L’Hôtel de Bourbon était adossé à la forteresse du Louvre dont il a longtemps constitué un appendice. C’était la plus grande salle de Paris avec soixante-huit mètres de long sur treize de large et la monarchie avait pris l’habitude de l’utiliser pour les grandes réunions publiques telles que les Etats Généraux ou les grands divertissements royaux. Il a même survécu à la reconstruction du Palais du Louvre. Mais il n’a pas résisté aux promoteurs des galeries commerciales du dix-septième siècle qui ont redéfini le paysage de Paris que nous connaissons aujourd’hui.
De 1310 jusqu’à 1527: la grandeur des Ducs de Bourbon
L’Hôtel de Bourbon qui a été appelé plus tard la salle du Petit-Bourbon, sans doute par suite d’une destruction partielle de l’Hôtel, a été construit au XIVème siècle par Louis II de Bourbon, l’architecte de la puissance des Bourbons.
Louis de Bourbon a été fait prisonnier à la bataille de Poitiers en 1356. Emprisonné pendant dix ans, il n’obtient finalement sa libération qu’en 1366. A son retour, il trouve son duché livré aux exactions des grandes compagnies et aux guerres privées des barons. Il met de son côté la noblesse en prononçant l’absolution des crimes de ses vassaux et en créant un ordre de chevalerie: l’ordre de l’Ecu d’Or. Ce qui lui permet, fort de l’appui des nobles, de vaincre les grandes compagnies en deux engagements successifs.
Louis II est l’architecte de la puissance de l’Etat bourbonnais non seulement par les extensions territoriales qu’il réalise par son mariage avec Anne, dauphine d’Auvergne qui lui apporte le Forez, par des héritages (notamment ceux de la Baronnie du Beaujolais et de la Principauté de Dombes) et enfin en raison de la dot de l’Auvergne pour l’épouse de son fils, en contrepartie de son acceptation de transformer en Apanage le duché de Bourbon.
Portrait de Louis II de Bourbon – Livres des Hommages du Comté de Clermont-en-Beauvaisis – Collection de Gaignières Bibliothèque nationale de France, BnF, Est. RESERVE Oa-13-Fol., Fol. 25. Bouchot, 453 BNF
Louis II fait reconstruire (1) ou embellir la plupart des châteaux du Bourbonnais et le château de Moulins. Il fait ériger la Chapelle ducale en collégiale de douze chanoines en 1386, conférant ainsi à Moulins, un prestige religieux. Il fait réparer les murailles de la ville de Moulins en 1373, il fonde l’hôpital Saint-Nicolas, un hospice pour les vieux serviteurs du duché. Il centralise l’administration du duché à Moulins, réorganise les Châtellenies et crée une Chambre des comptes du duché, qui est installée dans un bâtiment appelé « l’Ancien Palais« , tout près de l’entrée du Château de moulins et dont le premier Président est Jean Gaiget, un bourgeois de Moulins (2).
L’hôtel devient le petit-Bourbon au XVIIème siècle
L’Hôtel de Bourbon fut construit en 1310 par Louis 1er de Bourbon (3) entre le Louvre et l’Eglise Saint-Germain l’Auxerrois. Quatre vingt ans plus tard, Louis II de Bourbon le reconstruit dans l’état où il apparaît sur les tableaux de l’époque et notamment sur le Retable du Parlement de Paris.
Derrière les trois personnages, on voit la forteresse du Louvre et sur la droite, l’hôtel du Petit-Bourbon qui contenait la plus grande salle de Paris (68 m de long sur 13 de large). Retable du Parlement de Paris milieu 15e siècle Ecole française Crédit photographique (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi Inventaire n°RF2065 Fonds Peintures Huile sur bois H 2,260 L 2,700 Paris, musée du Louvre.
Le bâtiment devint la résidence du Duc de Bedford, Régent de France, pendant l’occupation anglaise, puis revint en 1436 aux ducs de Bourbon. Après sa trahison et sa mort en 1527 devant les murs de Rome, le Connétable de Bourbon se vit confisquer tous ses biens. Faute d’entretien, l’Hôtel de Bourbon commença à se dégrader et à la fin du seizième siècle, une rue fut percée à travers les communs pour relier la rue Saint-Honoré et le Quai du Louvre.
Le Louvre durant le règne de Charles V (1337-1380) Forteresse construite par Philippe Auguste (1165-1223), transformée en résidence royale par Charles V Hoffbauer Théodore-Joseph-Hubert (1839-1922) Photo (C) RMN-Grand Palais / Agence Bulloz Cote cliché 08-516290 N° d’inventaire Fonds Dessins Aquarelle Paris, musée Carnavalet
Comme le souligne l’Atlas historique de Paris, François 1er fait du Louvre sa résidence à Paris, à son retour de captivité. A la fin de son règne, il décide d’élever un nouveau palais à la place de l’ancienne forteresse et il choisit les plans de Pierre Lescot, en 1546, un an avant sa mort. L’aile ouest est alors abattue et le chantier, qui durera une vingtaine d’années, laisse le Louvre dans l’état où il apparaît en 1615, dans le plan de Mérian ci-dessous:
Plan de Paris en 1615 par Mathieu Mérian (1593-1660) Bibliothèque nationale de France, département Cartes et plans, GE C-3735 GALLICA BNF
On voit que le Louvre avait toujours deux ailes médiévales, au nord et à l’est, qu’il conserva jusqu’en 1624. Dans le plan de Mérian ci-dessus, l’Hôtel de Bourbon, raccourci, est désormais bordé par deux rues, l’une à l’Est et l’autre à l’ouest. C’est sans doute à partir de cette époque où il ne restait plus que la chapelle et la grande salle qu’on se mit à l’appeler le « Petit-Bourbon« .
