La capitale de la Sologne faisait partie en cette fin de XVème siècle, des fiefs de la Maison d’Angoulême. [i]
Elle y était entrée fortuitement par la vente [ii] convenue en 1391 entre Guy II de Châtillon et Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI, des châtellenies de Romorantin et de Millançay et des comtés de Blois et de Dunois. Louis d’Orléans n’entra en possession de ces biens qu’après la mort du vendeur, survenue en 1398.
Romorantin passa ensuite entre les mains de Charles d’Orléans. Ce dernier, qui fut fait prisonnier à Azincourt resta vingt-cinq ans en Angleterre, pendant que son jeune demi-frère, Jean D’Orléans, le Grand Bâtard d’Orléans, se couvrait de gloire auprès du roi Charles VII dans la lutte contre les Anglais, aux côtés de Jeanne d’Arc. Pour le remercier des efforts que ce dernier ne cessait de déployer pour obtenir la libération du chef de Famille en Angleterre, Charles lui offrit notamment, le 29 mars 1428 par lettres patentes, le fief de Romorantin.
Au moment de recouvrer sa liberté, Charles d’Orléans retira à son célèbre demi-frère, ces domaines pauvres dont Romorantin, pour les échanger contre le riche comté de Dunois (Châteaudun).
Un partage de succession, intervenu en 1448 entre Charles d’Orléans et son frère, Jean d’Angoulême, attribua à ce dernier les fiefs de Sologne dont Romorantin.
L’entrée de la Sologne dans le patrimoine des Comtes d’Angoulême fut, pour la chronique, le temps de la prospérité de Romorantin.
Tout d’abord, le comte Jean fit jeter en 1448, un pont de pierre, reliant la ville, l’île Marin et le Bourgeau. Puis, le comte Jean décida de remplacer le vieux donjon médiéval par une bâtisse lumineuse, de l’autre côté de la Sauldre, le château de Romorantin, dont les restes abritent aujourd’hui la sous-préfecture.
Mais ce qui fit surtout la prospérité de la ville fut l’installation de la cour de Louis XI au Château du Plessis à Tours puis celle de Louis XII à Blois qui permirent à nombre de commerçants de la ville de s’enrichir.
En 1492, le roi Charles VIII autorisa la création d’une nouvelle enceinte fortifiée, au nord de la ville.
Louise de Savoie, l’épouse de Charles d’Angoulême, à partir de 1489, faisait de fréquents séjours à Romorantin avec son mari. Elle participa activement au relèvement de cette cité, ravagée à deux reprises au siècle précédent. Mais surtout, c’est à Romorantin que se trouvait une grande partie des droits de son douaire.
Le déplacement à Romorantin permettait au comte d’aller à la Cour pour y rendre ses hommages au roi Charles VIII ou d’aller à Paris y rencontrer ses chers imprimeurs et notamment, le plus important d’entre eux, Anthoine Vérard. Pendant ce temps, Louise de Savoie restait à Romorantin et y échafaudait toutes sortes de plans visant à valoriser sa chère cité.
Ces déplacements intervinrent surtout avant la naissance de François 1er qui ne fit donc que de rares séjours à Romorantin au cours de sa jeunesse.
Après la mort de Charles d’Angoulême en 1496, Louise de Savoie resta en effet à Cognac pendant deux ans puis elle décida, à l’avènement de Louis XII, le cousin de feu son époux, de rejoindre le roi à Chinon.
Le roi Louis XII se méfiait ouvertement de Louise de Savoie depuis que cette dernière avait osé contester son autorité de chef de famille en revendiquant avec ses avocats la stricte application du testament de son époux qui confiait ses enfants à sa garde. Aussi, après un bon accueil de façade, Louis XII plaça-t-il Louise de Savoie sous la garde du Maréchal de Gié au Château d’Amboise, avec des consignes strictes.
Mais le Maréchal de Gié, ministre de Louis XII était souvent absorbé par le service du roi, notamment lors des nombreuses absences du Cardinal d’Amboise, où il exerçait alors les fonctions de principal ministre. Le roi Louis XII ayant décidé de partir conquérir son duché de Milan, Gié l’accompagna.
Une épidémie de peste se déclencha alors, début 1499, dans la région d’Amboise. Louise de Savoie décida, sans que les lieutenants en charge de la Capitainerie d’Amboise ne puissent s’y opposer, de rejoindre Romorantin, épargnée par la peste, où elle arriva en juin 1499.
Elle passa là un peu plus d’une année, accompagnée de ses enfants, François alors âgé de trois ans et Marguerite de cinq ans. Au mois de septembre, elle fut informée de l’arrivée de la reine Anne de Bretagne qui fuyait la maladie et qui venait accoucher. Le treize octobre naquit à Romorantin, Claude de France qui devait un jour épouser François 1er.
Louis XII prévenu, revint aussitôt de Milan pour rejoindre son épouse dont il était très épris, à Romorantin où la cour passa six mois jusqu’en août 1500, date à laquelle Louise de Savoie rejoignit Amboise avec ses enfants.
