
Boccace De mulieribus claris Traduction Laurent de Premierfait Illustrations Robinet Testard Français 599, fol. 12, Martesia et Lampeto BNF
Ces portraits sont respectivement les dixième et onzième de la galerie des cent-six Cleres et nobles femmes de Boccace.
Il s’agit, en haut de Lybie, la reine de Lybie, fille du roi Epaphus d’Egypte et de sa femme Cassiopée. Elle se maria avec Neptune, un puissant étranger. Ils eurent un fils nommé Busiris, qui devint tyran de la Haute Egypte.
Cette histoire est tirée en réalité d’une fable d’Ovide, dans les Métamorphoses, qui a confondu Io et Isis en déclarant cette dernière, originaire de Crète. Io, fille d’Inachus, roi d’Argos, séduisit Jupiter qui en tomba amoureux. Pour éviter la jalousie de Junon, il changea Io en vache. Junon parut touchée de la beauté de cette vache, la lui ayant demandée, Jupiter n’osa la lui refuser. Elle la donna en garde à Argus qui avait cent yeux, lui ordonnant de faire une garde vigilante. Mais Jupiter envoie Mercure qui endort Argus avec les doux accents de sa flute, lui coupe la tête et délivre Io. Après avoir erré en Illyrie, en Scythie et chez les Cimmériens, Io arrive en Egypte où Jupiter, ayant apaisé Junon, lui rend sa première figure. Ce fut là qu’elle accoucha d’Epaphus et, étant morte quelques temps après, les Egyptiens l’adorèrent sous le nom d’Isis. Il convient de noter que cette ascendance grecque d’Isis est contestée par Diodore de Sicile et Plutarque.
En bas, les deux femmes sont Martesia et Lampeto, les reines des Amazones. Martesia et Lampeto sont deux soeurs qui s’appelaient les soeurs de Mars à cause de leur réputation de combattantes.
Alain Bertrand, l’auteur du livre « L’Archémythe des Amazones »[ii], évoque ainsi l’histoire de Martesia et Lampeto. D’après Paul Orose, un espagnol qui a rédigé au 5ème siècle, une Histoire contre les paiens, à la demande de Saint Augustin, comme pour Jordanes ou Jornandez, évêque de Crotone en Calabre et historien du VIème siècle, dans son Histoire des Goths, il existe un rapport entre les Goths et les Amazones, prouvé par la guerre menée en Scithie par Vésosis, roi des Egyptiens.
D’après Justin, citant Trogue-Pompée »Ce fut alors, dit-on, que Vesosis porta chez les Scythes, une guerre qui tourna contre lui-même. Je veux parler ici de ceux que d’anciens témoignages nous donnent comme les époux des Amazones, ces femmes guerrières dont parle expressément Orose. D’où nous tirons la preuve incontestable que ce fut contre les Goths que combattit ce roi alors qu’il attaqua les époux des Amazones« . D’après Alain Bertrand, ces « époux » seraient les Scythes Sauromates.
C’est Justin, d’après Trogue-Pompée[iii], qui donne le version la plus détaillée de l’origine du mythe des Amazones: « Deux jeunes princes Scythes, Plynos et Scolopitus, entraînèrent avec eux la jeunesse. Ils s’arrêtèrent sur les confins de la Capaddoce, près du fleuve Thermodon, et s’emparèrent des plaines de Thesmicyre, situées le long de ce fleuve. Ils y vécurent pendant plusieurs années des dépouilles des peuples voisins. Mais ceux-ci se liguèrent contre eux, les surprirent et les massacrèrent. Leurs femmes, voyant désormais le veuvage ajouté à l’exil, prennent les armes, éloignent d’abord l’ennemi des frontières, et l’attaquent bientôt jusque chez lui. Elles renoncent au mariage qu’elles appellent une servitude et, avec une audace dont l’histoire n’offre pas d’exemple, elles agrandissent leur empire sans le secours des hommes. Afin que les unes ne soient pas plus heureuses que les autres, elles tuent le peu d’hommes qui restaient encore et vengent par la destruction de leurs voisins, le massacre de leurs voisins. Ayant acquis la paix par la force des armes, elles invitent au partage de leur lit les peuples voisins, pour perpétuer leur race. Elles tuent tous les enfants mâles, et élèvent leurs filles à leur manière, non dans l’oisiveté ou le travail de la laine, mais dans le métier des armes, dans l’exercice de l’équitation et de la chasse. Pour leur faciliter l’usage de l’arc, elles leurs brûlaient, dès leur enfance, le sein droit, d’où leur vint le nom d’Amazones« .
Jornandes, dans sa version « gothique » de l’origine des Amazones précise, cité par Alain Bertrand: « Un peuple voisin attaqua les femmes des Goths et voulut en faire sa proie. Mais celles-ci résistèrent vaillamment à leurs ravisseurs et repoussèrent l’ennemi qui fondait sur elles, à sa grande honte. Cette victoire affermit et accrut leur audace: s’excitant les unes les autres, elles prennent les armes et choisissent pour les commander, Lampeto et Martesia (ou Marpesia), deux d’entre elles, qui avaient marqué le plus de résolution. Celles-ci, voulant porter la guerre au dehors et pourvoir en même temps à la défense du pays, consultèrent le sort qui décida que Lampeto resterait pour garder les frontières. Alors Marpesia se mit à la tête d’une armée de femmes et conduisit en Asie, ces soldats d’une nouvelle espèce. Là, soumettant certaines nations par les armes et se conciliant l’amitié des autres, elle parvint jusqu’au Caucase, et, y étant demeurée un certain temps, elle donna son nom au lieu où elle s’était arrêtée: le rocher de Marpesia. C’est en ce lieu qu’Alexandre établit plus tard des Portes qu’il appela les Pyles Caspiennes« .
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[i] Epaphus : roi d’Egypte et père de Lybie, serait le fils de Jupiter et de Io, selon une fable rapportée par Ovide, dans les Métamorphoses. Voir La mythologie et les fables expliquées par l’histoire Tome 1 par l’abbé Banier, à Paris 1738 (Google book).
[ii] L’Archémythe des Amazones, par Alain Bertrand, Livre Google Book.
[iii] D’après l’article Wikipédia éponyme, Jordanès ou Jornandès est un historien de langue latine du VIème siècle, connu principalement comme l’auteur d’une Histoire des Goths (Getica) composée en 551, résumé d’une œuvre perdue de Cassiodore, lui-même historien des Goths au début du vie siècle. Trogue Pompée est le premier historien Gallo-romain. Son oeuvre historique n’est connue qu’à travers l’abrégé qu’en donna Justin.
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