
Boccace De mulieribus claris Traduction Laurent de Premierfait Illustrations Robinet Testard FrançaisFrançais 599, fol. 50v, Artémise II BNF
Il s’agit du cinquante-troisième portrait de la galerie des cent-six Cleres et nobles femmes de Boccace, qui aborde ici l’histoire d’Artemise II, reine d’Halicarnasse ou Carie (un royaume d’Asie Mineure) après le décès de son époux Mausole, qui se laissa mourir de chagrin deux ans après, en -351. Elle avait fait construire un monument (mausolée) splendide, qui faisait partie des sept merveilles du monde antique.
« XVIII. Histoire d’Artémise. Combat d’écrivains célèbres auprès du tombeau de Mausole.
On dit qu’Artémise eut pour son époux Mausole un amour extraordinaire, au-dessus des passions célèbres que nous retrace la fable, au-dessus de tout ce qu’on peut attendre de la tendresse humaine. Mausole fut, selon Cicéron, roi de la Carie ; selon certains historiens grecs, gouverneur ou satrape de la province de Grèce. Après sa mort, Artémise serrant son corps entre ses bras, et l’arrosant de ses larmes, le fit porter au tombeau avec un magnifique appareil. Ensuite, dans l’ardeur de ses regrets, elle fit mêler les os et les cendres de son époux à des parfums, les fit réduire en poussière, les mêla dans sa coupe avec de l’eau, et les avala. Elle donna encore d’autres marques d’un violent amour. Elle fit élever à grands frais, pour conserver la mémoire de son époux, ce sépulcre fameux, qui mérita d’être compté au nombre des Sept Merveilles du monde. Le jour où elle dédia le monument aux mânes de Mausole, elle établit un concours (de discours, un agon), pour célébrer les louanges de son époux ; le prix était une somme considérable d’argent, et d’autres récompenses magnifiques. Des hommes distingués par leur génie et leur éloquence, vinrent disputer le prix ; c’était Théopompe, Théodecte, Naucrites. On a même dit qu’Isocrate avait concouru. Quoi qu’il en soit, Théopompe fut proclamé vainqueur. Il était disciple d’Isocrate. Nous avons encore de Théodecte la tragédie qu’il composa sous le nom de Mausole. Ce poème de Théodecte fut plus goûté que sa prose, si l’on en croit Hygin dans ses Exemples ».
Hygin donne les dimensions du tombeau[ii]: « le tombeau du roi Mausole, en marbre blanc, haut de quatre-vingts pieds, d’un périmètre de 1340 pieds ».
Le palais construit par Mausole à Halicarnasse, fait l’objet d’une description précise de la part de Vitruve[iii] :
« Dans la ville d’Halicarnase, celui du puissant roi Mausole, bien que les marbres de Proconnèse y brillent de tous côtés, a des murailles de briques qui, offrant encore aujourd’hui une solidité remarquable, sont recouvertes d’un enduit si poli qu’elles semblent avoir la transparence du verre. Et certes ce ne fut pas le manque de ressources qui força le roi de faire construire de si pauvres murailles, lui dans les coffres duquel venaient s’entasser d’immenses tributs, lui le naître de toute la Carie.
« Quant à son habileté et à ses connaissances en architecture, elles nous seront prouvées par les monuments qu’il éleva. Ce roi était né à Mylasse ; mais voyant dans Halicarnasse un site que la nature elle-même avait fortifié, une place avantageuse pour le commerce, un port commode, il y établit sa demeure. Ce lieu ressemblait à un amphithéâtre. La partie basse, voisine du port, fut destinée à devenir la place publique. A la moitié de la colline, qui était de forme arrondie, il fit ouvrir une large et vaste place, au milieu de laquelle fut construit cet admirable mausolée qu’on a mis au nombre des sept merveilles du monde. La partie la plus élevée fut couronnée par le temple de Mars, où l’on voyait une statue colossale, appelée ἀκρόλιθον, ouvrage du célèbre sculpteur Télocharès, ou de Timothée, comme le pensent quelques historiens. A la pointe droite de la colline, il fit bâtir les temples de Vénus et de Mercure auprès de la fontaine Salmacis.
