Paola est une petite ville de Calabre appartenant au royaume de Naples, où vivent Jacques Martotelli et son épouse Viane de Fuscaldo qui accouche, le 27 mars 1416, d’un garçon nommé François en l’honneur de Saint-François d’Assise pour lequel le couple a une particulière dévotion.
A l’âge de douze ans[i], l’adolescent est confié pour un an au couvent des Cordeliers (Ordre des Franciscains) de Notre-Dame de Saint-Marc à Cosenza, une ville proche de Paola. Les religieux sont charmés par la simplicité, le zèle et la piété du jeune homme.
Un an plus tard, ses parents l’emmènent faire un pèlerinage à Assise, puis Rome et finalement, le mont Cassin. C’est en revenant de ce pèlerinage que François Martotelli, choisit de se consacrer à Dieu, avec l’accord de ses parents qui lui attribuent une petite propriété à quelques lieues de Paola.
Il va vivre six années en ermite, d’une vie de prières et de dévotion, qui va progressivement attirer à lui des disciples qui le supplient de les accepter à ses côtés. Il y consent sous condition que ces derniers respectent des règles de vie commune. En 1435, il construit son premier couvent qu’il consacre à Notre-Dame-des-Anges. En même temps, il leur donne un nom : les ermites de saint François d’Assise recevront vingt-six ans plus tard, en 1471, l’exemption de Pirro Caracciolo, archevêque de Cosenza, que ratifie Sixte IV, en 1474, en plaçant le couvent sous sa juridiction directe avec les privilèges des ordres mendiants.
Il faut dire qu’en trente ans le jeune ermite dont la vie, édifiante, s’est signalée comme un exemple aux yeux de tous ses contemporains, a suscité sous ses pas toutes sortes de miracles, avérés ou non qui lui ont forgé une légende. Les exemples sont innombrables de guérisons spontanées à son contact, dont il n’est pas possible, même pour un pape, de ne pas tenir compte, bien que les faux prophètes soient légion.

Saint François de Paule traversant le détroit de Messine sur son manteau par Benedetto Luti Museo Regionale di Messina
La célébrité du saint ermite se propage de ville en ville et de nouvelles adhésions surgissent, qui nécessitent la construction de nouveaux couvents : l’Annonciade à Paterne, la Très-Sainte-Trinité à Coriliane, Jésus et Marie à Cortone, que François régit avec les mêmes règles strictes.
En 1481, François de Paule, âgé de soixante-cinq ans, revient de Sicile où il vient de fonder le couvent de Milazzo, lorsqu’il est appelé à Naples par le roi Ferdinand 1er.
Le bruit de ses miracles et de sa vie, édifiante, parviennent aux oreilles du roi Louis XI, lequel, vieillissant, est affligé de maux qui le tourmentent : troubles digestifs, crises de rein, malaises de l’estomac et du foie. L’ermite s’est signalé par des guérisons miraculeuses ! pourrait-il réussir à prolonger la vie du roi atrabilaire ? Louis XI s’adresse au roi Ferrante pour inviter l’ermite à sa cour.

Louis XI par
Lugardon Jean Léonard (1801-1884) Inventaire n°MV3066 Photo RMN Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
Mais ce dernier rejette l’invitation, estimant que son devoir est d’être présent autour des fidèles que sa vie itinérante et son exemple, ne cessent d’attirer à lui. Louis XI s’adresse alors au pape Sixte IV lequel intime l’ordre au célèbre thaumaturge de se rendre à la cour du puissant roi de France. François s’incline immédiatement devant le pape et, emmenant avec lui son neveu, André d’Alesso, il part pour Naples, retrouver Guynot de Bousières, le maître d’hôtel de Louis XI, venu l’escorter jusqu’au roi.
Son chemin vers la France est pavé de ses miracles. Embarqué à Ostie, son navire n’est-il pas approché par des pirates barbaresques ? Un providentiel coup de vent l’en éloigne. Il veut débarquer en Provence. Mais la peste règne à Marseille et à Toulon. On lui refuse l’accès. Il parvient à descendre à Bormes où il passe de maison en maison, se recueillir auprès des malades, touchés par la grâce.
Le nom de thaumaturge était décerné au saint qui guérit de façon miraculeuse. Le saint n’a pas de pouvoir guérisseur : il guérit au nom de Dieu.
La chronique rapporte que les guérisons sont si nombreuses qui Fréjus qui subit les mêmes attaques, avec les mêmes effets, fait appel à lui. Avec le même succès. De sorte qu’il peut fonder à Fréjus le couvent Notre-Dame-de-la-Pitié, qui sera le premier à respecter en France, la règle des Minimes.

