia, lorsqu’il n’était que le cardinal della Rovere, lui enlève les villes de Modène, Reggio et Rubiera et de quelques places le long du Pô, qu’il ne récupèrera qu’à la mort de ce pontife en 1513.
De façon générale, ce prince sera en conflit permanent avec les papes et il épousera plutôt la cause de l’empereur Charles Quint qui le rétablira dans les territoires dont il a été spolié du fait des papes successifs. Alphonse V qui s’était pris d’une véritable passion pour l’artillerie et la poliorcétique, passe pour un excellent ingénieur militaire qui va perfectionner l’art de la fonte des canons et faire de Ferrare un des grands fournisseurs d’armes de la Renaissance, qui interviendra dans tous les conflits du seizième siècle.
Tant que les ducs de Ferrare seront à la tête de l’Etat, la cité connaîtra la prospérité. Quand le dernier duc de Ferrare, Alphonse II va mourir sans postérité, le duché va échoir à son plus proche héritier, son cousin César d’Este, succession dont la légitimité est reconnue par l’empereur. Mais l’Eglise va prétexter de la bâtardise de l’héritier pour s’opposer à son transfert. A partir de 1598, les ducs de la maison d’Este vont abandonner Ferrare pour Modène qui va connaître sous l’administration sage des ducs, une grande prospérité économique. En revanche, Ferrare va s’étioler et ses richesses vont être dispersées, tout comme Urbin, ville ducale sous la domination pontificale (voir sur ce Blog l’article sur les palais disparus des princes de Ferrare).
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[i] Cet article a été rédigé à partir du livre “L’art de vérifier les dates des faits historiques, des chartes …, Volume 3” 1787. Livre Google Book que l’on peut trouver également sur le site Gallica-BNF, qui a fourni les informations relatives aux différents princes de la maison d’Este. Les développements sur les Guelfes et les Gibelins ont été puisés chez Charles Poulet Guelfes et Gibelins Vol I et Vol II. Les tableaux dynastiques ont été empruntés à un site remarquable sur les Généalogies des dynasties européennes, le site Histoire – Généalogies auquel on peut accéder en cliquant sur ce lien. Voir également les articles Wikipedia sur la Liste des souverains du Saint Empire, sur le pape Innocent III et sur la donation de Constantin. Enfin, diverses informations ont été puisées dans “l’Histoire des Républiques italiennes” tome 6 de Sismonde de Sismondi et dans “The story of Ferrara” de Ellen Noyes et “Dukes and poets in Ferrara“.
j’aie ma grand mére gaspari Marcella nata à fiume il 17/12/1897 sa maman di este Giovanna nata a fiume il 28/05/1875 j aimeraie savoir s’y elle fait partie de la famille d este ou m adresse pour avoir ses renseignements pour mes petits enfants je seraie tres contente de leur dire merci beaucoup
Bonsoir Nicole,
Je n’en sais rien. Je fais des recherches historiques. Pour répondre à votre besoin, je vous invite à consulter un généalogiste italien. Si la maman de votre grand-mère était d’origine noble, il est possible que, désormais roturière, elle ait gardé ce nom par référence à une antique famille. La famille d’ESte a gouverné Ferrare pendant 3 siècles mais s’est repliée sur le duché de Modène lorsque la ville de Ferrare est repassée sous le contrôle de l’Eglise en 1598. C’est donc un généalogiste de Modene qui pourra éventuellement vous répondre. Ceci dit les Este qui s’étaient alliés à la dynastie régnante des Habsbourg autrichiens, ont été rétablis ducs de Modène et archiducs d’Autriche-Este en 1814 jusqu’en 1846. Vous pourriez être inspirée de tourner vos recherches vers l’Autriche, le duc ayant épousé la dernière descendante des ESte, Marie Béatrice d’ESte-Modène, étant le frère même de Marie Antoinette, reine de France, l’archiduc Ferdinand d’Autriche. La maison d’Este est très ancienne avec des origines qui plongent en Italie et en Allemagne: votre aieule peut être une cousine d’une souche récente ou bien d’une souche très ancienne. Le mieux me parait être de vous conseiller d’accumuler le maximum d’indices en posant des questions à vos proches avant de vous armer de patience pour faire le tour des généalogistes. Je vous souhaite bon courage