La salle du Petit-Bourbon sert alors de salle de réception pour les grandes manifestations de la monarchie: en 1581, elle avait accueilli la représentation du ballet comique de la reine Louise de Lorraine-Vaudémont, l’épouse du roi Henri III en l’honneur des noces du Duc de Joyeuse.
Balet comique de la Royne , faict aux nopces de monsieur le duc de Joyeuse & madamoyselle de Vaudemont sa soeur. Par Baltasar de Beaujoyeulx, valet de chambre du Roy, & de la Royne Beaujoyeulx, Balthazar de (1535?-1587? – Filleul, Nicolas (1530-1575), La Chesnaye (15..-16.. ; librettiste), Billard de Courgenay, Claude (1550-1623) , Aubigné, Théodore Agrippa d’ (1552-1630). Auteur Beaulieu, Lambert de. Compositeur, Salmon, Jacques (1545-158.). Compositeur, Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES4-LN27-10436 (EPSILON), BNF
La salle fut utilisée en 1614, pour les Etats Généraux. Le Mercure français décrit en 1614, la salle du Petit-Bourbon en ces termes: « Cette salle est de dix-huit toises de longueur, sur huit de largeur : au bout de laquelle est encore un demi-rond de sept toises de profondeur, sur huit et demie de large, le tout en voûte semé de fleurs de lis. Son pourtour est orné de colonnes avec leurs bases, chapiteaux, architraves, frises et corniches d’ordre dorique : entre icelles corniches, des arcades en niches. En l’un des bouts de la salle, s’élevait un théâtre de six pieds de hauteur, de huit toises de largeur et d’autant de profondeur. Le dais de leurs majestés, en face du théâtre, était à l’autre bout de la galerie.(site muse baroque déjà cité) »
Etats généraux réunis par Louis XIII, 27 octobre 1614 Dans la salle de l’hôtel du Petit-Bourbon au Louvre Le Romain (dit), Alaux Jean (1786-1864) Crédit photographique Photo (C) RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot vers 1841 Huile sur toile H 4,000 L 3,700 Cote cliché 89-000722-02 N° d’inventaire MV2274 Fonds Peintures Versailles, Musée National des châteaux de Versailles et de Trianon
La transformation par Mazarin en salle de spectacles en 1645
En 1645, Giacomo Torelli vint en France à l’invitation de Mazarin, pour équiper la salle du Petit Bourbon de machineries théâtrales élaborées. Puis en 1650, Mazarin toujours fit adapter les décors antérieurs de Torelli pour les représentations triomphales de l’opéra d’Andromède par Pierre Corneille.
On y représente en 1653, le Ballet de la Nuit, de Lully, puis, en 1654, les Noces de Pelée et Thetis: il s’agissait d’une comédie italienne entrecoupée de musique et d’un ballet, qui fut jouée neuf fois dans la salle du Petit-Bourbon (4) .
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=lrSN9LGJp2c[/youtube]
Type de divertissement musical annexe à un spectacle au XVIIème siècle
A partir de 1645 jusqu’à 1659, la salle est exploitée par les comédiens italiens de Tiberio Fiorelli, dit « Scaramouche« . On y représente alors fréquemment des farces en trois actes selon la formule de la « Comedia dell Arte« . Molière s’y installe lorsque la troupe de Fiorelli repart en Italie, en 1659. Il n’y restera pas longtemps car l’Intendant des Bâtiments du Roi, Ratabon, décide de faire détruire la salle qui gênait le plan de réaménagement de la Colonnade du Louvre (5).
Molière en appelle au roi Louis XIV, qui lui fait allouer par Ratabon, la salle du Palais Royal, partiellement réhabilitée où il restera douze années.
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(1) Moulins Ville d’Art et d’Histoire – Laissez vous conter
(2) « Les ducs de Bourbon (de Louis II au Connétable de Bourbon): leurs pouvoirs et leur pouvoir » par André LEGUAI Actes des congrès de la société des Historiens médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public Année 1992 Volume 23 numéro 23 pages 211-228
(3) Voir à ce sujet l’article sur le site Muse Baroque qui précise l’histoire de cette salle. Le nom du Petit Bourbon dut être donné à ce qui restait des constructions après le percement d’une rue à la fin du XVIème siècle.
(4) On lira avec intérêt le remarquable article du site Baroque, consacré à cette oeuvre et à ses représentations.
(5) On comprend mal en quoi la salle du Petit Bourbon gênait la colonnade du Louvre, située à plus de trois cents mètres de là. Il y avait probablement d’autres raisons impérieuses.
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