« Il me reste maintenant, puisque je me suis laissé entraîner à énumérer les constructions de Mausole, à en donner une description entière et exacte. J’ai dit que du côté droit se trouvaient le temple de Vénus et la fontaine dont je viens de parler. On voit du côté gauche le palais que ce roi fit construire selon son goût. Il a vue, vers la droite, sur la place publique, sur le port et sur joute la ligne des murailles, et, vers la gauche sur un autre port caché au pied de la montagne, et disposé de manière à ce qu’on ne puisse ni voir, ni connaître ce qui s’y passe ; le roi seul, de son palais, peut, sans que personne le sache, donner aux matelots et aux soldats les ordres qu’il lui plaît. (…)
VI 1 « Je ne sais s’il faut attribuer à la Carie l’invention de l’art de scier le marbre en tablettes. L’exemple le plus ancien de cette pratique, à ma connaissance, est fourni par le palais de Mausole à Halicarnasse : les murailles, en brique, sont recouvertes en marbre de Proconnèse. Mausole mourut la seconde année de la cent sixième olympiade, l’an de Rome 402« .
Vitruve, dans son livre sur l’architecture, nous décrit la conquête de Rhodes par la reine Artemise II, d’après un texte proposé par l’irremplaçable site de Philippe Remacle[iv]:
« Après la mort de Mausole, Artémise, son épouse, monta sur le trône. Les Rhodiens, indignés de voir une femme régner sur toutes les villes de la Carie, arment une flotte, et mettent à la voile pour aller s’emparer de ce royaume. A cette nouvelle, Artémise équipe une flotte, la cache dans ce port avec des matelots et des soldats, et ordonne au reste des citoyens de se tenir sur les remparts.
« Les Rhodiens ayant mis en ligne dans le grand port leur flotte tout appareillée, la reine fait donner du haut des murs un signal pour faire entendre que la ville va leur être livrée : tous sortent de leurs vaisseaux pour entrer dans la ville. Artémise fit incontinent ouvrir le petit port, d’où l’on vit son armée navale gagner la mer pour de là se porter dans le grand. Ses soldats et ses matelots paraissent, s’emparent des vaisseaux vides des Rhodiens, et les emmènent en pleine mer. Les Rhodiens, n’ayant aucun moyen de fuir, furent passés au fil de l’épée sur la place publique, où ils se trouvèrent cernés.
« Cependant Artémise fait monter sur les vaisseaux des Rhodiens ses soldats et ses matelots, et cingle vers Rhodes. Les habitants, à la vue de leurs vaisseaux couronnés de lauriers, s’imaginant que c’étaient leurs concitoyens qui revenaient victorieux, reçurent leurs ennemis.
« Alors la reine, après s’être emparée de l’île, après en avoir fait mettre à mort les principaux habitants, éleva au milieu de la ville de Rhodes un trophée de sa victoire, et fit faire deux statues de bronze, l’une représentant la cité des Rhodiens, l’autre sa propre image qui imprimait au front de sa rivale les stigmates de la servitude.
« Dans la suite, les Rhodiens, arrêtés par leurs scrupules, parce qu’il est défendu d’enlever les trophées consacrés, construisirent autour de ce lieu un édifice, et, comme les Grecs l’entourèrent d’une barrière pour le mettre à l’abri des curieux, ils le firent appeler ἄβατον« .
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[i] Aulu-Gelle Les nuits attiques Livre X – XVIII Histoire d’Artemise. Traduction : Lucien Augé de Lassus, Voyage aux sept merveilles du monde (1878). Site L’antiquité grecque et latine du Moyen Age, de Philippe Remacle.
[ii] Hygin, dans sa Fables, 223, 2.
[iii] Vitruve De l’architecture, II, 8, 11-13). Site L’antiquité grecque et latine du Moyen Age, de Philippe Remacle.
[iv] Vitruve, De l’architecture, livre II, Chapitre 8, 14-15. Site L’antiquité grecque et latine du Moyen Age, de Philippe Remacle.
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