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Naissance de la Numismatique et de l’Epigraphie : Andrea Fulvio, antiquaire de la Renaissance

16 janvier 2017 by Philippe Laisser un commentaire

 

 

 

 

Andrea Fulvio a accédé à la postérité grâce à sa proximité avec Raphael dont il a été le cicérone, pour l’initier aux antiquités de Rome. Humaniste, antiquaire, historien, épigraphe et numismate, il est un grand collectionneur et pourvoyeur d’antiques, grâce sans doute au privilège exclusif dont jouit Raphael depuis le 27 août 1515, pour puiser dans la cité antique les matériaux nécessaires au chantier de construction de la basilique Saint-Pierre.

Le personnage d’Andrea Fulvio apparaît dans mon roman : « Les Roses de Camerino« . Il était utile de proposer au lecteur d’en savoir davantage.

La vie d’Andrea Fulvio ne semble pas avoir été étudiée jusqu’à présent. Pourtant, ses publications font de lui un des tout premiers spécialistes du monde antique à la Renaissance[i].

Andrea Fulvio se dit lui-même originaire de Palestrina, au cœur des Etats dominés depuis le douzième siècle par les Colonna. Il y serait né dans les années 1470. Mais il se dit également « sabin » : or la population sabine, se situait au nord-est de Rome, alors que Palestrina est au sud-est.

Il vient probablement d’un milieu aisé car il fait ses études à Rome, en compagnie de son frère Giovanni. Peut-être a-t-il été destiné par sa famille à la profession cléricale ? Il partage déjà, avec son frère, le goût pour l’archéologie et pour la poésie en latin car il compose deux épigrammes en latin sur les monuments antiques.

Au cours de ses études, Andrea Fulvio pénètre les milieux humanistes de Rome et il est l’élève, notamment, de Pomponio Leto (voir sur ce Blog l’article sur Pomponio Leto et l’Academia Romana). Cette proximité lui permet d’acquérir une écriture latine élégante, tandis qu’il initie son maître à la passion des antiquités. Andrea Fulvio est en effet devenu en quelques années un spécialiste des épigraphes (inscriptions placées au bas des monuments pour indiquer leur origine) et, déjà, de la numismatique (étude des monnaies et des médailles).

La première description des monuments de Rome : Antiquitate Urbis

L’encyclopédie Treccani rapporte l’anecdote d’une inscription acquise par Andrea Fulvio pour un florin (une somme considérable quand on sait qu’un artiste de grand talent recevait cent florins par an), auprès d’un tailleur de pierre et offerte à Pomponio Leto. L’admiration qu’il a toujours éprouvée pour Leto, va pousser trente ans plus tard, Andrea Fulvio à décrire la maison de l’humaniste sur le Quirinal dans son Antiquitate Urbis.

Jouissant d’un bon revenu mais sans patron influent, Andrea Fulvio vit les vingt années suivantes, jusqu’à l’avènement de Léon X, comme enseignant de grammaire et de lettres latines, aux appointements de cinquante florins par an, à l’Université de Rome dans le quartier Saint-Eustache (voir sur ce Blog l’article Du gymnase de Léon X à la Sapienza: l’Université de Rome dans tous ses états). En imitant son maître disparu, il habite au cœur de ce quartier, une maison remplie d’antiquités et d’inscriptions.

Au cours de cette période, il fréquente les cercles humanistes et notamment ceux de Johann Göritz et le poète Angelo Colocci, secrétaire de Léon X, qui reçoit dans sa villa près de l’aqueduc de « l’Aqua Virgo ».

Au cours des années 1510, il s’intéresse à la métrique latine, qui fait partie de ses enseignements. « A la demande de l’une de ses étudiantes, Dianora Leoli, fille de Burgundio Leoli de Pise, qui a été avocat consistorial du pape Alexandre VI, il écrit un traité des lois métriques latines, le «Ars métrica », probablement publié entre 1510 et 1512, en l’ accompagnant d’un poème latin » (Encyclopédie Treccani op. déjà cité).Eugène Müntz (article sur Raphael) estime que l’ouvrage a été publié en 1487.

La recherche d’un protecteur lui fait tenter sa chance auprès du cardinal Pompeo Colonna, auquel il adresse une épître, accompagnée d’une lettre, mais qui reste sans résultat.

Entre le printemps 1512 et l’été 1513, il obtient, après plus de vingt-cinq ans passés à Rome, la citoyenneté romaine. Il a alors l’idée, en reconnaissance, de composer en hexamètres latins, une élégie sur les monuments de Rome, « Antiquitate Urbis » qu’il achève en 1513, son guide topographique des ruines antiques et des vestiges romains de la ville, qui ne sera imprimé qu’en 1527, sous sa forme en prose.

