
Boccace De mulieribus claris Traduction Laurent de Premierfait Illustrations Robinet Testard Français 599, fol. 79v, Epicharis filant BNF
Il s’agit du quatre-vingt-onzième portrait de la galerie des cent-six Cleres et nobles femmes de Boccace, qui présente une inconnue, Epicharis, une courtisane, membre de la conjuration de Pison, qui projetait l’assassinat de Néron, montrer des preuves d’un courage exceptionnel.
L’affaire est racontée par Tacite:
« LI. Pendant que les conjurés indécis reculaient le terme de leurs espérances et de leurs craintes, une femme nommée Épicharis, qui était entrée dans le secret sans qu’on ait su comment (rien d’honnête jusqu’alors n’avait occupé sa pensée), les animait par ses exhortations et ses reproches. Enfin, ennuyée de leurs lenteurs, et se trouvant en Campanie auprès de la flotte de Misène, elle essaye d’en ébranler les chefs et de les lier au parti par la complicité. Voici le commencement de cette intrigue : un des chiliarques (1) de la flotte, Volusius Proculus, avait eu part à l’attentat de Néron contre les jours de sa mère, et se croyait peu récompensé pour un crime de cette importance. Soit qu’Épicharis le connût auparavant, ou qu’une amitié récente les unit, il lui parle des services qu’il avait rendus à Néron et du peu de fruit qu’il en recueillait. Les plaintes qu’il ajoute, sa résolution de se venger, s’il en avait le pouvoir, donnèrent à Épicharis l’espérance de l’entraîner, et, par lui, beaucoup d’autres. La flotte eût été d’un grand secours et aurait offert de fréquentes occasions, le prince aimant beaucoup à se promener sur mer à Pouzzoles et Misène. Épicharis poursuit donc l’entretien et passe en revue tous les forfaits de Néron : « Oui, le sénat était anéanti, mais on avait pourvu à ce que le destructeur de la république expiât ses crimes : que Proculus se tînt prêt seulement à seconder l’entreprise et tâchât d’y gagner les plus intrépides soldats ; il recevrait un digne prix de ses services » Elle tut cependant le nom des conjurés : aussi les révélations de Proculus furent-elles sans effet, quoiqu’il eût rapporté à Néron tout ce qu’il avait entendu. Épicharis, appelée et confrontée avec le délateur, réfuta sans peine ce que n’appuyait aucun témoin. Toutefois, elle fut retenue en prison, Néron soupçonnant que des faits dont la vérité n’était pas démontrée pouvaient encore n’être pas faux« .
La conspiration de Pison est partagée par un nombre de plus en plus important de conjurés. La trahison survient de la part d’un esclave affranchi par son maître qui, ayant eu accès au testament préparé par ce dernier, part dénoncer le complot à Néron, via ses affranchis. Conduit devant l’empereur, il nomme des conjurés. Les arrestations commencent, extrêmement nombreuses et brutales. La plupart des conjurés n’hésitent pas à dénoncer tout et tous pour sauver leur vie…
LVII. Néron cependant se ressouvint qu’Épicharis était détenue sur la dénonciation de Proculus, et, persuadé qu’un sexe si faible ne résisterait pas à la douleur, il donna ordre qu’on la déchirât de tortures. Mais ni le fouet, ni les feux, ni la rage des bourreaux, qui redoublaient d’acharnement pour ne pas être bravés par une femme, ne purent lui arracher un aveu. C’est ainsi que le premier jour elle triompha de la question. Le lendemain, comme on la traînait au même supplice, assise dans une chaise à porteur (car ses membres tout brisés ne pouvaient plus la soutenir), elle défit le vêtement qui lui entourait le sein, et, avec le lacet, forma un noeud coulant qu’elle attacha au haut de la chaise ; puis elle y passa son cou, et, pesant sur ce noeud de tout le poids de son corps, elle s’ôta le souffle de vie qui lui restait : courage admirable dans une affranchie, dans une femme, qui, soumise à une si redoutable épreuve, protégeait de sa fidélité des étrangers, presque des inconnus ; tandis que des hommes de naissance libre, d’un sexe fort, des chevaliers romains, des sénateurs, n’attendaient pas les tortures pour trahir à l’envi ce qu’ils avaient de plus cher. Car Lucain même, et Sénécion, et Quinctianus, dénonçaient encore et révélaient complices sur complices, au grand effroi de Néron, qui tremblait de plus en plus, malgré les, gardes sans nombre dont il s’était environné« .
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[i] Tacite Annales Livre XV.
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