Au début de l’année 1503[iii], Louise de Savoie offrit à sa bonne ville de Romorantin ses armes, qui furent confirmées par François 1er par une décision de 1522, la Salamandre étant devenue dans l’intervalle l’emblème du roi.
Armes de Romorantin Source : Site les Emblèmes de France
« Ecartelé: au premier et au quatrième d’azur à la salamandre couronnée d’or sur un brasier de gueules, au deuxième et au troisième de sable aux deux clefs d’argent passées en sautoir ».
Elle avait emprunté le symbole de la Salamandre à Jean d’Angoulême, le beau-père qu’elle n’avait pas connu, mais qui avait gardé une aura extraordinaire dans la ville, dont la prospérité avait repris avec l’arrivée des Comtes d’Angoulême. Elle savait que cet animal symbolique était le vivant et précieux témoignage de la présence du comte d’Angoulême à Romorantin.
Elle-même était très impressionnée par cet animal fabuleux dont on a retrouvé la trace sur au moins un document qui lui était adressé en 1504.
La même année, les tours Millon sont édifiées à Romorantin.
Il est possible que François, son fils, en adoptant pour emblème la Salamandre ait confondu l’image de cet animal mythique avec celle de sa mère dont il était un très grand admirateur. C’est du moins l’hypothèse que je formule dans mon roman.
Louise de Savoie, depuis Amboise où elle passa toutes les années suivantes, de 1501 à 1506, continuait de porter un grand intérêt à Romorantin sans s’y déplacer pour autant car elle ne souhaitait pas se séparer de son fils qui lui, en tant qu’héritier du trône, avait davantage de contraintes de mobilité.
A partir de 1508, François 1er, âgé de quatorze ans, partit d’Amboise pour rejoindre la Cour à Blois tandis que sa soeur, Marguerite, épousait en 1509, à l’âge de dix-sept ans, le duc d’Alençon, premier prince du sang dans l’ordre de succession à la Couronne, derrière François 1er.
A partir de cette date, Louise de Savoie partagea son temps, de 1509 à 1515 entre Romorantin, Cognac, Alençon, la ville où résidait sa fille, et la cour à Blois, où elle venait le plus souvent possible pour voir son fils.
A partir de 1512, Louise de Savoie fit agrandir son palais de Romorantin, en construisant une nouvelle aile parallèle à la Sauldre. Ces travaux furent engagés sans doute en prévision des jours à venir et pour donner davantage de prestige à sa bonne ville.
Le Château de Romorantin Centre de Recherches généalogiques du Perche-Gouët
De façon complémentaire, on commença de paver les routes de Blois et d’Amboise afin de faciliter le transport de matériaux lourds de construction. Puis les travaux de pavage du centre de la cité commencèrent. C’était donc une ville en effervescence et en pleine prospérité que François 1er allait apporter au domaine royal avec son élévation au trône de France.
Mais la ville de Romorantin n’avait pas encore connu l’heure de gloire que Louise de Savoie lui réservait.
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[i] Bibliographie utilisée pour la rédaction de cet article:
Musée de Sologne : Exposition « Léonard de Vinci « Romorantin, le projet oublié » Base de données complémentaire pour les collèges et les lycées
Téléchargement interrompu du dossier de presse de l’Exposition au Musée de Sologne du 9 juin 2010 au 30 septembre 2011
Paule Henri Bordeaux Louise de Savoie Régente et « Roi » de France PLON 1955.
[ii] Mémoires de la société archéologique de l’Orléanais Source Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-278668.
[iii] La salamandre : citée par Paule-Henri BORDEAUX « Louis de Savoie, Régente et « Roi » de France » page 81, comme les armes (salamandre et clefs en sautoir) octroyées par elle en 1503 à la ville de Romorantin. Elle s’est probablement basée sur l’article que je n’ai pas lu de Maurice Masson Premier essai sur les Armoiries de la ville de Romorantin. Bulletin de liaison et Mémoires de la société d’Art et d’archéologie de la Sologne, février-mai 1953.
M.M dit
Bonjour,
Je consulte avec intérêt vos pages…
Etes-vous bien certain que c’est Gaston d’Orléans « qui fut fait prisonnier à Azincourt et passa vingt-cinq ans dans les geoles anglaises » ?
Connaissez vous le grand poète Charles d’Orléans ( mais piètre politique si l’on en croit R.L. Stevenson!) qui connut exactement le même sort? 😉
Cordialement
M.M
GRATIEN dit
Bonsoir
Ce n’est évidemment pas Gaston d’Orléans qui est resté prisonnier à se lamenter (en poésies) pendant vingt cinq ans et qui a eu le futur Louis XII à l’âge inespéré et canonique pour l’époque, de 63 ans. Si j’ai écrit Gaston c’est une erreur et je vous prie de m’en excuser. Pouvez vous me dire dans quel article ?
Bien cordialement
Gratien
GRATIEN dit
Bonjour
C’est corrigé. Je vous remercie de votre observation
Bien cordialement
Gratien