Il s’agit de la première description en vers des antiquités de Rome. Il offre l’œuvre au pape Léon X, qui vient d’être élu. Le pape le remercie mais il invite Andrea Fulvio à préparer une version en prose, plus approfondie.

Epigrammata antiquae Urbis Andrea Fulvio

La naissance de l’épigraphie : « Epigrammata antiquae Urbis »

L’encyclopédie Treccani estime que Andrea Fulvio a dû participer au travail de Francesco Albertini publié en 1510 chez Mazzocchi, « Opusculum de mirabilibus novae & Veteris urbis Romae » car il intervient dans la préface de l’ouvrage, avec un épigramme en latin, placé juste en dessous du titre de l’oeuvre.

Le 30 novembre 1517, soit deux ans à peine après l’attribution à Raphael de son privilège papal d’extraction de matériaux de la cité antique pour le chantier de construction de la basilique Saint-Pierre (voir sur ce Blog l’article sur Raphael : conservateur de la Rome antique et inventeur du dessin d’architecte), « un des principaux éditeurs de Rome, Jacques Mazzocchi, obtenait de Léon X un privilège de sept ans, pour le recueil qu’il se proposait de publier sous le titre de « Epigrammata antiquae Urbis », et, quatre années plus tard, au mois d’avril 1521, son travail, un superbe in-folio de quatre cents pages, était livré au public. Ce volume, le plus ancien recueil épigraphique imprimé que nous possédions, en préservant de l’oubli les innombrables inscriptions que Rome possédait alors, concourait donc au but poursuivi par Raphaël : il offrait, en outre, des gravures sur bois, assez bien faites, de plusieurs des monuments romains les plus remarquables : la porte Saint-Laurent, le pont Sainte-Marie, l’arc de Constantin (sans les sculptures), l’arc de Septime-Sévère, le Panthéon, la colonne Trajane, la pyramide de Cestius, l’obélisque du Vatican, etc… » (Eugène Müntz Raphael Archéologue et historien d’art).

Epigrammata antiquae Urbis Andrea Fulvio Le Pantheon

D’après Eugène Müntz, cette publication, anonyme et collective, est principalement l’œuvre d’Andrea Fulvio.

Epigrammata antiquae Urbis Andrea Fulvio Les trois grâces

La naissance de la numismatique : « Illustrium imagines »

Cette section résulte d’un article publié en mars 2013, dans la Revue Anabases[ii].

« En 1517 parut à Rome, chez Jacopo Mazzocchi, le premier recueil imprimé d’effigies d’empereurs et d’hommes illustres fondé sur des sources numismatiques.

 

Le principal contributeur de cet ouvrage collectif était l’antiquaire Andrea Fulvio, dont on connaît par ailleurs les publications sur les ruines et la topographie de Rome. Dans ce livre de poche intitulé « Illustrium imagines », où 204 notices biographiques accompagnées de portraits en médaillons sont présentées dans l’ordre chronologique, les « personnages illustres » sont pour la plupart les empereurs romains et romains germaniques, d’Auguste à Conrad le Salique, et les membres de leur famille. Janus, Alexandre le Grand ; quelques célébrités de la République romaine les précèdent et quelques empereurs byzantins et princes carolingiens leur font suite.

 

Les textes, qui tiennent en quelques lignes, se réduisent le plus souvent aux données généalogiques et passent sous silence les événements politiques et militaires, bien connus par Suétone, Dion Cassius, Hérodien et l’Histoire Auguste ou d’autres sources littéraires, auxquelles il n’est d’ailleurs jamais fait référence.

 

Illvstrivm imagines Andrea Fulvio Alexandre le Grand

En fait, la modernité de ce petit in-octavo réside dans les portraits, de profil, dont le sous-titre précise qu’ils sont tirés des monnaies antiques : « Imperatorum et illustrium virorum ac mulierum vultus ex antiquis nomismatibus expressi », mais qui sont dans bien des cas des inventions de la Renaissance. Ainsi les visages des pères, mères et femmes des empereurs romains ont pour la plupart été dessinés pour l’occasion, parce qu’ils n’étaient pas connus par des monnaies antiques.

 

Illvstrivm imagines Andrea Fulvio Cleopatre

D’autres portraits trouvent leur source dans des plaquettes de bronze. Par exemple l’effigie de Jules César, buste lauré à droite avec « paludamentum retenu par une fibule inscrite SPQR, lituus » dans le champ à gauche a connu un grand succès : on la retrouve sur bien d’autres supports, tels que des gemmes, un manuscrit de la bibliothèque privée de Jules II daté de 1507, des reliures à la médaille (21 exemplaires recensés, de 1480).