Saint François de Paule guérissant Jean Catarello.
Théodore Van Thulden. XVIIe Le Louvre
Puis, François de Paule prend la route de la Provence, du Dauphiné et de Lyon où l’accueil qui lui est fait est partout celui d’un saint. Il arrive enfin en Touraine, à Plessis-lez-Tours : le roi Louis XI est surexcité : il est sorti avec toute sa cour pour accueillir le saint ermite. Il se jette à ses pieds et lui demande sa bénédiction. Puis il va le conduire au château, où une chambre lui a été préparée, à proximité de la chapelle, dédiée à Saint-Matthias.
Le roi, superstitieux, espère que le Saint ermite, intercèdera auprès du Seigneur pour retarder sa mort. Mais le miracle réalisé par François de Paule est tout autre que celui espéré par le roi : par la persuasion, il convainc l’aigre monarque d’accepter l’idée de la mort et de se préparer à mourir en organisant son départ. A partir d’août 1483, le roi est au plus mal. François de Paule reste alors à son chevet, nuit et jour, pour l’accompagner et le préparer au grand voyage.
Le roi Charles VIII qui lui succède, n’est encore qu’un enfant de treize ans. C’est sa sœur aînée, Anne de Beaujeu, qui gouverne. Elle va conserver au saint ermite toute la faveur royale en l’autorisant à rester au château de Plessis. Charles VIII, qui a installé la résidence royale à Amboise, donne à François de Paule des signes concrets et répétés de faveur royale, en autorisant la création de deux couvents, à Tours et à Amboise, dotés de nombreux privilèges. La reine, Anne de Bretagne, fonde, à Chaillot, le couvent royal de Notre-Dame-de-Toutes-les-Grâces et un monastère à Gien, placés sous l’autorité de l’ermite.
Entre 1490 et 1493, va se produire un évènement anecdotique qui aura une forte influence sur la vie de Louise de Savoie, la comtesse d’Angoulême. Celle-ci vient d’épouser en 1488, le comte d’Angoulême qui n’a eu que des filles de ses différentes maîtresses. Louise de Savoie vient consulter le célèbre thaumaturge qui a également une réputation de devin, pour savoir si elle pourra enfanter d’un fils. L’ermite lui aurait alors prédit qu’elle aurait un fils et que ce fils serait roi, alors même que le roi Charles VIII venait de fêter la naissance d’un héritier, Charles-Orland et que le comte d’Angoulême n’était pas le premier prince du sang, dans l’ordre de succession à la couronne. Une prédiction bien extraordinaire qui va susciter chez Louise de Savoie le sentiment que sa famille est favorisée par la fortune (voir sur ce sujet l’article sur ce Blog sur le Journal de Louise de Savoie).

Saint François de Paule prophétisant un fils – le futur François Ier –
à Louise de Savoie, épouse de Charles d’Angoulême.
Théodore Van Thulden. XVIIe Photo RMN Le Louvre
Depuis 1493, François de Paule a rédigé les règles de l’Ordre des Minimes, règles qui vont être approuvées par le pape Alexandre VI Borgia,
De toutes parts, la ferveur passionnée du saint suscite des vocations de sorte qu’à la mort de Charles VIII, quand François de Paule, âgé de quatre-vingt-deux ans, demande l’autorisation de repartir en Calabre, le roi Louis XII, qui est prêt à l’accepter voit son premier ministre, Georges d’Amboise s’y opposer en faisant valoir que l’absence d’un saint à la réputation si exemplaire, causerait un grand dommage au pouvoir royal.
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Franz Liszt François de Paule marchant sur les flots Video You Tube
François de Paule modifie à plusieurs reprises les règles de l’ordre des Minimes, en 1501, 1502 et 1507, tandis que son ordre, édifié par un exemple si vivifiant, connaît un grand développement en France, en Sicile, en Italie et en Espagne.

François de Paule par Jean Bourdichon 1507 Copie de l’original au Vatican Seul tableau authentique du saint
La fondation de l’ordre des Minimes se situe dans un vaste mouvement de refondation spirituelle et morale, qui va produire, au début du seizième siècle, une aspiration à rendre plus stricte l’observation des règles religieuses. « Ce contexte est donc un foyer de renouveau spirituel et religieux particulièrement propice à l’émergence de nouveaux Ordres. Par l’intermédiaire de la spiritualité ascétique qu’elle propose, la création monastique ex-nihilo de saint François de Paule suscite un vif intérêt. L’idéal de détachement des biens est profondément lié à la Réforme catholique, en se conformant au modèle de vie chrétienne proposé en réaction aux critiques protestantes sur les richesses du clergé », nous dit Valérie Malabirade dans sa thèse sur l’Ordre des Minimes en Aquitaine.
François de Paule meurt le vendredi saint, 2 avril 1507, au château de Plessis-lez-Tours.
Dès 1512, le pape Léon X ouvre un procès de canonisation pour le saint ermite. Ce procès va être puissamment appuyé par Louise de Savoie, arrivée au pouvoir avec son fils le 1er janvier 1515, qui va remuer ciel et terre pour que l’instruction du procès soit menée dans les plus brefs délais. La canonisation du Saint est décidée le 12 mai 1519, au terme d’un procès exceptionnellement rapide.
« Le 2 avril 1745, à Paris, dans l’église des Minimes, Massillon prononça le panégyrique de saint François de Paule devant le chancelier d’Aguesseau et sa femme, Jeanne d’Ormesson, qui descendait de la sœur du saint, Brigitte d’Alesso »[ii].
Le poète Colletet[iii] lui rendit l’hommage suivant :
Il fut simple, pauvre, abstinent, charitable,
Fidèle, juste, saint, chaste et dévotieux,
Et de tant de vertus, le concert admirable,
Le fait vivre sur terre et triompher aux cieux.
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[i] Cet article s’inspire de deux documents : l’article « Saint François de Paule, fondateur de l’Ordre des Minimes. 1507 » par le site et la thèse de 3ème cycle de l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, « Les Minimes et la province d’Aquitaine sous l’Ancien Régime » .
[ii] Article déjà cité sur Saint François de Paule.
[iii] Cité dans Le château d’Amboise et ses environs Tours Guilland-Verger.
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