Inghirami est l’un des grands humanistes de la renaissance italienne. Erudit et lettré, c’est avant tout un homme de théâtre qui va remettre à l’honneur les pièces antiques en jouant Plaute ou Sénèque, dont le rôle de Phèdre, demeurera attaché à son nom. Poète décoré par l’empereur Maximilien, qui le nomme comte Palatin, il est de toutes les élections pontificales sans être ni prêtre ni cardinal, et il termine sa vie comme préfet de la bibliothèque vaticane.
Inghirami[i], qui se désigne selon l’habitude des humanistes, par le pseudonyme de Phèdre, est né à Volterra, à la fin de l’année 1470, d’une famille noble patricienne, de Volterra, ayant des ascendances germaniques. Son père, exploite l’alun sur le territoire de la commune de Volterra. C’est un protégé de Julien de Médicis, le frère de Laurent le Magnifique: il est assassiné lors de l’émeute du 22 février 1472 (voir l’article sur ce Blog sur Federico de Montefeltro Section II le grand condottiere invaincu): ses biens sont pillés et sa maison placée sous séquestre. Le bébé est conduit à Florence par son oncle et placé sous la protection personnelle de Laurent de Médicis, qui ne tarde pas à constater les donc exceptionnels de son protégé.
En 1483, à l’âge de treize ans, il rejoint Rome à l’instigation de deux de ses oncles, l’un, Antonio Inghirami, est cubiculaire (gardien de la chambre du pape) et secrétaire du pontife et Niccolo Inghirami, vice-légat du pape à Avignon. A Rome, il suit les cours de Pomponio Leto et il rencontre à cette occasion Alexandre Farnese, le futur cardinal, qui deviendra le pape Paul III, qui étudie à Rome avec Pomponio de 1487 à 1489. En 1486, il participe, en qualité d’acteur, aux représentations théâtrales que le cardinal Riario venait de remettre à l’honneur et notamment à celle d’Hippolyte, la tragédie de Sénèque, jouée pour la première fois en plein air dans le théâtre romain en face du Palais Riario au Campo dei Fiori, dans laquelle il interprète le rôle de Phèdre. Il va y gagner un tel succès que ce rôle-titre deviendra son surnom. Il se livre ensuite à l’étude des orateurs antiques et il est bientôt compté au nombre des plus grands spécialistes de l’éloquence, dans la Rome moderne.
Il commence, sous le pontificat d’Alexandre VI, une carrière sacerdotale, bien qu’il n’ait jamais pris les ordres. En 1495, il accompagne le nonce du pape, le cardinal Bernardino Carvajal (1456-1523), nonce apostolique, à la cour de l’empereur Maximilien, qu’il rencontre à Milan, le 31 août 1495 et qui le crée comte palatin et poète lauréat, avec le droit de porter l’aigle impérial. Il s’est en effet fait connaître comme poète, notamment par deux poèmes, présentant une valeur politique, rédigés en 1494, à la suite de l’invasion de Rome par les troupes françaises de Charles VIII. Il reste à la nonciature pendant pratiquement deux ans, et se plaint, pendant cette période de l’insuffisance de ses ressources. Il est de retour à Rome, le 1er novembre 1497.
Ses talents d’orateur lui valent d’être désigné, en 1498, pour l’oraison funèbre de Jean d’Aragon (1478-1497), héritier des couronnes d’Aragon et de Castille, au cours de la messe de funérailles solennelles, dans l’église Santissima Trinità degli Spagnoli, en présence du pape Alexandre VI, de onze cardinaux, et d’une foule de diplomates et représentants étrangers.
Il resserre ses liens avec des lettrés de talent comme Raffaele Maffei (1451-1522), Mario Maffei (1463-1537), au cours de réunions littéraires dans les « jardins de Phèdre», ou, en son vignoble sur le Palatin. En 1498, il a succédé à Pomponio Leto, par suite du décès de ce dernier, dans l’enseignement de la rhétorique. Il prend part au conclave pour l’élection de Jules II, en qualité de secrétaire du cardinal Ludovico Prodocatarius, qui décède en 1504. En Mars 1504, Jules II l’a nommé chanoine de Latran, puis Secrétaire du Sacré Collège et secrétaire aux Brefs aux princes. Inghirami semble alors s’être fait une spécialité des oraisons funèbres, présentées en 1504 pour celle du cardinal Ludovico Prodocatarius, ou celle du 5 novembre 1505 pour le cardinal Ascanio Sforza (1455-1505).
En 1505, il est nommé « praepositum » de la Bibliothèque du Vatican, une sorte de bibliothécaire en second, le responsable en titre, Giuliano Maffei, étant trop vieux ou trop malade pour exercer sa fonction. A la mort de ce dernier, il en devient officiellement le préfet, le 17 juillet 1510.
En 1509, avant sa nomination comme préfet de la bibliothèque vaticane, alors qu’il exerce cette responsabilité depuis quatre ans, Raphael peint son portrait en tentant habilement de corriger son strabisme divergent. Erasme rencontre Inghirami au cours de son séjour à Rome: les deux savants entretiendront dès lors des relations épistolaires suivies et une amitié qui ne se démentira pas.

Tommaso Inghirami par Raphael deux copies: l’une au Musée Isabella Stewart Gardner de Boston et l’autre à la Galerie Palatine du Palais Pitti à Florence
Parallèlement, il poursuit avec succès sa carrière d’acteur. Sa présence est prouvée en novembre 1512, dans la scène allégorique représentée dans les jardins du Belvedère, pour la cérémonie rituelle de couronnement des poètes Vincent Pimpinella et Francesco Maria Grapaldo. Il participe à nouveau, en qualité de secrétaire, à l’élection pontificale de 1513, qui aboutit à l’élection de Jean de Médicis, sous le nom de Léon X en mars 1513. Et à l’occasion des jeux de l’Agona et du Testaccio qui précèdent le carnaval de 1513, il monte et fait représenter la pièce de Plaute « Poenus« , le carthaginois, dont il fait une nouvelle représentation, le 18 septembre 1513, dans le palais apostolique. Pour le carnaval de 1514, il supervise la représentation allégorique des tableaux sur les vertus présentés par les dix-huit chars de la procession.
Thomaso Inghirami meurt d’un stupide accident le 5 septembre 1516: il tombe de sa mule et il est écrasé par les roues d’une charrette à boeufs lourdement chargée de sacs de grains.
Pietro Bembo, Jacques Sadolet et Didier Erasme de Rotterdam, trois des plus grands lettrés du début du seizième siècle, feront de lui les plus brillants éloges. On cite au XVIIIème siècle parmi les oeuvres d’Inghirami une Apologie de Ciceron contre ses détracteurs, un abrégé de l’histoire romaine, un commentaire sur l’art poétique d’Horace et des Notes sur les comédies de Plaute, tous ouvrages qui semblent avoir été déjà perdus à cette date.
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[i] Voir l’article en italien sur Thommaso Inghirami sur le site Trecanni.
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