 

Les « Illustrium imagines » ne semblent pas avoir inspiré les peintres d’histoire, tandis que les hommes du livre et les décorateurs ont su en tirer parti. On entrevoit par exemple à Gênes, depuis la chute partielle du crépi d’un palais, piazza Sauli, une peinture murale qui comprend notamment une frise, entre les étages, où trois médaillons sont encore visibles, qui reproduisent des gravures du livre de 1517 (…).

 

La fortune des gravures de ce livre a été considérable, comme l’indique le nombre des contrefaçons et imitations auxquelles elles ont donné lieu dans le deuxième quart du XVIe siècle, notamment en France et dans l’Empire, où les médaillons sculptés envahissaient les monuments, alors qu’ils passaient de mode en Italie.

 

Le « libraire » François Juste a donné une copie conforme de ce livre (Lyon, 1524), dont l’illustration est de loin inférieure à celle de l’original, et Johann Huttich en a repris toutes les gravures mais avec des notices plus développées (Strasbourg, 1525, 1534 et contrefaçons à Lyon en 1550 et 1552). Dans l’épître au lecteur, Huttich précise qu’il a pour sa part composé un petit livre des vies des empereurs et que l’illustration numismatique lui a été imposée par son éditeur à l’intention des lecteurs qui ne disposeraient pas d’un médaillier » (Jean Guillemain : L’invention de la numismatique).

La collaboration avec Raphael de 1515 à 1521

Le 27 août 1515, Raphael est chargé, par un bref du pape Léon X, du monopole de l’extraction de matériaux de la cité antique pour alimenter le chantier de construction de la basilique Saint Pierre (voir sur ce Blog l’article sur Raphael : conservateur de la Rome antique et inventeur du dessin d’architecte).

« Andrea Fulvio dit, dans la préface de son livre intitulé « Antiquitates Urbis per Andream Fulvium antiquarium R. nuperrime editœ », et publié en 1527, sept ans après la mort de Raphaël : « J’ai pris soin de sauver de la destruction, et de rétablir, avec les autorités des écrivains, les restes antiques de Rome  et j’ai étudié dans chaque quartier les anciens monuments, que, sur mon indication, Raphaël d’Urbin, peu de jours avant sa mort, avait peints au pinceau » (Note de bas de page du livre Raphael et l’Antiquité de F.A Gruyer).

Avec cette précision, Andrea Fulvio se donne sans doute le beau rôle. Cependant il est de fait qu’il est un réel spécialiste de la Rome antique et c’est certainement lui qui va guider Raphael, et, peut-être, accélérer chez ce dernier, la prise de conscience sur la nécessité de préserver les antiquités de Rome, qui se dégradent à toute vitesse (voir à ce sujet la Lettre de Raphael dans l’article déjà cité de Raphael archéologue).

Il va parcourir inlassablement les ruines, avec Raphael et, alternativement, Pietro Bembo ou Baldassare Castiglione, pour effectuer le dessin et la mesure topographique des bâtiments antiques.

C’est sans doute le privilège dont bénéficie Raphael, qui lui permet d’enrichir ses collections personnelles d’épigraphes et de monnaies et médailles, grâce auxquelles il publie les résultats de ses travaux en 1517 et 1521. Du reste, après la mort de Raphael, il ne publiera rien d’autre que son « Antiquitate Urbis », en 1527, qui est la version approfondie en prose, de son ouvrage en vers, publié en 1513.

Andrea Fulvio va probablement mourir au moment du sac de Rome, le 6 mai 1527 (voir sur ce Blog l’article sur le Sac de Rome), car on n’entendra plus jamais parler de lui après cette date.

____________________________________

[i] La matière de cet article est principalement issue de l’article Andrea Fulvio de l’Encyclopédie Treccani en italien,   et de sources diverses, notamment Eugène Müntz Raphael Archéologue et historien d’art A Quantin Paris 1880 Source Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 4-Z-2001 (2)  Livre Gallica BNF, l’ouvrage de F. A. Gruyer Raphaël et l’antiquité. Tome 1  et un article cité dans la note qui suit.

[ii]  L’invention de la numismatique : des arts décoratifs aux sciences auxiliaires de l’histoire Jean Guillemain Revues.org 1er mars 2013 Anabases Traditions et réceptions de l’Antiquité.

Classé sous :Humanistes, Imprimerie, Italie, LES ROSES DE CAMERINO, Littérature, Rome

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logo.jpg Après une première vie dans la Finance, je me suis reconverti dans l'écriture. Ma spécialité c'est l'Histoire. Mon genre ? Le roman historique.

Mon nom ? Philippe Gendre. J'ai adopté un nouveau nom, Gratien, car ma nouvelle vie est totalement indépendante de la précédente : c'est une re-naissance d'où l'époque historique de mon premier roman.

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