
Boccace De mulieribus claris Traduction Laurent de Premierfait Illustrations Robinet Testard FrançaisFrançais 599, fol. 61v, Theoxena allaitant BNF
Il s’agit du soixante-neuvième portrait de la galerie des cent-six Cleres et nobles femmes de Boccace, qui présente Théoxène, une patricienne de Macédoine, persécutée par le roi Philippe de Macédoine, père d’Alexandre le Grand. L’histoire de Theoxena est racontée par Tite-Live[i].
« [40,4] Acharnement de Philippe sur la famille d’Hérodicus
C’était un système atroce de cruautés; mais la fin tragique d’une famille entière le rendit plus cruel encore. Hérodicus, l’un des principaux Thessaliens, avait été plusieurs années auparavant égorgé par ordre de Philippe, qui avait ensuite ôté la vie à ses deux gendres. Les filles d’Hérodicus étaient restées veuves, ayant chacune un fils en bas âge; elles se nommaient Théoxène et Archo. Théoxène ne voulut pas se remarier, malgré les nombreux prétendants qui sollicitèrent sa main; mais Archo épousa un certain Poris, qui était sans contredit le plus considérable des Éniens, et après lui avoir donné plusieurs enfants, elle mourut laissant toute sa famille en bas âge. Alors Théoxène, pour veiller elle-même à l’éducation de ses neveux, unit sa destinée à celle de Poris et traita avec une égale tendresse son fils et les enfants de sa soeur, comme si elle eût été leur véritable mère à tous.
Dès qu’elle eut appris l’ordre donné par le roi d’arrêter les enfants de ses victimes, persuadée qu’ils seraient le jouet des passions brutales du roi et même de ses gardes, elle conçut un horrible projet et elle osa dire qu’elle les tuerait tous de sa propre main plutôt que de les laisser tomber au pouvoir de Philippe. Poris frémit d’horreur à l’idée d’un si exécrable forfait et lui dit qu’il les conduirait à Athènes chez des hôtes fidèles et qu’il les accompagnerait lui-même dans leur exil.
Ils partirent donc de Thessalonique pour Aenia, sous prétexte d’assister au sacrifice solennel que la ville offre tous les ans en grande pompe à son fondateur Énée. Après avoir, pendant la journée, pris part au festin sacré, ils s’embarquèrent la nuit, vers la troisième veille, quand tout le monde dormait, sur un vaisseau que Poris avait fait préparer, et levèrent l’ancre comme pour retourner à Thessalonique; leur intention était de passer en Eubée. Mais le vent était contraire, et malgré tous leurs efforts, ils étaient encore tout près du rivage lorsque le jour parut. Les gens du roi, préposés à la garde du port, envoyèrent aussitôt un brigantin armé, avec l’ordre exprès d’arrêter ce bâtiment et de ne pas revenir sans le ramener.
Poris, voyant approcher l’ennemi, n’en excitait que plus les rameurs et les matelots; par moments aussi il levait les mains au ciel et conjurait les dieux de venir à son secours; mais Théoxène, reprenant toute son énergie, revint alors au dessein qu’elle avait formé, prépara du poison, tira un poignard et présentant le breuvage et le fer à sa famille: « La mort, dit-elle, est notre unique ressource. Voici deux moyens d’y arriver; choisissez chacun celui qui vous convient et dérobez-vous aux outrages du tyran. Allons, mes enfants, que les aînés donnent l’exemple; prenez ce fer ou buvez ce poison, si vous préférez une mort plus lente. » L’ennemi les avait presque atteints, et leur mère ne cessait de les exciter à mourir. Ils mirent tous fin à leur vie de différentes manières; puis leur mère, après les avoir précipités mourants au sein des flots et avoir embrassé son mari, s’élança avec lui dans la mer. Le navire était vide, lorsque les gens du roi s’en rendirent maîtres« .
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[i] Tite-Live Histoire Romaine Livre XXIV : Les événements des années 215 à 213.
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